Pont effondré en Italie : «L’une des causes, c’est le manque d’entretien»

L’effondrement du pont Morandi, à Gênes, a fait au moins trente-cinq morts.

 Selon la presse italienne, le pont Morandi devait être consolidé.
Selon la presse italienne, le pont Morandi devait être consolidé. AFP/Valery Hache

    Au moins 35 morts, de nombreux blessés et un pays sous le choc… Depuis l'effondrement du pont Morandi, en Italie, les questions se bousculent. Un tel drame était-il prévisible? Comment une telle structure a-t-elle pu s'effondrer? Qui sont les responsables? Ce qui est sûr, c'est que le viaduc était la cible de nombreuses critiques, bien avant son effondrement.

    Pour Christian Tridon, président du Syndicat des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et renforcement de structures (Strres), les matériaux utilisés pour la construction du pont y sont pour beaucoup : « L'utilisation du béton armé s'est développée à partir des années 1950. De plus en plus d'ouvrages mêlant béton et acier ont vu le jour. Ceux-là posent problème car le béton armé réagit avec l'acier. Dans l'imaginaire on s'imagine que le béton est solide. Mais il y a des réactions chimiques entre l'acier et le ciment. Avec le temps, cela peut provoquer de la corrosion. Ce qui, in fine, peut provoquer un éclatement du béton », détaille Christian Tridon.

    Construit dans les années 1960 avec une structure mixte en béton armé, le pont Morandi devait être consolidé au moment des faits, selon la presse italienne, car ces ponts exigent des contrôles rigoureux. « Par nature, il n'existe pas d'ouvrage qui puisse résister à tout. Mais sans connaître les causes de l'effondrement de ce pont, l'une des raisons, c'est forcément le manque d'entretien. Ces structures sont construites de manière de plus en plus sophistiquée. Elles nécessitent un entretien et des contrôles réguliers », explique l'expert.

    La France pas à l'abri d'un tel drame ?

    Ce dernier plaide pour un carnet d'entretien par ouvrage. « Aujourd'hui, ça existe pour les ponts mythiques, comme le viaduc de Millau oui. Mais les autres ponts ne bénéficient pas d'un tel suivi », déplore-t-il. En 2016 justement, un rapport du Sénat italien avait pointé des « défaillances inquiétantes » concernant le pont Morandi, nécessitant de colossaux travaux d'entretien.

    En Italie, l'idée que le drame aurait pu être évité est dans tous les esprits. Pour Christian Tridon, il faut maintenant prendre des mesures concrètes : « En mars 1999, le drame survenu dans le tunnel du Mont-Blanc a provoqué une remise en sécurité de tous les tunnels de France. Cet accident en Italie doit déclencher une décision sur l'entretien des ponts. »

    Plus largement, le spécialiste milite pour une harmonisation européenne et rappelle que la France n'est pas à l'abri d'un tel drame : « Qui aurait pu prévoir, il y a quelques mois, l'affaissement du viaduc de Gennevilliers? » Là encore, l'entretien était jugé insuffisant, faute de moyens…

    «Trois hypothèses envisageables»

    « Une telle catastrophe est exceptionnelle », réagit Gérard Caussé-Giovancarli, expert judiciaire honoraire en construction, agréé auprès de la Cour de cassation. « De mémoire, cela ne s'est jamais produit en France, où les viaducs font l'objet d'un contrôle régulier, généralement annuel, par des ingénieurs et des techniciens qualifiés », rassure-t-il.

    « En l'état, et bien que nous ne disposions pas encore des éléments nécessaires à l'instruction de ce sinistre en Italie, trois hypothèses sont envisageables : un problème de fondations lié à un désordre affectant le sol d'assise, tel qu'un affouillement provoqué par de l'eau ; la rupture d'un câble reportant tout ou partie des charges d'un tablier (plateforme sur laquelle les véhicules circulent) sur les piles (les poteaux du pont) ; une défaillance au niveau de la structure en béton », estime l'expert.

    « Il est aussi possible que ce soit la conséquence d'un défaut qui a échappé aux personnes en charge de la maintenance. Le pont de Gênes n'a que 50 ans. Or ce type de structure dispose en général d'une durée de vie de 80 ans au minimum. Quant à l'hypothèse d'une responsabilité de la foudre, ce n'est pas impossible mais cela me paraît hautement improbable. De même, la cause du sinistre peut difficilement être liée à une surcharge de voitures en circulation, car le pont est dimensionné pour le passage de convois lourds. »