Viaduc effondré à Gênes : «Ce pont, il faisait partie de notre paysage»

Un viaduc autoroutier s’est soudainement effondré ce mardi dans la ville italienne. Le bilan provisoire fait état d’au moins trente-cinq morts.

 Des dizaines de secouristes accompagnés de chiens fouillent des milliers de tonnes de béton pour retrouver des survivants.
Des dizaines de secouristes accompagnés de chiens fouillent des milliers de tonnes de béton pour retrouver des survivants. AFP/Valéry Hache

    Ils arrivent d'un pas tranquille de randonneurs, sous l'œil effaré des policiers. Inconscient du danger, ce petit groupe d'habitants du quartier populaire de Sampierdarena vient de passer soues la partie sud du pont Morandi, encore debout. « Mais qui pourrait s'effondrer à chaque instant! » soupire un policier.

    L'autre accès à cette ruelle, lui, a bien été fermé. Au grand dam des habitants de trois grands bâtiments situés à 150 m de la pile du pont encore debout, désormais interdits de rentrer chez eux. « C'est du racisme! » hurle un riverain excédé, qui voudrait coûte que coûte pouvoir accéder à son appartement. Il lui faudra patienter. Cette portion d'autoroute sectionnée, qui ne mène plus que dans le vide, rappelle la précarité de ce qu'il reste de l'immense édifice de béton.

    Aux fenêtres ou dans la rue, personne n'en croit ses yeux. « Ce pont, il faisait partie de notre paysage, raconte Asto, une mère de famille originaire du Sénégal. Moi aussi je passais régulièrement dessous, avec mes enfants, pour me rendre au marché par exemple. » Comme beaucoup ici, l'accident est d'autant plus surprenant qu'elle n'a pas entendu le pont s'effondrer. « Il y a bien eu un bruit qui a attiré mon attention, mais c'est tout, reprend Asto. C'est mon mari qui m'a appelé depuis son travail pour m'avertir, et je m'en suis alors rendu compte. »

    Comme Christina, qui, elle non plus, n'a rien entendu. « Il y avait un tel orage que le bruit de la pluie et le grondement du tonnerre ont tout couvert, explique cette femme de 43 ans qui est née et a toujours vécu dans le quartier. Mais à un moment, j'ai vu un hélicoptère de la protection civile tourner autour. Je me suis dit que, par cette météo, il y avait quelque chose. Et j'ai constaté que le pont n'était plus là… »

    Un pont «en travaux permanents»

    Une surprise ? Pas vraiment pour Cristina et ses voisines. « Ce pont, on a l'impression qu'il était en travaux permanents. Ça n'arrêtait jamais. » À tel point que la nuit, « on ne pouvait pas dormir les fenêtres ouvertes », assure Asto. « Il y avait toujours ce bruit infernal des machines. » Encore dans la nuit de lundi à mardi. « Comme souvent, il avait été fermé pour les travaux, relève un habitant. De 22 heures lundi soir à 6 heures ce mardi matin. J'ai du mal à comprendre comment ils ne se sont rendu compte de rien. Mais ils l'ont rouvert comme d'habitude à la circulation… »

    Ce même mauvais temps, dont une hypothèse évoque un lien de cause à effet avec l'effondrement de l'ouvrage, aurait aussi contribué à en minorer le bilan humain. « S'il avait fait beau, il y aurait eu beaucoup plus de monde », assène Cristina. « C'est une artère essentielle, développe l'un de ses voisins. On la prend pour aller vers la France ou vers Rome, mais aussi pour rentrer ou sortir de la ville et pour se rendre à la plage. En pleine journée comme ça, il y aurait pu y avoir encore plus de monde dessus. »

    Ce « pont de Brooklyn », comme beaucoup le surnommaient ici un brin ironiquement, était symbolique de la ville. Dans un soleil couchant, brouillé par le vrombissement des hélicoptères et des sirènes, plusieurs dizaines d'habitants ont garé ce mardi soir leur voiture le long des ponts parallèles au Morandi. Pour constater, incrédules, qu'il avait été englouti.