Réchauffement climatique : plus que trois ans pour agir, s’alarment les experts du Giec

Pour réduire les gaz à effet de serre, le nouveau rapport des climatologues du Giec, rendu public lundi 4 avril, préconise de changer nos modes de vie, de miser sur l’énergie renouvelable et de moins consommer de viande.

    Imaginez un monde où les voitures électriques auraient remplacé les moteurs à explosion. Un monde alimenté en énergie par des champs d’éoliennes et de panneaux solaires, où le charbon, le gaz et le pétrole figureraient dans les livres d’histoire comme des énergies du siècle passé. Un monde où l’on ne mangerait plus de viande à tous les repas mais des protéines végétales. Une utopie ? Peut-être. Mais pour les climatologues, c’est le seul modèle de développement vraiment durable qui serait compatible avec une baisse drastique de nos émissions de gaz à effet de serre.

    C’est en substance le message délivré par le nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (Giec) dévoilé ce lundi après-midi. 278 scientifiques du monde entier ont épluché plus de 18 000 études pour déterminer, secteur par secteur, les meilleurs moyens d’atténuer le réchauffement de la planète. En partant d’un constat alarmant résumé par Céline Guivarch, l’une des autrices françaises du rapport : « Plus on attend pour agir, plus la situation sera difficile et coûteuse à gérer. »

    L’objectif de + 1,5 °C sera dépassé

    « Nous sommes à un tournant. Nos décisions aujourd’hui peuvent assurer un avenir vivable », insiste le patron du Giec, Hoesung Lee. « La décennie à venir est critique et tout dépendra des investissements que l’on fait aujourd’hui », abonde Raphaël Jachnik, spécialiste de la finance climat à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « À moins d’une action forte et immédiate qui conduise rapidement à une baisse des émissions, l’objectif de +1,5 °C sera dépassé (limite fixée lors de la Cop 21), avertit Céline Guivarch, qui officie au Centre International de recherche sur l’environnement et le développement (Cired). Alors que l’on subit déjà des dommages liés au réchauffement, chaque fraction de degré supplémentaire augmentera les risques et rendra les choses de plus en plus complexes à gérer. »



    Selon le rapport, pour éviter le pire — un réchauffement catastrophique de 3°C —, il est impératif de transformer radicalement l’économie et de faire plafonner les émissions d’ici moins de trois ans. « Si on ne fait rien, nos émissions continueront à augmenter de 14 % d’ici 2030 alors qu’il faudrait qu’elles baissent de 45 % sur cette période », résume le responsable des politiques européennes du Réseau Action climat, Neil Makaroff. Voilà pour le constat.

    Il faut donc agir vite. Mais comment ? Accroître la transition vers les véhicules électriques, développer les panneaux solaires, réduire drastiquement les soutiens publics aux énergies fossiles, fermer progressivement les centrales à charbon, au fioul et au gaz… Les climatologues estiment que de multiples solutions sont sur la table pour « décarboner » l’économie mondiale. Au passage, ce mêmes experts indiquent que les ménages avec les 10% des plus hauts revenus dans le monde représentent à eux seuls entre 36% et 45% des émissions totales de gaz à effet de serre.

    Changer nos modes de vie

    Dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui souligne plus que jamais la dépendance des économies aux énergies fossiles, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres n’y est d’ailleurs pas allé par quatre chemins en estimant que la dépendance au pétrole, au charbon et au gaz était une « folie ». « Le Giec estime que le meilleur levier pour réduire cette dépendance et nos émissions polluantes et de développer massivement le solaire et l’éolien », se réjouit Clément Sénéchal, chargé du dossier climat à Greenpeace.



    « Les climatologues mettent les énergies renouvelables au sommet des solutions pour baisser rapidement nos émissions, en soulignant que leur coût est en forte baisse et qu’elles ont une capacité de déploiement plus rapide que le nucléaire ou les technologies de stockage du carbone, ajoute Neil Makaroff. Mais pour la première fois, le Giec parle aussi de sobriété énergétique et de la nécessité de changer nos modes de vie. »

    Ce qui passe notamment, selon ce spécialiste du changement climatique, par « le fait de consommer moins de produits carnés (l’élevage émet énormément de gaz à effet de serre), de privilégier les modes de transport doux à la voiture en ville, de bifurquer vers des modèles électriques et d’être plus économe en matière d’énergie pour chauffer nos logements ».

    « On peut choisir de prendre le train ou l’avion et de changer nos modes de consommation ce qui relève effectivement de décisions individuelles, reconnaît le directeur du Cired, Franck Lecocq. Mais tout dépend aussi de la façon dont les politiques publiques sont mises en œuvre, de ce que l’on propose aux habitants pour que cette transition soit juste économiquement et socialement. » « Ce que dit ce rapport, ajoute Franck Lecocq, c’est justement que décarboner la planète n’est pas incompatible avec le fait d’avoir une vie décente. »