Meurtre de Kevin, 17 ans : le portrait-robot n’avait rien à voir avec le suspect

Les gendarmes ont diffusé une description du suspect fondée sur les indications volontairement erronées de la petite amie de la victime.

 La gendarmerie a diffusé ce portrait-robot établi grâce aux indications de l’adolescente, lundi matin.
La gendarmerie a diffusé ce portrait-robot établi grâce aux indications de l’adolescente, lundi matin. Gendarmerie nationale

    Il devait servir à remonter la piste d'un meurtrier présumé. Il n'a fait qu'alimenter des polémiques et contribuer à un déferlement de haine sur les réseaux sociaux. Lundi matin, la gendarmerie nationale diffuse sur Twitter un portrait-robot. Objectif : retrouver l'homme soupçonné des coups de couteau mortels infligés à Kevin, 17 ans, agressé deux jours avant en pleine promenade avec sa petite amie dans un parc de Mourmelon-le-Grand (Marne).

    Construit grâce au témoignage de la jeune fille, Marine*, l'avis de recherche qui accompagne le cliché informatique est assez détaillé. Il évoque un homme âgé entre 25 et 30 ans, qui mesure entre 1,80 et 1,90 m, de « corpulence musclée », à la « peau mate », « yeux foncés et sourcils épais ». Un autre signalement de la gendarmerie, diffusé dès dimanche, évoque un homme à la couleur de peau « type basanée ».

    L’avis de recherche de la gendarmerie/Gendarmerie nationale
    L’avis de recherche de la gendarmerie/Gendarmerie nationale Gendarmerie nationale

    Rapidement, l'image génère de nombreux commentaires racistes sur les réseaux sociaux et est reprise par une partie de l'extrême droite. Sur Internet, les appels à la haine se multiplient. « Le principal suspect est issu de l'immigration. Je refuse de m'habituer à cette barbarie qui tue la jeunesse de France », tweete la présidente du Rassemblement national, ex-FN, Marine Le Pen. L'un des porte-parole du parti, Jordan Bardella évoque un « drame de l'immigration massive que la jeunesse française subit de plein fouet ».

    Le tweet de la patronne du Rassemblement national/Marine Le Pen/Twitter
    Le tweet de la patronne du Rassemblement national/Marine Le Pen/Twitter Gendarmerie nationale

    Sur le terrain, la situation se tend. Selon le quotidien régional « L'Union », des « appels à la ratonnade » sont lancés par des habitants de Mourmelon-le-Grand, ce qui provoque l'inquiétude de la communauté maghrébine. Lundi soir, nouveau rebondissement. Un mineur de 17 ans est interpellé dans cette petite ville entre Reims et Châlons-en-Champagne. Et l'adolescent placé en garde à vue, Aurélien*, ne correspond pas du tout au portrait-robot du suspect.

    Pourquoi ? L'explication a été fournie mercredi par le procureur de Reims, Matthieu Bourrette, lors d'une conférence de presse. La veille, la petite amie de Kevin a été placée à son tour en garde à vue à cause « d'importantes contradictions entre son témoignage initial et des éléments révélés par les investigations ».

    Devant les médias, le magistrat décrit le scénario d'un complot, d'un plan « machiavélique » pour se débarrasser de Kevin. Ex-petit ami de Marine, Aurélien est soupçonné d'avoir agi de concert avec l'adolescente pour « brouiller les pistes » autour de la mort du jeune homme.

    Des recherches sur Internet pour falsifier le portrait-robot

    Selon les premiers éléments de l'enquête, le jeune homme s'est renseigné sur Internet sur la manière dont les forces de l'ordre réalisent leur portrait-robot. Puis la jeune fille a lancé les gendarmes sur une fausse piste en mentant sur l'apparence et l'âge de l'agresseur. L'homme décrit par Marine n'avait été aperçu par aucun témoin ce samedi.

    Les deux adolescents ont été mis en examen et placés en détention provisoire. De son côté, Marine Le Pen a supprimé son tweet sur « le suspect issu de l'immigration ». Sur Internet, les appels à la haine sont toujours là.

    *Les prénoms ont été changés