Essonne : Marcoussis présente le tableau volé dans son église il y a 46 ans

Le public pourra (re) découvrir cette toile peinte par Théodore Chassériau en 1852, qui avait disparu depuis son vol en 1973.

 Marcoussis, juillet 2019. Le tableau volé il y a 46 ans dans l’église de Marcoussis a été retrouvé. La ville va présenter au public cette toile de Théodore Chassériau jeudi 10 octobre.
Marcoussis, juillet 2019. Le tableau volé il y a 46 ans dans l’église de Marcoussis a été retrouvé. La ville va présenter au public cette toile de Théodore Chassériau jeudi 10 octobre. Ville de Marcoussis.

    Il n'aura même pas eu besoin de se refaire une beauté pour être de nouveau observé. Ce jeudi soir, le tableau de Théodore Chassériau représentant « Jésus chez Marthe et Marie » sera dévoilé au public à Marcoussis. Un retour à la maison pour cette toile peinte en 1852 et accrochée dans l'église Sainte-Marie-Madeleine de la commune en 1859. Elle y serait encore si elle n'avait pas été volée dans la nuit du 23 au 24 mai 1973, avant de disparaître de la circulation depuis. Coup de théâtre cet été : le tableau a été retrouvé, presque miraculeusement, en Allemagne, 46 ans après son vol.

    Depuis qu'Olivier Thomas, le maire (DVG) s'est rendu lui-même outre-Rhin pour le récupérer le 9 juillet dernier, la curiosité locale est plus qu'aiguisée. « Les gens n'arrêtent pas de m'en parler, confie l'élu. Ils sont pressés de le voir ou de le revoir pour les moins jeunes. On a donc organisé cette petite soirée jeudi* pour le présenter à la population. »

    Wiesbaden (Allemagne), le 8 juillet 2019. Olivier Thomas, le maire de Marcoussis (chemise blanche) a récupéré outre-Rhin le tableau. Mairie de Marcoussis
    Wiesbaden (Allemagne), le 8 juillet 2019. Olivier Thomas, le maire de Marcoussis (chemise blanche) a récupéré outre-Rhin le tableau. Mairie de Marcoussis Ville de Marcoussis.

    L'événement a pu se monter plus rapidement que prévu car le tableau est plutôt en bon état. « Il est resté de nombreuses années dans un grenier en Allemagne, à Wiesbaden, rappelle Olivier Thomas. Mais apparemment, c'était un grenier sec et bien isolé car le tableau n'est pas endommagé. Peut-être que des musées nationaux le restaureraient mais pour nous ce n'est pas la peine. Il a juste eu droit à un dépoussiérage et quelques travaux de conservation. »

    Le descendant de la famille qui a fait don de l'œuvre au XIXe siècle sera présent

    Il sera donc dévoilé ce jeudi soir. Avec deux invités exceptionnels. D'abord Xavier de Massary, conservateur général à la direction générale des patrimoines du ministère de la Culture, et descendant de la famille Moreau-Nélaton, qui a fait don de l'œuvre à l'église de Marcoussis au XIXe siècle.

    « L'un de mes ancêtres, Adolphe Moreau, a acheté le tableau en 1852 ( NDLR : l'année de sa présentation au Salon ), raconte-t-il au téléphone. Pas directement à l'artiste, mais à un galeriste. Il l'a gardé 7 ans parmi une collection d'une centaine de tableaux d'autres peintres contemporains, comme Delacroix… Puis en 1859, année du mariage de son fils, qui porte le même prénom, avec Camille Nélaton, une famille qui possède une propriété à Marcoussis depuis 1798, il en a fait don à l'église de Marcoussis. Je suis donc doublement touché par le retour de cette toile. »

    L'autre invité sera celui qui a retrouvé le tableau. La mairie ne dévoile pas son nom, mais Olivier Thomas le confirme : « Le collectionneur avisé sera présent. » Il s'agit d'un restaurateur de dessins, amoureux de l'art français et féru, entre autres, de l'œuvre de Théodore Chassériau. Il repère le tableau sur un site qui annonce une vente aux enchères à Wiesbaden en Allemagne. Après avoir vérifié qu'il s'agit d'un Chassériau volé, il contacte la mairie de Marcoussis.

    Il pourrait être confié à un grand musée national

    Les ministères de la Culture français et allemand, avec l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (sous la houlette d'Interpol) contactent la police régionale du Hesse qui récupère le tableau auprès du commissaire-priseur quelques jours avant la vente. Le propriétaire, un octogénaire, est auditionné. Ignorant qu'il était volé, il a rendu le tableau à la ville sans contrepartie. Son beau-père l'avait acheté aux Puces en 1974 lors de son voyage de noces à Paris. À son décès en 1980, le tableau lui revient, mais n'étant guère à son goût, il est remisé au grenier.

    Le propriétaire allemand du tableau a aussi été invité, mais « il n'a pas répondu », regrette Olivier Thomas. « C'est une personne âgée », note l'élu. Pour l'avenir de la toile, tout reste ouvert. « Nous en discuterons avec Xavier de Massary, qui sera forcément de bon conseil, poursuit le maire. Le tableau pourrait être confié à un grand musée national. Mais si c'est pour qu'il reste dans les réserves, je ne vois pas l'intérêt. Je préfère dans ce cas le raccrocher à sa place dans l'église, en le protégeant du vol. Mon objectif, c'est qu'on puisse voir cette œuvre. »

    Théodore Chassériau, « le Chopin de la peinture »

    « Théodore Chassériau est l'un des talents les plus troublants de l'histoire de la peinture, fasciné par le classicisme d'Ingres et le romantisme de Delacroix. » Jean Mineraud, l'auteur et présentateur des « Dessous du visible », une chaîne YouTube sur la peinture, voit même en lui « le Chopin de la peinture, une notoriété bien moindre ».

    Dès l'âge de 11 ans, Théodore Chassériau devient élève d'Ingres. Ce dernier est tellement impressionné qu'il lui prédit « la destinée d'un Napoléon ». Malgré sa mort précoce survenue le 8 octobre 1856 à l'âge de 37 ans, il laisse quantité d'œuvres, dont certaines sont vendues aux enchères avec une mise à prix de 10 000 €. Il est exposé aux musées parisiens du Louvre, d'Orsay… En 2002, le Grand Palais lui a consacré une rétrospective, partie ensuite à New York.

    *Jeudi 10 octobre à 19 heures, salle Jean-Montaru, parc des Célestins à Marcoussis.