Vols de biens culturels : «C'est un travail de fourmi pour détecter les objets»

Didier Berger, le colonel de gendarmerie qui dirige l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), revient sur les actions mises en place par les forces de l'ordre pour contrer les malfaiteurs qui s'attaquent à notre patrimoine culturel.

 Didier Berger est le chef de  l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels.
Didier Berger est le chef de l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels. SICOP MEDIA

    Après l'incroyable retour annoncé de la vierge de l'église de Houdan, volée il y a 46 ans, Didier Berger, 49 ans, le colonel de gendarmerie qui dirige l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) au sein de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), évoque la question des vols d'objets religieux, leur recel et les actions mises en place par les forces de l'ordre pour contrer les malfaiteurs qui s'attaquent à notre patrimoine culturel.

    Quel est le rôle de l'office central ou plus généralement de la police ou de la gendarmerie lorsqu'il s'agit de vols d'œuvres d'art ?

    DIDIER BERGER. L'office est chargé de centraliser, d'exploiter et de diffuser auprès des services de police et des unités de gendarmerie le renseignement collecté en matière de trafic de biens culturels. Dans le cas présent, qui est un bon exemple de la complémentarité entre le Service Central de Renseignement Criminel de la Gendarmerie qui a détecté l'objet, et l'OCBC, nous avons été, en tant que Bureau Central National, l'interface avec Interpol. Nous étions aussi en contact avec les services du ministère de la Culture. L'ancienneté des faits commis est souvent une difficulté rencontrée par les enquêteurs lorsqu'ils retrouvent des objets d'arts volés. Si les faits sont prescrits, il n'y a pas d'enquête judiciaire. Mais lorsqu'il y a une enquête à la suite de la découverte d'un bien, les forces de l'ordre cherchent toujours à déterminer si le dernier détenteur est de bonne foi. Si c'est le cas, le code civil s'applique. Par ailleurs, quand un objet est retrouvé à l'étranger et qu'il n'y a pas d'enquête judiciaire, les services locaux sont avisés via Interpol. Dans le cas présent, la procédure de restitution à leur légitime propriétaire est assurée par le ministère de la Culture.

    Les édifices religieux sont-t-ils souvent la cible des voleurs ?

    Dans les années 2005-2006 nous recensions chaque année en France, entre 200 et 250 vols d'objets dans les édifices religieux. Ce phénomène a fortement baissé puisqu'en 2018 nous ne constations que 157 faits. Mais il y a encore des phénomènes sporadiques dans des régions particulières comme dans le sud-est de la France et dans l'Ouest. Aujourd'hui, nous sommes surtout confrontés à des personnes déjà connues des services d'enquête, des voleurs d'opportunité, cherchant à se faire de l'argent facilement et qui, pour certaines, tentent de revendre leur butin sur Internet. Mais il existe toujours des filières beaucoup plus organisées, pouvant agir sur demande, et cherchant à écouler les produits dans les pays frontaliers, notamment en Belgique et en Angleterre. C'est notre raison d'être : nous détectons ces phénomènes sériels et nous travaillons avec les enquêteurs locaux pour remonter et démanteler les équipes de malfaiteurs.

    Quels sont les facteurs qui ont entraîné cette baisse ?

    De nombreuses campagnes de sensibilisation ont été réalisées dans le passé auprès des collectivités locales et des autorités épiscopales. Des recommandations et des conseils de prévention ont été donnés afin de renforcer la protection de leur patrimoine. Ils consistaient notamment à prendre des mesures élémentaires de sécurité et à répertorier précisément l'ensemble de leurs biens artistiques. Autrement dit, on leur demande de prendre ces objets en photo, avant de les intégrer, en cas de vols, à notre base de données Treima, (Thésaurus de recherche électronique et d'imagerie en matière artistique). Cette base, liée à celle d'Interpol (PSYCHE, Protecting System for Cultural HEritage) permet d'avoir une capacité de rapprochement international sur ce contentieux. Concrètement, l'office central dispose d'enquêteurs spécialisés qui veillent et comparent, avec notre base, les objets en vente sur Internet et dans les catalogues des maisons de vente. C'est ce travail de fourmi qui permet de détecter les objets volés et d'initier régulièrement des enquêtes ».