Brésil : le président Temer sauve sa tête sans trembler

Selon un récent sondage, 81% des Brésiliens souhaitaient pourtant que les députés se prononcent en faveur d'un procès.

Michel Temer est le président le plus impopulaire depuis la fin de la dictature militaire
Michel Temer est le président le plus impopulaire depuis la fin de la dictature militaire AFP/SERGIO LIMA

    Le président brésilien, Michel Temer, a sauvé son mandat mercredi en obtenant une large majorité à la Chambre des députés. Il a ainsi pu empêcher l'ouverture d'un procès à son encontre, malgré sa mise en accusation pour corruption. L'opposition avait en effet besoin de rassembler deux tiers des votes (soit 342 sur 513) pour pousser Temer vers la sortie. Elle en a obtenu moins de la moitié : 263 députés se sont prononcés contre l'ouverture d'un procès, contre seulement 227 pour.


    «La chambre des députés, qui représente le peuple brésilien, s'est prononcée de façon claire et incontestable. Ce n'est en aucun cas une victoire personnelle, c'est une victoire de l'État de droit démocratique», s'est félicité Michel Temer dès l'annonce du résultat. Un vote qui apparaît pourtant en décalage avec celui d'un sondage récent selon lequel 81% des Brésiliens souhaitaient que les députés se prononcent en faveur d'un procès.


    Malgré une cote de popularité à un niveau abyssal (5%), le président semble avoir désormais une plus grande marge de manœuvre pour mettre en place les mesures d'austérité réclamées par les marchés pour sortir le Brésil d'une récession historique. La plupart des députés ayant voté contre l'ouverture d'un procès ont souligné la nécessité de mettre en place ces mesures dont l'examen au Parlement est au point mort en raison de la crise politique. «Nous allons continuer à mettre en place les réformes dont le Brésil a besoin. Je travaillerai inlassablement, jusqu'à la dernière minute de mon mandat, en décembre 2018», a promis le président brésilien.

    De graves accusations continuent de peser sur Temer


    Premier président en exercice formellement accusé de corruption, Michel Temer, 76 ans, a de nouveau échappé au couperet, après avoir été blanchi par la justice électorale en juin. Le plus grand pays d'Amérique latine évite ainsi un deuxième changement brutal à la tête de l'Etat, un peu plus d'un an après la destitution de Dilma Rousseff pour maquillage de comptes publics.


    L'actuel président brésilien est pourtant sujet à de graves accusations : selon le procureur général, il s'est «prévalu de sa condition de chef d'État» pour recevoir 500 000 réais (environ 140 000 euros) de pots-de-vin de la part du géant de la viande JBS. Malgré sa nette victoire dans le vote de mercredi, le président brésilien reste sous la menace de nouvelles accusations issues des révélations explosives de Joesley Batista, propriétaire de JBS, qui l'a piégé à l'aide d'un enregistrement compromettant.

    Une séance houleuse


    La séance qui a permis au président Temer de sauver son mandat s'est étendue sur près de 13 heures, dans une ambiance délétère, marquée par des échauffourées entre députés. Malgré le climat de tension extrême, la partie semblait jouée d'avance, au moins pour les marchés : peu avant le début du vote, la Bourse de Sao Paulo avait terminé la séance en hausse, dépassant les 67 000 points pour la première fois depuis le début du scandale impliquant Michel Temer en mai.


    Le début de la séance a été marqué par des protestations bruyantes de la gauche réclamant la tête du président. Puis des parlementaires de tous bords (dont plus d'un tiers sont eux-mêmes visés par des enquêtes pour corruption) se sont lancés dans des diatribes. Bien que l'opposition ait réussi à retarder le début du vote par des manoeuvres dilatoires, le quorum nécessaire a finalement été atteint.


    Au début de la séance, trois députés du PSOL, parti d'extrême gauche, ont brandi une valise de billets arborant le visage de Michel Temer, en référence à l'arrestation en mai d'un proche du président en possession d'une valise de coupures qui lui aurait été destinée.

    «Temer a sans doute dépensé autant que le PSG pour Neymar»


    Le président n'a pas ménagé ses efforts ces dernières semaines pour s'assurer du soutien d'une majorité de députés. Des ministres ont été réquisitionnés pour aller voter à la Chambre, et de nombreuses, et coûteuses, faveurs auraient été accordées à des députés.


    «Pour rester au pouvoir, Temer a sans doute dépensé autant que le PSG pour le transfert de Neymar», a ironisé Chico Alencar, député du PSOL, en référence à la clause libératoire de 222 millions d'euros que le club doit payer au FC Barcelone pour s'attacher les services du joueur brésilien.


    L'avenir du footballeur était d'ailleurs plus commenté par les Brésiliens sur les réseaux sociaux que celui du président Temer, le président le plus impopulaire depuis la dictature militaire.