Tunisie : deux migrants retrouvés morts dans le désert, inquiétude pour des dizaines d’autres

Les ONG s’inquiètent après la découverte récente de deux corps de migrants d’Afrique subsaharienne à la frontière algéro-tunisienne. Des dizaines d’autres errent, abandonnés à leur sort.

De nombreux migrants déplorent le manque d'eau, de nourriture et la violence ambiante depuis leur transfert à la frontière algéro-tunisienne par les autorités (illustration). LP/Olivier Corsan
De nombreux migrants déplorent le manque d'eau, de nourriture et la violence ambiante depuis leur transfert à la frontière algéro-tunisienne par les autorités (illustration). LP/Olivier Corsan

    « Un premier corps a été retrouvé il y a dix jours dans le désert de Hazoua », près de la frontière algérienne, et un autre lundi soir, a déclaré mardi Nizar Skander, porte-parole du tribunal de Tozeur (sud-est). « Il s’agissait de deux jeunes hommes », a témoigné un commerçant local anonyme. Une enquête a été ouverte pour « mort douteuse ».

    Des migrants chassés de Sfax

    À la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien la semaine dernière, des dizaines de migrants originaires d’Afrique subsaharienne ont été chassés de Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, et conduits par les autorités, selon des ONG, vers des zones inhospitalières frontalières de la Libye et de l’Algérie. Selon un local anonyme, « deux convois en une semaine ont été vus en train de déposer des migrants subsahariens, une centaine au total dans les environs de Hazoua », à plus de 500 kilomètres au sud de Tunis. « Beaucoup essayent de rejoindre les oasis où les habitants leur donnent de l’eau et de la nourriture », a-t-il ajouté.

    D’autres migrants ont été déposés plus au nord, toujours près de la frontière entre l’Algérie et la Tunisie, longue de plus de 1 000 kilomètres. Mardi, un Ivoirien de 25 ans, Youssouf Bilayer, a déclaré avoir été arrêté le 4 juillet à Sfax alors qu’il voulait prendre un train pour Tunis, et conduit pas très loin de Gafsa, une zone minière du sud tunisien à 360 kilomètres de la capitale. « On était dans six bus et on nous a répartis dans la forêt, on nous a fait descendre en nous frappant », a-t-il raconté, soulignant que depuis, son groupe de huit personnes, qui s’est réduit à six « parce que deux ne pouvaient plus continuer », marche vers le nord.

    Les ONG s’alarment

    L’ONG Human Rights Watch a fait part hier de son inquiétude pour « 150 à 200 migrants subsahariens » se trouvant à la frontière entre l’Algérie et la Tunisie. Selon elle, des témoignages ont fait état de « plusieurs morts » dans ces zones. HRW a annoncé la mise à l’abri de 500 à 700 migrants subsahariens abandonnés la semaine passée dans une zone tampon à la frontière entre Tunisie et Libye dans au moins trois villes tunisiennes : Ben Guerdane, Tataouine et Médenine.

    Un discours de plus en plus ouvertement xénophobe à l’égard de ces migrants s’est répandu depuis que le président tunisien, Kais Saied, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, a pourfendu en février l’immigration clandestine. Lundi, M. Saied a estimé que « la Tunisie a donné une leçon au monde avec la manière dont elle a pris soin de ces migrants », ajoutant toutefois qu’elle « refuse d’être une patrie de substitution pour eux et n’acceptera que ceux qui sont en situation régulière ».