Meurtre de la joggeuse de Bouloc : «J’ai croisé le regard de cet homme», affirme un témoin capital

Le chauffeur-livreur, avait permis d’établir le portrait-robot qui a mené les enquêteurs à Laurent Dejean, accusé du meurtre de Patricia Bouchon près de Toulouse en 2011.

 Unique suspect qui a toujours nié les faits, Laurent Dejean, un ancien plaquiste de 39 ans, comparait  jusqu’au 29 mars devant la cour d’assises de Haute-Garonne pour le meurtre de Patricia Bouchon.
Unique suspect qui a toujours nié les faits, Laurent Dejean, un ancien plaquiste de 39 ans, comparait jusqu’au 29 mars devant la cour d’assises de Haute-Garonne pour le meurtre de Patricia Bouchon. AFP/Manon BILLING

    Son témoignage ce mardi devant la cour d’assises de Haute-Garonne était très attendu, car il avait été au cœur de l’enquête sur le meurtre de la joggeuse Patricia Bouchon en 2011 à Bouloc. C’est lui qui avait établi le portrait-robot qui avait mené à l’accusé. Huit ans après, le chauffeur-livreur de 21 ans à l’époque, a fait appel à sa mémoire pour raconter ce qu’il avait vu ce matin du 14 février 2011, jour de disparition de la joggeuse.

    Parti avant 4 heures du matin de son domicile de Saint-Jory pour aller sur son lieu de travail à Montauban, il a traversé la commune de Bouloc vers 4h30, où il a croisé Patricia Bouchon faisant son jogging sur la route. « J'étais en retard donc je regardais l'heure, souligne cet homme aujourd'hui âgé de 29 ans, au crâne chauve et portant de petites lunettes. Immédiatement après, il y avait un véhicule arrêté sur la route, phares et moteur éteint, qui mordait ma voie de circulation. J'ai freiné et je me suis retrouvé sur le bas-côté, à hauteur du véhicule. C'était la même voiture que moi, une Clio de couleur claire. J'ai croisé le regard de cet homme âgé entre 30 et 50 ans, portant un bonnet et une barbe de quelques jours. Il a redémarré en trombe, la première a souffert ! »

    Ignorant la disparition de Patricia Bouchon, c’est cinq jours après cet étrange incident que le chauffeur-livreur va voir les gendarmes et réalise un portrait-robot, qui mettra les enquêteurs sur la piste de l’accusé, Laurent Dejean. Selon ce témoin, cette rencontre avec un autre véhicule a eu lieu à quelques mètres de l’impasse où la joggeuse a été agressée mortellement.

    « Il est égal à lui-même face à tous les procès-verbaux »

    À l’aise devant la cour d’assises, le chauffeur-livreur a pourtant été mis devant les contradictions de ses déclarations qui ont évolué au cours de l’enquête. Quand l’avocat de l’accusé lui demande comment il peut aussi bien décrire un homme aperçu quelques secondes dans l’obscurité, sa réponse est assurée. « J’ai une excellente mémoire visuelle, quand je vois quelqu’un une fois, je le retiens, assure-t-il. Et j’ai précisé lors d’une audition en 2015 que le plafonnier de l’autre voiture était allumé. »

    Autre incohérence pour la défense : Le chauffeur-livreur n’a pas reconnu Laurent Dejean sur un tapissage de douze personnes. Le témoin ne l’explique pas. Pour Guy Debuisson, l’avocat de l’accusé, qui pointe depuis le début du procès le travail des enquêteurs toujours orienté vers le seul accusé, « le problème, c’est qu’on dit que c’est un témoin avec un grand T, mais il y a pourtant des contradictions successives et l’évolution de ce dossier est toujours au détriment de Laurent Dejean. C’est un cumul qui me laisse à penser que finalement ce témoin a été influencé dans ses dépositions par les gendarmes. L’audience n’a rien apporté si ce n’est que ce témoin ne se souvient que de ce qu’il veut se souvenir et ne dit pas pourquoi il a fait certaines déclarations à certains moments. »

    La famille de Patricia Bouchon porte, elle, un autre regard sur le chauffeur-livreur qui lui est apparu confiant et restant sur sa version. « Je suis rassurée par cette audition parce qu’on est face à un témoin qui rapporte exactement les mêmes choses lors de ses auditions, bien sûr avec des souvenirs qui ont été altérés mais il ne change pas de version, confie Carlyne, la fille de Patricia Bouchon. Il est égal à lui-même face à tous les procès-verbaux qui ont été réalisés auparavant. Pour nous, c’est le témoin principal, celui qui a vu Laurent Dejean, quelques secondes avant la disparition de ma mère donc évidemment c’est un témoignage capital. On est rassurés car même si les souvenirs ont été occultés, son témoignage reste identique. »