Réponse pénale : 5 minutes pour comprendre le remplacement du rappel à la loi

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti souhaite la mise en place d’un « avertissement pénal probatoire » pour remplacer le rappel à la loi. Une mesure qui conserve encore certaines zones de flou, selon la profession.

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti souhaite la mise en place d'un "avertissement pénal probatoire" pour remplacer le rappel à la loi. (Alain JOCARD / AFP)
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti souhaite la mise en place d'un "avertissement pénal probatoire" pour remplacer le rappel à la loi. (Alain JOCARD / AFP)

    Le rappel à la loi, bientôt éclipsé par une nouvelle mesure. Comme évoqué il y a déjà plusieurs mois, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti souhaite la mise en place d’un « avertissement pénal probatoire » pour remplacer le rappel à la loi. Un dispositif se voulant « plus ferme », estime Beauvau qui le présente dans son projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Votée en mai dernier par les députés, la fin des rappels à la loi sera examinée dès mardi au Sénat. Que va changer son remplacement ? On fait le point.

    Qu’est-ce qu’un rappel à la loi ?

    Considéré comme le « premier barreau de l’échelle des sanctions », le rappel à la loi correspond à un avertissement pour les personnes ayant commis une infraction de faible gravité. La plupart du temps, cette mesure alternative aux poursuites est délivrée par un officier de police lors d’affaires de petites dégradations (tags ou mobiliers urbains endommagés) de vols ou d’incivilités. Le rappel à la loi ne constitue pas une condamnation et ne fait l’objet d’aucune mention au casier judiciaire.

    « C’est un dispositif particulièrement utilisé, avec une réponse légère mais qui a toute sa place au sein de l’arsenal judiciaire », résume Céline Parisot, présidente de l’Union Syndicale des Magistrats (USM). En 2019, plus de 260 000 rappels à la loi ont été prononcés, selon le ministère de l’Intérieur. Si beaucoup reconnaissent son « caractère dissuasif », d’autres, à l’image du syndicat Alliance Police Nationale, lui reprochaient de « générer une forme d’impunité ».

    « Quand un individu prenait un rappel à la loi, c’était panpan cucul et c’est tout juste s’il ne rigolait pas quand il partait », assurait déjà auprès du Parisien, le secrétaire général du syndicat Fabien Vanhemelryck.

    Que veut le gouvernement ?

    Invité ce lundi au micro de RTL, le garde des Sceaux a donné quelques précisions sur « l’avertissement pénal probatoire », censé remplacer « dès le 1er janvier 2023 » le rappel à la loi. Le maître-mot reste la fermeté. Cette mesure doit permettre de « rompre avec le caractère évanescent » du rappel à la loi, « réponse pénale trop faible pour être efficace », a jugé le ministre.

    Mais concrètement, qu’est-ce que cela va changer ? Si, dans l’année qui suit l’avertissement, une deuxième infraction est commise par la même personne, celle-ci sera jugée pour les deux faits. Un changement certes, mais qui n’a rien d’un durcissement, nuance Céline Parisot. « Jusqu’à présent, les infractions qui faisaient l’objet d’un rappel à la loi pouvaient être poursuivies par la suite, notamment si une nouvelle infraction était commise et ce, dans le délai de prescription… soit 6 ans pour un délit. Là, on nous parle plus que d’une année », remarque la magistrate.

    Autre modification, les faits de violences, y compris sur les personnes dépositaires de l’ordre public, seront désormais exclus du dispositif. Ces infractions feront ainsi l’objet d’une réponse pénale plus lourde. Avant qu’un avertissement ne soit délivré, l’auteur des faits devra désormais avoir « indemnisé la victime ou les dommages qu’il a causés ». Une mesure qui n’était pas obligatoire jusqu’à présent. Enfin, pour donner un caractère « plus solennel » à ce dispositif, le gouvernement prévoit que « seule la justice » par la voix des délégués du procureur, puisse délivrer cet avertissement.

    Quelles réactions ?

    Déjà évoqué en mai dernier, ce remplacement du rappel à la loi peine à contenter tout le monde. Du côté des magistrats, on déplore une « mesure encore très floue ». « Le dispositif se veut soi-disant plus ferme, mais concrètement cela ne semble pas changer grand-chose, estime Céline Parisot. Le ministre assure qu’il y aura une surveillance des personnes soumises à cet avertissement. Mais de quelle surveillance s’agit-il ? Il ne donne aucun moyen ! Plus qu’une probation, il s’agira surtout d’un sursis déguisé ».

    De même, le fait que ces avertissements soient délivrés par la justice pose question. « Que les délégués des procureurs s’en occupent va évidemment décharger le travail des forces de l’ordre. Mais tout cela aura un coût, il faudra en tenir compte », prévient la magistrate qui déplore « aucune précision » sur le sujet.

    Le ton est volontiers plus optimiste du côté des forces de l’ordre qui saluent, par la voix de son syndicat Alliance, une « idée plutôt intéressante ». « Le fait d’exclure les violences de cette mesure prouve que le projet de loi conserve une once de fermeté, c’est une bonne chose. Reste à savoir si les magistrats du siège feront de leurs côtés preuve de sévérité », soutient Stanislas Gaudon, délégué du syndicat de police pour qui, le « rappel à la loi continue d’envoyer un mauvais message » aux auteurs d’infraction.