Les parrains du Vieux-Port avaient bâti un empire mafieux

Les parrains du Vieux-Port avaient bâti un empire mafieux

    C'est une fable digne de Pagnol qui va se jouer à partir d'aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Marseille sur fond de trafics en tout genre. Pendant quarante ans, le clan des familles Pipolo et Crescioni a régné en maître absolu sur le juteux marché du transport maritime entre la cité phocéenne et les îles du Frioul et du château d'If. L'accusation parle d'un véritable « empire mafieux » fondé sur « des pratiques terroristes à l'égard des concurrents ».

    Pour leur défense, les Pipolo et Crescioni ont cité pêle-mêle à la barre l'ex-footballeur Eric Cantona, l'humoriste Patrick Bosso et même le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Autant de personnalités qui ont fréquenté les pontons des vedettes du Frioul.

    Le 21 mars 2006, le patriarche de ce clan, André Pipolo, 67 ans, est arrêté avec sa famille. Ses huit bateaux ancrés dans le Vieux-Port sont saisis, son monopole ruiné. L'enquête du juge d'instruction Charles Duchaine a mis en évidence un système de double billetterie qui a permis de dissimuler au fisc un peu plus de 16 millions d'euros entre 1996 et 2006. André Pipolo et ses fils Auguste et Gabriel sont mis en examen pour « abus de biens sociaux », « faux et usage de faux ». Le patriarche doit également répondre d'« extorsion de fonds », « travail dissimulé » et de « blanchiment en bande organisée ».

    L'associé de la famille, Paul Crescioni, 77 ans, est lui poursuivi avec son fils Pierre pour « abus de confiance ». Un expert-comptable, cheville ouvrière de la fraude financière, sera lui aussi sur le banc des prévenus. « C'est le fourre-tout habituel », ironise M e Gilbert Collard, l'avocat d'André Pipolo, qui se demande « pourquoi si c'était illégal, personne ne s'en est ému auparavant ». Pour lui, il s'agissait surtout d'« éliminer cet armateur du paysage maritime ». Ses liaisons ont été reprises juste après son arrestation par la société Veolia. « Il n'y a eu que des maladresses comptables », ajoute M e Catherine Martini, autre défenseur des Pipolo.

    La loi du clan Pipolo-Crescioni

    Les Pipolo-Crescioni se croyaient tout permis. Jusqu'à ce jour de septembre 2004 où André Pipolo bloque le Vieux-Port de Marseille lors de la visite des organisateurs des régates préparatoires de l'America's Cup. Il est indigné que ces hôtes de marque n'utilisent pas ses bateaux. Un incident qui ulcère le préfet de police de Marseille. Déjà dans la ligne de mire du fisc, le clan Pipolo-Crescioni fait l'objet d'investigations approfondies. Les enquêteurs découvrent que le train de vie des familles ne correspond pas aux revenus déclarés : villa au Maroc, propriétés, comptes au Luxembourg très garnis, chantier naval à l'étrangerâ?¦ « Et pour cause, une double billetterie permettait de masquer le véritable nombre de passagers embarqués », s'indigne M e Bernard Kuchuchian, avocat des parties civiles. Sur 310 000 billets vendus pour une seule ligne, les armateurs n'en déclaraient que 140 000 et il était conseillé de payer en liquide. L'enquête a également permis de découvrir que le patron de la brigade des stupéfiants et du proxénétisme de la PJ de Marseille, le commissaire Burle, renseignait la famille Pipolo sur les avancées des investigations. Ce policier, déjà mis en cause pour utilisation illégale de fichier, reste suspendu.