Procès du Petit Bar : la vie anonyme du premier repenti «à la française»

Après avoir dénoncé les membres présumés de l’assassinat d’un ancien nationaliste corse, jugés depuis lundi à Aix-en-Provence, Patrick Giovannoni, repenti, a dû changer complètement de vie.

 Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 19 février. Patrick Giovannoni, défendu par Me Laurent-Franck Liénard (photo), est jugé pour complicité de meurtre après la mort d’un militant nationaliste corse en 2010.
Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 19 février. Patrick Giovannoni, défendu par Me Laurent-Franck Liénard (photo), est jugé pour complicité de meurtre après la mort d’un militant nationaliste corse en 2010. PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP

    «Aujourd'hui (NDLR : mardi), on a retrouvé une audience et une ambiance classique de procès, avec des interrogatoires et des confrontations.» Avocat de Patrick Giovannoni, un Corse jugé depuis lundi à huis clos pour « complicité de meurtre en bande organisée » devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône avec quatre autres accusés, M e Laurent-Franck Liénard était moins inquiet qu'au premier jour d'audience pour la sécurité physique de son client, dont il espère qu'il ne sera pas condamné à de la prison ferme.

    Officiellement premier repenti « à la française » depuis 2015 et sa collaboration active avec la justice, Giovannoni, agent de sécurité de 48 ans, criblé de dettes de jeu, a brisé l'omerta et désigné l'équipe du Petit Bar d'Ajaccio comme le commando qui a exécuté par balles en 2010 devant le domicile de son amie Antoine Nivaggioni, un ancien nationaliste reconverti comme patron de société de sécurité. Giovannoni, lui, n'aurait été qu'une « petite main », se contentant, selon sa version, de garder une place de stationnement pour la voiture des tueurs.

    Nouvelle identité et sécurité maximum

    Mis en examen mais laissé libre sous contrôle judiciaire, il a depuis changé d'identité et de lieu de résidence, ne mettant plus jamais les pieds sur l'île de beauté. Protégé comme le prévoit la loi Perben II par les hommes du service interministériel d'assistance technique (SIAT), il souhaite cacher au maximum son visage pour rester anonyme dans sa nouvelle vie.

    Alors qu'en Italie et aux Etats-Unis le statut de repenti est massivement utilisé dans la lutte contre la mafia, il n'existe réellement en France que depuis 2014. Si Giovannoni est le premier à en avoir bénéficié, sa comparution au milieu des hommes qu'il a dénoncés reste une expérimentation, l'idée d'une visioconférence durant toutes les audiences jusqu'au 2 mars prochain ayant été abandonnée pour des questions techniques.

    Un procès sans public ni journalistes

    « Même moi, je ne sais pas où il habite. Ce sont les hommes du SIAT qui m'appellent et prennent rendez-vous avec moi, je rencontre Giovannoni sous leur protection dans un lieu à chaque fois différent », raconte Me Liénard qui a défendu de nombreux policiers dans sa carrière. « Je n'ai aucun moyen de le joindre et je n'ai le droit de donner aucun détail : la règle est que le repenti doit être protégé au maximum. Il a dénoncé des gens accusés de meurtre ! Il ne faut pas que quelqu'un puisse le reconnaître demain en Normandie ou à Saint-Denis de la Réunion et que ses ennemis puissent le retrouver, c'est pour cela que l'on n'a voulu ni journaliste ni public pour ce procès. »

    Même si Giovannoni se rend au tribunal sous escorte discrète et est séparé par plusieurs mètres des autres accusés dans la salle d'audience, il connaît tous les accusés, d'anciens amis rencontrés dans les bars ajacciens.

    Jacques Santoni, considéré par les enquêteurs comme le commanditaire de cet assassinat, sera jugé ultérieurement. Paraplégique depuis un accident de moto en 2003, celui qui est considéré comme l'héritier de Jean-Jérôme Colonna, désigné comme le parrain de la Corse du Sud et décédé en 2006, est actuellement hospitalisé en région parisienne où il vient d'être opéré selon ses avocats.