« On a cru mourir de soif sur notre radeau »

PASCAL BAZIN, qui a dérivé trois jours sur l'Atlantique avec sa femme et ses deux enfants

« On a cru mourir de soif sur notre radeau »

    Au téléphone, sa voix est calme, le ton presque enjoué. « Je suis en Martinique, j'ai vue sur la mer, il fait 30 o C et c'est splendide », lance-t-il d'emblée. Pourtant, Pascal Bazin revient de loin. Le lendemain de Noël, le catamaran sur lequel il naviguait, avec son épouse et leurs deux enfants de 13 et 12 ans, a coulé dans les Caraïbes. « Une vague exceptionnelle a brisé la coque. On a dû se réfugier dans le radeau de survie », raconte-t-il. Après avoir dérivé dans leur embarcation de fortune pendant trois jours, les naufragés ont été secourus dimanche soir par les gardes-côtes de Trinité-et-Tobago. « On n'a plus de bateau, mais on est en vie », souffle le père de famille.

    A l'origine, les Bazin comptaient effectuer une croisière idyllique de quinze jours dans les Caraïbes et rejoindre le Venezuela à bord du catamaran familial. Mais le lendemain de Noël, les éléments se déchaînent. « On a chargé un maximum de vivres dans le radeau. On avait calculé qu'en se rationnant on pouvait survivre neuf jours », détaille Pascal Bazin, en marin expérimenté. L'eau va pourtant rapidement manquer. « On a souffert de l'humidité et de la chaleur, reprend-il. Car, pour éviter de se retourner et pour se protéger des vagues, on était obligés de laisser le toit du canot fermé. »

    « Ma femme et ma fille ont eu des hallucinations »

    Sur le radeau, Pascal Bazin essaie par tous les moyens d'attirer l'attention d'éventuels secours. Finalement, dans la nuit de vendredi à samedi, un cargo localise l'embarcation. Un contact radio est même établi. « Malheureusement, à cause du mauvais temps, il a dû renoncer à nous porter secours », se souvient Pascal. En dépit de cet échec, la famille se sait désormais localisée et espère son salut proche. Pourtant, ils devront encore attendre deux jours. « On ne comprenait pas pourquoi ça prenait autant de temps. Là, on a commencé à s'inquiéter », assure le rescapé.

    A bord du canot de sauvetage, les conditions de vie de la famille sont difficiles. « A cause de l'humidité, on n'arrivait pas à dormir, raconte Pascal, qui a fêté ses 48 ans mardi. Les enfants se battaient pour pouvoir allonger leurs jambes.

    Pour s'occuper, on lisait le manuel de survie du radeau. On a même trouvé quelques jeux, mais on n'avait pas le coeur à ça. » Pourtant, assure Pascal, la panique ne s'est jamais installée : « On était très inquiets, bien sûr, mais personne ne l'a montré. En revanche, ma femme et ma fille ont eu des hallucinations. A un moment, elles étaient persuadées qu'on était entourés par des enfants qui jouaient sur une plage. Il a fallu les ramener à la réalité, à savoir qu'on était au milieu de l'océan avec des réserves de vivres fondant de jour en jour. »

    « On a envoyé une fusée et là, le pilote nous a enfin repérés »

    Le calvaire des Bazin va finalement s'achever dimanche soir. « J'ai vu qu'un avion de recherche survolait la zone, explique Pascal. Avec ma vieille batterie presque à plat, j'ai lancé un appel VHS qui a pu être capté. Le pilote m'entendait mais ne nous voyait pas. On a envoyé une fusée et là, il nous a enfin repérés. » Immédiatement, les Bazin sont envahis par le soulagement : « On a éclaté de joie, on a pleuré aussi, relate le papa. En deux secondes, on est passés d'un extrême à l'autre : on a cru mourir de soif et, d'un seul coup, on a su qu'on était sauvés. » Une frégate des gardes-côtes les récupère à la tombée de la nuit.

    Sans bagages à enregistrer, les Bazin ont quitté la Martinique hier pour rejoindre Paris ce matin. Epuisés, mais en bonne santé. En dépit de cette mésaventure, Pascal reste un amoureux de la mer : il compte bien naviguer à nouveau avec sa famille.