Donald Trump aimerait «acheter» le Groenland, mais le pourrait-il ?

Le président américain et ancien homme d’affaires aurait demandé à ses conseillers de réfléchir à l’acquisition de ce vaste territoire qui appartient au Danemark. Deux experts pointent les limites d’une telle idée.

 Le Groenland compte environ 56 000 habitants, dont 2 000 dans la commune de Tasiilaq
Le Groenland compte environ 56 000 habitants, dont 2 000 dans la commune de Tasiilaq REUTERS/Lucas Jackson/.

    Serait-ce son passé de magnat de l'immobilier qui reprend le dessus? Selon le Wall Street journal, Donald Trump souhaiterait acheter… le Groenland! D'après le quotidien économique, le président américain a demandé à ses conseillers de se renseigner sur la façon de mettre la main financièrement sur ce territoire de l'Atlantique nord, qui appartient au Danemark sous le statut de « pays constitutif ».

    Quel crédit apporter à cette idée, en apparence surprenante mais qui a été lancée et prise en compte de manière « très sérieuse », selon le Wall Street journal ? « C'est intéressant, même si ça paraît très imaginatif », pointe le politologue Dominique Moïsi.

    La Louisiane vendue aux Etats-Unis en 1803

    L'histoire est riche en ventes de territoires, des cessions tout à fait autorisées par le droit international. La France a, par exemple, vendu aux Etats-Unis la Louisiane, en 1803. Montant de la transaction à l'époque : environ 15 millions de dollars, partis dans les poches du régime de l'empereur Napoléon Ier. On peut aussi citer la cession par la Russie de l'Alaska aux Etats-Unis, en 1867, pour 7,2 millions de dollars.

    Au XXe siècle, on ne trouve aucun précédent de ce genre. Aujourd'hui, « on ne résonne plus comme du temps des colonies il y a des années, et on n'achète pas un territoire comme ça. Il y a des règles de droit public, et aussi le principe d'autodétermination des peuples », pointe Patrick Martin-Génier, enseignant en droit public à Sciences-po et spécialiste des questions européennes. Ce principe a été établi par la charte de l'ONU, en 1945. Depuis, les tentatives de prises de territoire se sont surtout faites par la force, lors de conflits armés.

    Un président amateur de « deals »

    Le président américain a déjà l'habitude de traiter les relations internationales avec des méthodes d'hommes d'affaires. L'un de ses livres à succès s'intitule justement « L'art du deal ». Concernant le Groenland, « il raisonne comme pour une banale transaction immobilière », résume Dominique Moïsi.

    Or, selon la jurisprudence du droit international, « un transfert de territoire ne serait valable qu'avec le consentement de la population », lit-on dans une étude de l'université de Lille, intitulée « concepts et approche théorique fondamentaux du droit international public ».

    A minima, les quelque 56 000 habitants du Groenland devraient donc donner leur accord à un éventuel changement d'Etat propriétaire. Ce qui est mal parti. Le ministre des Affaires étrangères du Groenland a ainsi déclaré à Reuters : « Nous ne sommes pas à vendre ».

    Toute la population du Danemark serait peut-être amenée aussi à valider un traité de cession du territoire en faveur des Etats-Unis, une fois que les experts se seraient plongés dans la Constitution du pays.

    En revanche, l'Union européenne n'aurait pas forcément son mot à dire. Car le Groenland n'en fait plus partie depuis 1985 et n'a conservé qu'un statut de « territoire d'outre-mer associé à l'Union européenne ».

    « Une terre où les gens voudront aller »

    Reste que l'exemple de la Crimée montre que le droit international n'est pas toujours respecté par certains pays. La Russie a été accusée d'un « coup de force », après s'être emparée en 2014 du territoire qui appartenait officiellement à l'Ukraine.

    Au reste, quel intérêt y aurait-il pour Trump à devenir « propriétaire » du Groenland? Pour l'instant, le territoire est quasiment vierge. « Ce pourrait être une bonne affaire car, avec le réchauffement climatique, le Groenland va devenir une terre où les gens voudront aller, et le prix va considérablement monter », estime Dominique Moisi. De nombreuses activités économiques pourraient également s'y implanter.

    Donald Trump, président ouvertement climatosceptique (il a notamment retiré son pays de l'accord de Paris sur le climat ), anticiperait donc le profit que son pays tirerait du réchauffement climatique, si son idée se concrétisait un jour. « La situation ne manque pas d'ironie », note Dominique Moïsi. Sans parler du potentiel intérêt stratégique, car le Groenland permettrait par exemple aux Etats-Unis de se rapprocher géographiquement des côtes nord de la Russie.