Syrie : «A Raqqa, le dernier carré de Daech se bat jusqu'à la mort»

L'écrivain Patrice Franceschi explique pourquoi la France devra aider les Kurdes de Syrie.

Raqqa (Syrie). Patrice Franceschi, entouré de combattantes kurdes, arabes, chrétiennes et yézidis, unies dans les Forces démocratiques Syriennes contre Daech.
Raqqa (Syrie). Patrice Franceschi, entouré de combattantes kurdes, arabes, chrétiennes et yézidis, unies dans les Forces démocratiques Syriennes contre Daech. DR

    En Syrie, le dernier bastion de Daech est sur le point de tomber face à la coalition internationale. Régulièrement présent sur place, l'écrivain et aventurier Patrice Franceschi*, engagé de longue date auprès des Kurdes, nous livre son témoignage.

    Où en est la bataille de Raqqa?

    Patrice Franceschi. C'est vraiment la fin, une affaire de jours ou de semaines. Il ne reste que 15 % de la ville aux mains de Daech. Mais leurs combattants ont eu le temps de se bunkériser en bâtissant une ville souterraine. Ils ont entassé dans les tunnels vivres et munitions à un point phénoménal. C'est le dernier carré des djihadistes, peut-être 400 ou 500, ils sont là pour mourir, en faisant le plus de mal possible et en tenant en otages les populations locales.

    Il y a des Français parmi eux ?

    Oui, toutes les nationalités sont présentes. Des Français meurent, mais sous les décombres on ne sait pas qui est qui! Quant à ceux qui sont capturés, ils sont d'abord interrogés par les Kurdes puis remis aux Français ou aux Américains. Mais ces cas sont rares, car tous se battent jusqu'à la mort.

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    Le récent référendum des Kurdes d'Irak aura-t-il un effet au Kurdistan syrien?

    Oui. Ce référendum fait l'unanimité chez les Kurdes. C'est la reconnaissance de leur droit à l'autodétermination. Problème, non seulement ce projet est combattu par tous les Etats de la région, mais en plus les Américains et les Européens, dont la France, ne le soutiennent pas. Par prudence, nous ne voulons pas voir qu'il y a une nouvelle donne au Moyen-Orient et que les Kurdes forment le seul peuple de la région amical vis-à-vis de l'Occident. Si les Kurdes perdent, c'est le terrorisme qui continuera et l'afflux de réfugiés...

    Et les Kurdes syriens, que veulent-ils ?

    Ils ont un projet révolutionnaire pour cette région. La création d'une fédération en Syrie, formée de trois parties : une à l'ouest pour les alaouites (des chiites), le clan d'Assad. Une à l'est pour les sunnites. Enfin, au nord, la partie kurde, qui engloberait leurs alliés arabes, chrétiens.

    A quoi ressemble le Kurdistan syrien aujourd'hui ?

    Le projet de fédération s'est déjà traduit, sur le plan militaire, par la mise sur pied il y a deux ans des Forces démocratiques syriennes (FDS). Une armée d'environ 60 000 soldats, composée en grosse moitié de Kurdes, un tiers d'Arabes (20 000) et pour le reste des chrétiens, des yézidis, etc. A Raqqa, ces unités mixtes commandées par une femme sont en première ligne contre Daech.

    «Il faudra faire pression sur Assad pour qu'il accepte les Kurdes à la table des négociations»

    Politiquement, quelles sont les bases de la future fédération ?

    Il y a quatre fondamentaux. Premièrement, une vraie démocratie. Deuxièmement, une laïcité absolue. Un point naturellement inacceptable pour les Etats musulmans.

    Et les deux autres points ?

    Le troisième est encore plus incandescent : l'égalité femmes-hommes absolue. Enfin, dernier pilier, le respect des minorités.

    Que peut faire la France ?

    Elle doit affirmer publiquement son soutien au projet fédéral des Kurdes. Il faudra faire pression sur Assad pour qu'il accepte les Kurdes à la table des négociations. Et, bien sûr, être très ferme envers la Turquie.

    * Auteur de « Mourir pour Kobané », Ed. Equateurs, 2015.