« Je n'ai pas eu les mots qu'il fallait »

« Je n'ai pas eu les mots qu'il fallait »

    Intitulé « Seul contre tous », le livre témoignage de Marc Machin sonne juste. Sans épargner le lecteur mais avec une certaine pudeur, Marc Machin raconte son enfance dévastée et ses premiers pas de délinquant. Son arrestation, ses aveux, les six ans et demi passés en prison sont détaillés dans ce récit touchant qui permet de mieux connaître cet homme cabossé par sa vie et l'épreuve judiciaire qu'il a traversée. Un « écorché vif », « bouillant et impulsif » qui réclame « des kilos d'affection ». Extraits.

    Une jeunesse de douleur et de violence

    Le petit Marc est vite plongé dans l'horreur. « Soudain, je vois ma mère saisir l'arme de service de mon père (NDLR : il est policier), elle le menace, le suit, ils crient, elle tire deux coups. Deux coups dans le mur. » La dernière fois qu'il voit sa mère en vie, « elle était toute maigre et sans cheveux, malade du sida. » La famille où il est placé ensuite « accueille un garçon de 16, 17 ans ». « Pendant près d'un an, cette ordure m'a violé. » A 8 ans, Marc rejoint ses grands-parents dans l'Hérault pour y vivre « quatre ans au paradis dans la maison du bonheur ». Jusqu'à un nouveau drame : le décès de celle qu'il considérait comme sa « nouvelle maman ». « Et les conneries ont commencé. » Il fugue, « commence à dealer », « vole une mobylette, des sacs à main », est « arrêté pour violence avec arme ». En 2000, il fume « pétard sur pétard » et « boit beaucoup ». « Le 13 mars, je me retrouve complètement ivre gare Saint-Lazare. Je vois une femme bruneâ?¦ Je l'ai suivie dans le hall de son immeuble et lui ai sauté dessus. J'ai mis la main sous sa jupe. »

    La nuit du meurtre et l'arrestation

    Quelques heures avant le meurtre de Marie-Agnès Bedot, Marc Machin vit une routinière « journée de galère » avec son copain Francky. « On a fumé des pétards jusqu'à 3 ou 4 heures du matin » chez un dénommé Gérard. « Je squattais de temps en temps dans son studioâ?¦ Je me suis réveillé vers 9 heures et demi. » Quand « trois flics sonnent chez (son) père » le 13 décembre 2001, il pense à « un petit délit passé ». « T'inquiète : demain, je suis de retour à la maison ! » lance-t-il à son frère en partant. J'ai attendu sept ans pour revoir l'appartement. » « Après la première journée d'interrogatoireâ?¦ j'ai l'impression de délirerâ?¦ Je me lève, me donne des claquesâ?¦ Non, je ne rêve pasâ?¦ Les questions reprennent de plus belle. » Francky et Gérard ne confirment pas son alibi. « Tout se retourne contre moi, j'attends l'arrivée de la passante qui va reconnaître que je ne suis pas la personne qu'elle a croisée le matin. » Mais elle le reconnaît.

    Les aveux puis la prison

    « A la fin de cette deuxième journée de garde à vueâ?¦ comme les officiers n'ont pas obtenu ce qu'ils voulaient me faire avouer ce meurtre â?¦ une figure de la crim entre en scène. Il me dit que suis le fils d'un collègue et que si je parle on ne va pas me lâcher comme ça ». « J'invente une autre version de ma soirée, en m'inspirant des photos du meurtreâ?¦ » Quelques heures plus tard, Marc Machin « s'effondre ». « Je me rends compte que je viens de m'enfoncer mais pas du poids que vont avoir ces faux aveux, pas que je suis en train de me condamner pour des années. » En prison, il « hérite du 17966 ». « Ce matricule, je ne l'oublierai jamais. » De prisons en quartiers d'isolement, d'incidents en sanctions disciplinaires, Marc est « révolté » pendant sa détention.

    Les procès

    « Je n'ai pas eu les mots qu'il fallait, pas non plus le bon comportementâ?¦ Mais je défie quiconque de rester zen s'il doit se défendre d'un crime qu'il n'a pas commis. » Après le verdict, il refuse d'accepter « une telle injustice ». « J'ai encore une chance. Bien sûr, je compte faire appel. » Arrive le deuxième procès, en 2005. « L'énorme rage que j'ai dans le bide me permet de remonter sur le ring. » Mais à « la rage », succédera « la dépression ».

    Le miracle

    « Au bout de sept ans, alors que mon affaire est classée, que je me suis résigné à passer les dix prochaines piges en taule, un homme se rend de lui-même aux flics et reconnaît être l'auteur du meurtreâ?¦ C'est un truc de fou, qui n'arrive que dans les films. » « Mon sort est désormais lié au sien puisque je vais sûrement devoir attendre que son cas soit jugé pour que la justice se penche sur le mien. »