Le sort judiciaire de Bernard Tapie sera connu ce mardi

L’ex-homme d’affaires, actuellement en soins à l’hôpital, ne sera pas présent ce mardi au tribunal pour connaître la décision le concernant. Lors du procès, le parquet avait requis cinq ans de prison ferme.

 Bernard Tapie était jugé pour « escroquerie et détournements de fonds publics ».
Bernard Tapie était jugé pour « escroquerie et détournements de fonds publics ». LP/Olivier Lejeune

    Il ne sera pas dans la salle d'audience pour entendre le jugement. Selon son fils Laurent, Bernard Tapie, 76 ans, atteint d'un double cancer de l'estomac et de l'œsophage, est actuellement en soins de chimiothérapie dans un hôpital parisien. Le sort judiciaire de l'ex-homme d'affaires, jugé pour « escroquerie et détournements de fonds publics » dans l'affaire de l'arbitrage Adidas-Crédit lyonnais du 11 mars au 4 avril dernier à Paris, sera donc énoncé en son absence par le tribunal.

    Cinq ans de prison ferme, a requis le parquet. « Si vous êtes indépendant, vous relaxerez Bernard Tapie », ont plaidé à l'inverse ses avocats Mes Hervé Temime et Julia Minkowski, en arguant de « l'absence de preuves ». Fatigué, amaigri mais combatif : ainsi était apparu Bernard Tapie lors du procès. Déterminé à prouver que ce n'est pas lui qui a « volé le contribuable », mais bien le Crédit lyonnais, son adversaire depuis la revente du groupe Adidas il y vingt-six ans.

    En 2008, sous la présidence Sarkozy, l'ex-patron de l'Olympique de Marseille avait obtenu une victoire éclatante : l'arbitrage censé régler le litige avec le Lyonnais lui octroyait 403 millions d'euros dont 45 millions d'euros de préjudice moral. Une claque financière pour l'État, héritier du contentieux à travers les structures chargées de gérer le passif de l'ex-banque publique à Bercy – notamment le Consortium de réalisation (CDR). Et une polémique retentissante du fait de l'absence de recours en annulation – pour cela, la ministre de l'Économie d'alors, Christine Lagarde, qui vient d'être nommée à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), a été jugée coupable de « négligences » fin 2016 par la Cour de justice de la République.

    Des «manœuvres frauduleuses» ?

    La justice du coup s'est de nouveau mêlée du dossier. En 2015, au civil, la sentence arbitrale est annulée pour « fraude » et Tapie condamné à rembourser – la procédure est toujours en cours. Quatre ans plus tard, au pénal, la 10e chambre du tribunal de Paris doit dire s'il s'est rendu coupable « de manœuvres frauduleuses » pour obtenir l'arbitrage contesté en usant de « ses soutiens politiques dans l'appareil d'État » – soit de ses bonnes relations avec Sarkozy.

    Parmi les éléments débattus à l'audience ont figuré les liens que Bernard Tapie aurait entretenus bien avant la sentence avec l'un des trois arbitres, l'ex-magistrat Pierre Estoup (trois ans ferme requis). C'est avec ce dernier et avec son avocat historique, Maurice Lantourne (trois ans avec sursis), coprévenus à ses côtés, que Tapie aurait « conçu et exécuté l'opération frauduleuse », estime l'accusation.

    Des relais complices à Bercy (les trois autres prévenus) l'ayant mise en œuvre – et notamment Stéphane Richard, ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde et actuel patron d'Orange (trois ans dont 18 mois ferme). « Tout ce petit monde s'est organisé pour que l'arbitrage aille à son terme », avait avancé le parquet dans ses réquisitions.

    Un passage en prison possible

    L'état de santé du prévenu phare de ce vieux dossier rend peu probable qu'il atterrisse un jour en prison. En droit, sauf bien sûr si Bernard Tapie est relaxé ou s'il écope d'une peine immédiatement aménageable, cela reste cependant possible dans deux hypothèses : si le tribunal prononçait une peine ferme supérieure à deux ans avec mandat de dépôt – qu'il fasse ou non appel.

    Ou si les juges décidaient d'une peine ferme supérieure à deux ans sans mandat de dépôt, mais que l'intéressé décidait de ne pas faire appel. En ce cas, un juge de l'application des peines serait saisi et tiendrait nécessairement compte de son état de santé pour aménager sa peine. Le parquet n'a en tout cas pas requis le prononcé d'un mandat de dépôt à l'encontre de Bernard Tapie – ce qui est le cas par exemple pour Patrick Balkany.

    Le jugement sera prononcé à 10 heures ce mardi. Les parties civiles, l'État et le CDR, ont demandé le paiement solidaire de 525 millions d'euros de dommages et intérêts et respectivement un million et 500 000 euros au titre du préjudice moral.