Essonne : meurtre de Christelle, ses fils rongés par la culpabilité

Kevin et Ludovic ont perdu leur mère et leur petit frère, Christelle et Joao, en septembre 2014 à Brétigny-sur-Orge. Tués de plusieurs dizaines de coups de couteau par Azzedine, le petit ami de la mère de famille, qui est jugé jusqu’à demain.

 Christelle et Joao, les deux victimes tuées en septembre 2014 de plusieurs dizaines de coups de couteau par Azzedine, le concubin de Christelle. L’accusé est jugé en appel jusqu’à demain aux assises.
Christelle et Joao, les deux victimes tuées en septembre 2014 de plusieurs dizaines de coups de couteau par Azzedine, le concubin de Christelle. L’accusé est jugé en appel jusqu’à demain aux assises. LP/F.L.

    Sur l'écran de la salle d'audience du tribunal de Melun, où Azzedine est jugé en appel pour le double meurtre de Christelle et Joao, les photos de famille des deux victimes défilent. Photos de classe. D'anniversaires. Sur l'une d'elles, Joao, 7 ans, apparaît la mine réjouie, avec le maillot de l'Atletico Madrid tout juste offert par ses deux grands frères. C'en est trop pour ces derniers, sur le banc des parties civiles, qui fondent en larme. De son côté, Azzedine, tête basse, ne regarde même pas, ou vaguement.

    Depuis deux jours, cet homme sans papier de 28 ans a reconnu avoir tué sa compagne et le plus jeune fils de celle-ci, le 23 septembre 2014, dans leur maison à Brétigny-sur-Orge. Deux victimes qu'il a égorgées après avoir consommé de l'alcool et du crack, au bout d'une nuit de frustration et de dispute. Malgré tout, il n'a pas été en mesure de donner les détails des derniers instants des deux victimes, à cause de l'alcool, mais aussi de la honte.

    « Il a détruit nos vies »

    Après une première journée de procès consacrée à la personnalité de l'agresseur, ces deux derniers jours ont été centrés sur les deux plus grands enfants de Christelle qui sont, eux, « rongés par la culpabilité » selon une experte qui leur diagnostique une dépression et leur recommande une psychothérapie. « Il a détruit nos vies, lâche Kevin. Tous les jours j'y pense, j'ai l'impression de ne plus avancer, je n'ai pas le même goût de la vie qu'avant. »

    Ludovic, le frère de Joao et fils de Christelle, confie que sa « vie est plus que détruite ». LP/F.L.
    Ludovic, le frère de Joao et fils de Christelle, confie que sa « vie est plus que détruite ». LP/F.L. LP/F.L.

    L'aîné de la fratrie a envoyé un SMS à Azzedine le lendemain d'un drame dont il n'avait alors pas connaissance. Il lui disait sa volonté de venir s'excuser pour son attitude de la veille, où les deux hommes s'étaient bagarrés parce que l'enfant de Christelle n'aimait pas la relation qu'elle entretenait avec cet homme bien plus jeune qu'elle et sans-papiers. Il n'aura pas de réponse.

    Ludovic, son frère, est du même avis sur ce couple : « Elle m'a dit qu'elle voulait se marier, je lui ai dit qu'il ne fallait pas, ce n'était pas possible que cela soit un vrai mariage. » Ludovic ressasse lui aussi sans cesse cette nuit-là : « Je m'en veux. Ce soir-là, j'avais proposé à Joao de dormir chez moi, pour être tranquille. Si je l'avais pris avec moi, il serait encore en vie aujourd'hui. Il avait 7 ans, il était innocent. »

    « Elle était ma meilleure amie »

    Comme son frère, il était aussi très proche de sa mère. « Nous avions une relation complice, elle était ma meilleure amie », confie-t-il. Ce soir-là, il sort de l'appartement après s'être disputé avec elle. « Ce n'est pas comme ça que j'aurais voulu la quitter, souffle-t-il. Je n'aurais jamais pu imaginer qu'il allait se passer ça. »

    Pour Kevin comme pour Ludovic, à l'évocation de Joao, les larmes ne sont jamais loin. « C'est quasiment moi qui l'ai élevé avec ma mère. Je lui donnais le biberon, je changeais ses couches… J'ai grandi avec lui, on partageait la même chambre. Je faisais tout avec mon petit frère », lance Ludovic. Des photos du plus jeune déguisé par ses deux grands frères en œuf de Pâques sont montrées aux jurés. « Je devais inscrire Joao au foot, j'avais acheté tout un ensemble », soupire Kevin.

    « Joao me passait des messages discrètement, parce qu'il avait peur, reprend Ludovic. Il savait qu'il allait se passer quelque chose de grave. A 7 ans, il avait retenu le numéro de téléphone pour m'appeler. » Il se rappellera toute sa vie les scellés sur la porte de l'appartement où le drame s'est noué : « Notre vie est plus que détruite, nous avons du mal à nous reconstruire. On a du mal à en parler. La douleur qui est en nous est immense. Je n'arriverai jamais à m'en remettre. »