Menaces de bombes et de décapitation, sécurité renforcée… ce que l’on sait des messages reçus par des lycées franciliens

Une trentaine d’établissements ont été visés en Île-de-France. Des levées de doutes ont été ou vont être effectuées, et la sécurité sera renforcée autour des établissements touchés. Le parquet de Paris a ouvert une enquête.

Policiers et militaires de Vigipirate déployés ce jeudi matin devant le lycée Maurice Ravel, à Paris XXe. LP/Aubin Laratte
Policiers et militaires de Vigipirate déployés ce jeudi matin devant le lycée Maurice Ravel, à Paris XXe. LP/Aubin Laratte

    « J’ai mis du C4 partout. » Des menaces de mort préoccupantes ont été envoyées dans une vingtaine de lycées en Île-de-France mercredi soir, selon une information du Parisien, confirmant un article du Figaro. « Demain, jeudi 21 mars, je ferai exploser l’établissement tout entier vers 11/15 heures et je décapiterai tous vos corps » peut-on lire sur un message que s’est procuré notre journal.

    « J’ai mis du C4 partout dans le lycée et dans les classes. J’espère que vos corps de kuffars (nom donné aux non-musulmans) vont (sic) exploser en 1 000 morceaux », est-il encore écrit.

    Quels établissements visés ?

    Il est difficile de savoir pour le moment combien d’établissements ont reçu ces alertes à la bombe et menaces de mort. Le ministère de l’Éducation nationale évoque « au moins une trentaine de lycées concernés » en Île-de-France, « essentiellement des lycées ».

    L’académie de Versailles déclare au Parisien qu’une vingtaine d’établissements ont été touchés dans sa circonscription, dont huit dans les Yvelines. Parmi eux : le lycée Jean-Rostand de Mantes-la-Jolie, le lycée Lavoisier à Porcheville et un autre à Poissy. Dans les Hauts-de-Seine - où 13 établissements « à ce stade » sont concernés selon la préfecture -, le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres a été visé. Des établissements ont également été touchés dans le Val-d’Oise.

    L’académie de Versailles se dit ce jeudi matin « pleinement mobilisée dans l’accompagnement des établissements qui ont fait l’objet de menaces ». Elle précise également être « en lien avec les forces de l’ordre et les autorités préfectorales ».

    Dans l’académie de Créteil aussi, des lycées ont reçu des messages menaçants, comme le lycée Jean-Macé de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). « Ne cédons pas à la panique, ce message est un repost, notre lycée n’est pas visé de façon nominative », écrit dans un mail aux parents d’élèves la proviseure.

    En Seine-et-Marne, les menaces ont visé des lycées situés dans au moins neuf communes : Provins, Serris, Pontault-Combault, Torcy, Meaux, Lagny-sur-Marne, Thorigny-sur-Marne, Tournan-en-Brie et Combs-la-Ville.

    Les parents ont reçu ce message sur la plateforme Pronote, qui sert aux établissements scolaires à transmettre des informations. Le message indique que plusieurs établissements, comme ici le lycée Emilie-du-Châtelet à Serris, ont reçu une menace.
    Les parents ont reçu ce message sur la plateforme Pronote, qui sert aux établissements scolaires à transmettre des informations. Le message indique que plusieurs établissements, comme ici le lycée Emilie-du-Châtelet à Serris, ont reçu une menace.

    « Notre fils, comme tous les élèves et les personnels de l’établissement, a reçu le message de menace d’attentat via la messagerie de l’ENT (espace numérique de travail qui comprend une messagerie propre à chaque élève) », réagit un père d’élève du lycée Coubertin à Meaux (Seine-et-Marne), qui souhaite rester anonyme. « Fort heureusement, il n’a pas ouvert la vidéo de décapitation jointe car il avait été prévenu en amont via le groupe WhatsApp de sa classe. En parallèle, les parents d’élèves ont été prévenus par la proviseure du lycée via la messagerie de l’ENT vers 7h50. Depuis quelques heures la messagerie de l’ENT est indisponible. » Les lycéens présents ce jeudi matin à Coubertin ont passé une heure en permanence avant d’apprendre que tous les cours ne seraient pas assurés ce jeudi.

