La gendarmerie sous la tutelle du ministère de l'Intérieur

La gendarmerie sous la tutelle du ministère de l'Intérieur

    Ce n'est pas un mariage d'amour. Plutôt un mariage de raison. Depuis ce matin, la gendarmerie nationale est officiellement placée sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. C'est la première fois sous la V e République que les deux forces de sécurité, civile et militaire, sont placées sous la responsabilité d'un même ministre. C'est Nicolas Sarkozy qui avait lancé cette réforme en novembre 2007 avant de missionner Michèle Alliot-Marie pour la mener à bien. C'est chose faite depuis le vote du Sénat le 17 décembre. Mais toutes les inquiétudes ne sont pas levées. La vieille méfiance entre les frères ennemis de la sécurité est tenace.

    Concrètement pourtant, la loi qui fixe le rapprochement police-gendarmerie ne révolutionne pas le système. Les gendarmes gardent leur statut militaire et l'article qui les plaçait sous l'autorité des préfets a été amendé par les sénateurs. Michèle Alliot-Marie l'a confirmé au Sénat : « Ni le préfet ni ses collaborateurs n'ont à s'immiscer dans le détail de l'organisation et de l'exécution du service. » En revanche, l'obligation légale de réquisition de la gendarmerie par les autorités civiles, issue de la Révolution française, est supprimée.  Si l'on en croit ses promoteurs, ce rapprochement poursuit avant tout un objectif de « rationalité » et sans doute à terme d'économies budgétaires. « Dans les faits, la gendarmerie passait 90 % de son temps à travailler pour le compte du ministère de l'Intérieur, or nous n'avions aucune prise sur le budget et la gestion humaine de cette force. Il ne nous semble pas anormal d'aller au bout de la démarche en incorporant la gendarmerie », note-t-on dans l'entourage de Michèle Alliot-Marie.

    La fusion de plusieurs services envisagée

    De plus en plus donc, policiers et gendarmes vont devoir travailler ensemble. C'est déjà le cas depuis plusieurs années dans les GIR (groupement d'intervention régional) et les offices centraux de la police judiciaire qui comptent des équipes mixtes. Cette année, plusieurs missions regroupant le Raid et le GIGN ont aussi été organisées. La fusion complète de certains services est même clairement envisagée : ainsi, les écoles de formation des cavaliers, des plongeurs ou des maîtres-chiens pourraient être placées sous la tutelle de la gendarmerie dont le site de Saint-Astier (Dordogne) deviendrait aussi le centre national d'entraînement à la lutte contre les violences urbaines. La police, elle, pourrait notamment se charger des missions de formations conjointes en matière de renseignement.

    Ces quelques ajustements ne rassurent pas tout le monde. D'anciens directeurs de gendarmerie sont montés au créneau et pointent les « risques de dérive » liés à la mise sous tutelle unique des deux forces de sécurité. Quant aux syndicats de police, ils sont extrêmement vigilants et ont protesté contre les amendements votés au Sénat : « Ils visent à singulariser au maximum la gendarmerie en l'affranchissant le plus possible du ministère de l'Intérieur. Du refus de la subordination à l'autorité des préfets de la République, en passant par l'usage des armes ou encore l'exaltation à la concurrence sauvage en matière judiciaire avec la police nationale, les positions les plus rétrogrades de certains sénateurs prennent le pas sur le principe de réalité », estime ainsi Synergie-Officiers. Les gendarmes ne peuvent y répondre, puisque, malgré leur rapprochement avec le ministère de l'Intérieur, ils n'auront toujours pas le droit de former des syndicats.