La chirurgie esthétique va-t-elle trop loin ?

FAIT DU JOUR. Influence de la téléréalité, culte de l'apparence, volonté de rester jeune... La chirurgie esthétique connaît un boom inouï. Notre testing le démontre.

    Autrefois, des femmes d'âge mûr ressortaient des consultations le visage lifté jusqu'aux oreilles. Mais désormais, des jeunes filles à peine formées, des hommes à peine adultes défilent chez les chirurgiens esthétiques. Un bonnet supplémentaire, une liposuccion à 18 ans, du botox à même pas 30 ans? Il suffit de le demander. Le marché de l'esthétique ne prend pas une ride. Au contraire. Une table ronde organisée par la Société française des chirurgiens plasticiens a lieu ce vendredi sur cet incroyable boom. Le dynamisme affiché par ce secteur est insolent. L'an dernier, son activité a enregistré une croissance de 8 % en France, près de 8,3 % dans le monde. Les Terriens ont ainsi dépensé 8,5 Mds€ pour réparer ou améliorer leur apparence. Et ça devrait grossir encore pour atteindre les 11,1 Mds€ en 2020 (+ 32 %).

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    Comment expliquer cet engouement pour le bistouri? Selon le sociologue Michel Fize, «la quête de la perfection physique se joue de plus en plus tôt. Elle est aussi véhiculée sur les réseaux sociaux». Selon lui, les défis minceur, comme celui de la page A4 qui consiste à faire disparaître sa taille sous ce format, en attestent. «Ce diktat de l'apparence est devenu oppressant.» Dans les années 1960, l'habit permettait de s'inventer une identité. Cela n'a plus suffi. Tatouages, piercings, chirurgie... Le corps n'est plus le fruit d'un héritage auquel on ne touche pas, c'est devenu «une propriété personnelle». «Je ne suis plus parce que je pense, je suis ce que j'apparais, c'est l'ère du vide», conclut Michel Fize. Cette société d'image ne s'interdit plus rien. «Quand on est jeune, on est censé avoir le corps le plus beau possible. Si ce n'est pas le cas, on estime que c'est un comble et qu'il faut le corriger. Les chirurgiens ont compris ce marché.»

    Des images médiatiques idéalisées

    Même constat pour Michel Godefroy, psychiatre, ancien consultant dans le service de chirurgie plastique de l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Selon lui, il y a plus de vingt ans, le vieillissement et les malformations étaient les deux facteurs de consultation. Depuis, la diffusion d'images médiatiques idéalisées, les selfies, l'exposition sur Facebook poussent à «une surestimation incroyable et dangereuse». Kim Kardashian et ses sœurs n'hésitent pas à poser en photo en compagnie de leur chirurgien avec un doux mot : «Je vous aime, D r Ourian!» En France, les starlettes de téléréalité passent d'un bonnet A à C d'une saison à l'autre.

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    Les chirurgiens opèrent aussi plus facilement : «A mon époque, quand les spécialistes voyaient quelqu'un de jeune, ils lui disaient non, attendez encore ou ils préféraient avoir l'avis du psy.» Il faut dire qu'aujourd'hui, la technique a évolué. Les méthodes sont plus douces, moins invasives. D'ailleurs, la France s'est imposée sur le marché mondial grâce à sa célèbre «french touch», plus naturelle même si les liposuccions et les augmentations mammaires occupent encore notre top 10 des interventions les plus fréquentes.

    Comme trois de ses copines à la même époque, Clémence s'est fait poser des prothèses à 18 ans. Si cette opération répondait à un vrai besoin pour elle de se sentir bien, la jeune femme de 29 ans, aux mensurations de mannequin, admet avoir été influencée pour les injections dans les lèvres : «Une copine en avait des plus pulpeuses. J'ai alors développé un complexe que je n'avais jamais eu.» Elle le reconnaît : «Aujourd'hui, on sait qu'on a les moyens pour s'améliorer.» Plus facile, moins chère, la chirurgie s'est popularisée. Les quelque 9 500 professionnels de l'esthétique médicale sont de plus en plus sollicités et pas toujours légitimement. Ne poussent-ils pas un peu à la consommation ? Notre testing anonyme montre en tout cas qu'ils peuvent dispenser des conseils absolument contradictoires.