    D’où viennent les menaces ?

    Les menaces ont transité via des mails, parfois sur des réseaux internes comme Pronote, où les élèves peuvent notamment accéder à leurs emplois du temps, explique le ministère de l’Éducation nationale au Parisien. Il ajoute que « des services d’enquête spécialisés sont mobilisés pour identifier le ou les auteurs ». La présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse parle sur X d’une « cyber attaque » et de « cyber menaces terroristes ». Dans un communiqué, la région dénonce également « un site frauduleux visant à hacker l’ENT régional » et ajoute que « l’ENT d’Île-de-France a été suspendu », temporairement.

    Le responsable de ces envois dit venir de la part du groupe terroriste État islamique et chercher avec ce texte à « trouver des acolytes » pour exécuter son plan. Une vidéo accompagne ce discours, visant à « montrer comment tuer facilement tous ces mécréants ». Le ministère de l’Éducation propose d’ailleurs « un accompagnement psychologique à tous les enfants ou adultes qui ont visionné malgré eux les vidéos choquantes. »

    Ce message reste à prendre avec précaution dans une période marquée par les nombreuses fausses alertes à la bombe envoyées à des lycées ou encore aéroports ces derniers mois, qui n’étaient finalement que des canulars.

    Une enquête ouverte

    « Une enquête a été ouverte et tout est mis en œuvre pour retrouver le ou les auteurs de ces menaces », a déclaré le Premier ministre Gabriel Attal, lors d’un point presse. L’enquête a été ouverte pour les chefs d’accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, et introduction frauduleuse de données.

    Elle a été confiée à la Brigade de lutte contre la cybercriminalité, a indiqué le parquet parisien, qui confirme que sa section de lutte contre la cybercriminalité a été « avisée pour le moment de deux plaintes concernant des cyberattaques au préjudice d’ENT parisiens ».

    Le ministère public « procède au rapprochement avec des faits similaires dont sont saisis d’autres parquets, afin d’envisager une éventuelle centralisation si des recoupements étaient avérés ».

    Quelles réactions ?

    Mais « nous prenons toute menace visant l’école au sérieux, et les services de police immédiatement avisés font le nécessaire pour s’assurer de la sécurité des élèves », assure au Parisien l’entourage de la ministre de l’Éducation Nicole Belloubet, déclarant que « plusieurs levées de doute ont déjà été effectuées entre hier soir et ce matin ».

    « Ils pensent rester anonymes, mais nous les traquons », a clamé Gabriel Attal lors d’un point presse. Le chef du gouvernement a également précisé qu’en matière de sécurité « des trous dans la raquette » ont été relevés « dans 500 établissements », dans le cadre de l’audit lancé après l’attentat d’Arras. « 150 établissements ont déjà vu leur sécurité renforcée », a poursuivi le Premier ministre.

    La préfecture des Yvelines déclare qu’une surveillance statique devant les lycées concernés va être mise en place ce jeudi et que les patrouilles de police vont être renforcées aux alentours. De son côté, « la région a saisi la police et la justice », déclare Valérie Pécresse, qui « souhaite que les auteurs soient rapidement identifiés et sévèrement sanctionnés. » Une plainte a été déposée ce jeudi matin par la région au cyber parquet de Paris. Plusieurs proviseurs dont les établissements ont été visés ont également annoncé porter plainte.

    L’inquiétude s’installe chez certains parents : « J’hésite à envoyer mon fils » au lycée ce matin, écrit une maman dans des échanges entre parents d’élèves. « Il y a déjà tellement de problèmes de violence à Rostand, déplore la mère d’un élève de Terminale. Ça me met en colère. Quelle violence pour les élèves, déjà qu’ils ont peur d’aller au lycée. »

    Une réunion interministérielle sur la sécurité des établissements scolaires doit se dérouler jeudi après-midi sous la houlette du Premier ministre Gabriel Attal, en présence de la ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, et du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.