Angela Merkel, un caractère forgé à l'Est

    C’est en novembre 2005 qu’Angela Merkel est devenue chancelière pour la première fois. Une ascension fulgurante et une longévité à toute épreuve.

    Une petite tape ferme sur le bras. La scène se passe le 15 mai 2012, sous un ciel gris, devant la chancellerie à Berlin. Aussitôt après son investiture, François Hollande est venu rendre sa première visite à son homologue allemande, conformément à l'usage. Le nouveau président français s'avance sur le tapis rouge au côté de la chancelière. Il a le pas hésitant. Soudain Angela Merkel le remet dans le droit chemin d'un geste impératif, avec une imperceptible lueur de malice au fond des yeux. Ferme et directive. Tout est déjà écrit. Hollande avait promis durant sa campagne de forcer l'Allemagne à infléchir sa ligne économique en Europe. Il ne fera, en la matière, que se conformer aux choix de la chancelière...

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    Métamorphose ? Il fallait en tout cas beaucoup d'imagination pour discerner au début des années 1990 dans la jeune « Ossie » — c'est ainsi que les Allemands de l'Ouest ont désigné avec condescendance leurs cousins de l'Est après la chute du mur de Berlin — celle qui allait devenir la toute-puissante chancelière. Et qui est aujourd'hui, avec le russe Vladimir Poutine, la plus ancienne des dirigeants des grandes puissances au pouvoir. Pour ce qui est de la France, elle a vu passer Chirac, Sarkozy, Hollande et maintenant Macron. Elle a aussi fréquenté Bush, Clinton, Obama et termine avec ce qui est pour elle le plus dur : Trump.

    Son père a préféré l'Est à l'Ouest

    Même si, bizarrement, les habitants des anciennes régions de l'ex-Allemagne de l'Est ne veulent plus voir Angela Merkel comme une des leurs, son passé « DDR » (« Deutsche Demokratische Republik », RDA en français) est intimement lié à sa personnalité et à son art de pratiquer la politique.

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    Tout commence par une sorte d'aberration historique, une erreur pourtant volontaire d'aiguillage au milieu des années 1950. Alors que la guerre froide se met en place, la famille Kasner, où vient de naître le 17 juillet 1954 la petite Angela, passe de l'Ouest à... l'Est ! Ainsi en a décidé son pasteur de père, l'austère Horst Kasner, à la fois pour se plier à sa hiérarchie protestante qui ne veut pas abandonner l'Est à l'athéisme d'Etat et par une curiosité non dénuée de sympathie envers le mirage communiste. La famille se fixe à Templin, une petite ville dans le Brandebourg, à 80 km au nord de Berlin et à égale distance, en partant vers l'est, de la frontière polonaise. Où Angela retourne encore presque tous les week-ends dans sa petite maison de campagne et où vit toujours sa mère, Herling.

    Angela Merkel, docteur en physique

    Commence une vie modeste sous le regard permanent de la Stasi, la terrible police politique. Les protestants sont par nature suspects. Même le pasteur Kasner, avec son étiquette de « prêtre rouge » qui a préféré l'Est à l'Ouest. « Angela grandit dans cette tension paradoxale entre un milieu familial ouvert à la discussion, sévère en privé à l'égard du régime totalitaire, et le relatif pouvoir d'influence de son père, dû à la sympathie qu'il persiste à éprouver — et à montrer — pour l'utopie socialiste », écrit la journaliste Marion Van Renterghem dans l'excellente biographie qu'elle vient de publier ( «Angela Merkel, l'ovni politique», Ed. les Arènes - «Le Monde»).

    QUESTION DU JOUR. Allemagne : souhaitez-vous la réélection d'Angela Merkel?

    Très bonne élève, la future docteur en physique n'a d'autre choix que de se couler dans le moule imposé. Au point de devenir plus tard la responsable de la section « promotion et propagande » de l'organisation de jeunesse du régime. Ce qui n'empêche pas la Stasi de rédiger sur elle une fiche signalétique défavorable sur la base des renseignements d'un collègue de travail... La jeune Allemande de l'Est épouse en 1977 un scientifique, Ulrich Merkel, dont elle gardera le patronyme après leur divorce quelques années plus tard. Elle se remariera avec un professeur de renom, également de l'Est, Joachim Sauer, que Nicolas Sarkozy appellera un jour... « monsieur Merkel ».

    Du Renouveau démocratique à la CDU

    Le 9 novembre 1989, Angela ne se précipite pas à Berlin Ouest pour fêter la chute du Mur, elle qui habite tout près, côté est, de cette terrible ligne de démarcation. Elle choisira de s'engager dans un petit parti formé d'ex-dissidents, le Renouveau démocratique, avant de rejoindre au moment de la réunification la puissante CDU d'Helmut Kohl qui lui confiera les portefeuilles ministériels des Femmes, puis de l'Environnement. Lorsque ce dernier sera empêtré dans un scandale de financement illégal, c'est la discrète et dévouée Angela, que personne n'a vue venir, qui lui portera le coup de grâce... On connaît la suite.

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