Dans la bibli... d'Anne Berest

La romancière nous a ouvert les portes de son bureau afin d'explorer ses ouvrages favoris et nous parler de son dernier roman, écrit avec sa soeur Claire. 

Dans la bibli... d'Anne Berest

    Dans son appartement parisien, Anne Berest nous confie son rapport passionnel aux livres, à l'écriture et à la lecture. L'occasion d'évoquer ensemble «Gabriële», l'ouvrage coécrit avec sa sœur, Claire, narrant le destin incroyable de leur arrière-grand-mère, la muse artistique et féministe Gabriële Buffet-Picabia. Et aussi de revenir sur la série «Paris etc.» cosignée avec Zabou Breitman pour Canal+, qui explorera cet automne le rapport entre âge et féminité. Interview.

    Votre salon n'est pas habité de cette grande et imposante bibliothèque à laquelle on peut s'attendre en arrivant chez un écrivain... Mais où sont donc vos livres ?

    J'ai plusieurs petites bibliothèques, dans différents endroits de mon appartement. Et surtout, une importante partie de ma bibliothèque personnelle – mes classiques et mes livres d'adolescente et d'étudiante – est délocalisée dans la maison familiale. J'avais tellement de livres que je me sentais un peu envahie. Lorsqu'on écrit soi-même, l'omniprésence des auteurs qui nous ont précédés peut être un peu lourde au quotidien, tous ces livres sont comme des yeux qui nous regardent. Une partie de mes livres est donc gardée par mes parents et ça me permet d'avoir chez moi une pièce sans livres, mon salon, et c'est la pièce où j'aime écrire.

    Et les livres dont vos parents n'ont pas la garde, comment les rangez-vous ?

    Dans ma chambre, à côté de mon lit, j'ai une bibliothèque un peu particulière : il y a tous mes livres d'art, essentiellement de peinture et photographie, dont on ne voit pas la tranche mais les couvertures. Quand je m'endors, je vois Francesca Woodman ou Le Caravage, et j'aime que ces belles couvertures soient la dernière chose que je vois avant de fermer les yeux. Au-dessus de mon lit, j'ai deux étagères de livres, mes livres en cours et mes livres de chevet, que je range par couleur. Et dans mon bureau, c'est la bibliothèque des livres de poche.

    Vous pensez que les bibliothèques, dans ce qui les compose et dans la façon dont elles sont rangées, disent beaucoup des personnes qui les possèdent ?

    Pendant longtemps, quand j'arrivais chez les gens, l'une des premières choses que je faisais, c'était de regarder leur bibliothèque. Cela me permettait de découvrir leurs goûts. Je pensais que c'était ne forme de portrait de l'autre et je cherchais des points de connivence. Ensuite, j'ai rencontré des gens qui n'avaient peut-être pas de bibliothèque mais qui avaient beaucoup lu et pour qui le livre n'était ni un fétiche ni un objet d'exposition. Il y a des gens qui ont des livres chez eux qu'ils ne lisent pas, et des gens qui ont lu des livres et qui ne les montrent pas.

    Quel est votre rapport à la lecture ?

    Je le tiens de mes parents, qui lisent énormément. Je les voyais toujours le nez plongé dans un bouquin, quel qu'il soit. Donc pour moi, enfant, le livre était cet objet magique qui retenait l'attention de mon père et de ma mère, et ça avait l'air vraiment génial, puisqu'ils y passaient des heures, comme happés. J'ai vécu avec cette sensation que le livre n'est pas une punition mais une possibilité d'évasion, quelque chose de captivant. Je lis donc moi-même énormément, beaucoup mes contemporains, je me nourris des autres.

    Vous écrivez également des scénarios, notamment celui d'une série qui arrive en octobre sur Canal+…

    Oui ! Paris etc. Une série coécrite avec Zabou Breitman. On y raconte le destin de cinq femmes à Paris. Qu'est-ce que ça veut dire d'être une femme de 20, 30, 40, 50, 60 ans aujourd'hui ? Quels sont les enjeux qui se nouent dans l'exercice de la féminité selon les géné­rations ? C'est de la chronique, un Girls à la française. Le scénario est une matière brute, faite pour être transformée et devenir l'appropriation de quelqu'un d'autre, il ne faut pas chercher son écriture dans le résultat final. C'est une collaboration totale et généreuse. J'ai d'ailleurs terminé celui d'une autre série, pour Arte cette fois. C'est un exercice différent, que j'adore. L'écriture, quelle qu'elle soit, est la seule chose qui m'intéresse. C'est ma vocation.

    «Paris etc.» : série sur Canal+ (12 épisodes de 30 min) réalisée par Zabou Breitman, écrite par Anne Berest et Zabou Breitman (en collaboration avec Philippe Lefebvre et Gabor Rassov). Avec Valeria Bruni-Tedeschi, Anaïs Demoustier, Naidra Ayadi, Lou Roy-Lecollinet, Zabou Breitman. Musique originale Benjamin Biolay. Diffusion à l'automne.