«Certains éleveurs arrêtent» : dans l’Oise, les agriculteurs en souffrance après la sécheresse record

Les réunions de crise entre syndicats et pouvoirs publics s’enchaînent pour identifier des solutions et soulager les terres cultivables malgré le manque d’eau. À la veille d’une nouvelle montée des températures, les inquiétudes redoublent pour les exploitants, déjà très éprouvés.

Boissy-Fresnoy, le 16 août 2022. Une réunion a été organisée avec des représentants de la préfecture et de la région sur l’exploitation de l’éleveuse Alice Avisse. L'occasion de constater, entre autres, que les plants de maïs n'ont pas atteint leur taille habituelle. LP/Octave Odola
Boissy-Fresnoy, le 16 août 2022. Une réunion a été organisée avec des représentants de la préfecture et de la région sur l’exploitation de l’éleveuse Alice Avisse. L'occasion de constater, entre autres, que les plants de maïs n'ont pas atteint leur taille habituelle. LP/Octave Odola

    En regardant le ciel, ils ne voient toujours rien venir. Pas de pluie en quantité suffisante, à même d’abreuver un sol oisien éprouvé par plusieurs mois d’une sécheresse qui enveloppe le département. Le manque de précipitations en juillet était criant : 13 mm seulement sont tombés sur le département, ce qui en fait le mois le moins pluvieux depuis le début des relevés de Météo France, en 1958-1959.

    Alors qu’une nouvelle vague de chaleur s’annonce pour cette fin de semaine, les agriculteurs désespèrent de voir la pluie abreuver leurs parcelles. Depuis le début du mois d’août, 70 % de l’Oise a passé le seuil d’alerte pour la sécheresse et deux zones ont été classées en crise, l’échelon maximal. La profession multiplie les réunions de crises pour faire face au problème.

    Obligés de se séparer d’une partie de leurs animaux

    Jean Lefèvre, agriculteur en grandes cultures (blé, escourgeons, orge, pois, maïs, betteraves, colza, fèveroles, avoine, tournesol…) basé à Ognes, a fait ses petits calculs. Et les comptes ne sont pas bons. « Il y a trente ans, il pleuvait environ 830 mm par an ici. Aujourd’hui, normalement, il pleut 650 mm par an. Cette année, ce sera de l’ordre de 530 mm, décrypte l’agriculteur de 41 ans. Depuis juin, c’est la cinquième ou sixième semaine avec des vents d’est très secs et des températures parfois au-dessus des 40 °C. Les plantes ont trop peu d’eau et se dessèchent trop vite. »

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    Alors, comme une quinzaine d’autres professionnels, il est venu assister mardi 16 août à une réunion à Boissy-Fresnoy, sur l’exploitation de l’éleveuse Alice Avisse, en présence de représentants de la préfecture et de la région.

    Un tour de l’exploitation de l’éleveuse permet d’appréhender la situation. Ses vaches foulent un pré calciné par le soleil. « Au 15 août, c’est normal de mettre du fourrage, mais là ça fait un mois et un demi », constate-t-elle. Les plants de maïs n’ont pas grandi. « Ils devraient être d’une hauteur de 2 m, là ils font à peine 70 cm, relève l’agricultrice. Je vais devoir acheter de la nourriture extérieure pour nourrir mes bêtes, et le coût de la récolte de maïs va être le même mais pour un résultat moindre. Avec la sécheresse, certains éleveurs bovins arrêtent. Certains se séparent aussi des animaux, ils ne peuvent pas nourrir toutes leurs bêtes. »

    « Peser sur la gestion de l’eau »

    Régis Desrumaux, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), alerte les autorités. « La filière élevage est en déperdition, plusieurs éleveurs m’ont appelé pour me dire qu’ils jetaient l’éponge, s’affole-t-il. Pour les aliments, on est très inquiets, on a lancé une bourse d’offres et de demandes pour s’entraider au sein de notre fédération. »

    L’une des solutions envisagées par l’éleveur : pouvoir semer des plantes fourragères plus résistantes, comme la luzerne, sur les prairies permanentes, ce qui n’est pour l’heure pas autorisé. « La seule plante verte en ce moment, c’est pourtant elle », image-t-il.



    Alors que les vaches tentent de brouter les derniers brins d’herbe, Jean Lefèvre fait rebondir le débat. « Il y a le manque d’eau et la chaleur, ce sont deux sujets différents. Le problème de la chaleur, on ne peut pas forcément peser à notre niveau, mais on peut agir sur la gestion de l’eau. On essaie de construire des puits, mais on n’obtient pas de réponses des autorités. »

    « Si ça se prolonge, ça peut devenir dramatique »

    Face aux doléances des professionnels, la préfecture multiplie les rencontres avec le monde agricole, trois les deux dernières semaines. « On va aussi organiser un comité spécial avec la chambre d’agriculture, les banques, la région, le département et la direction départementale des territoriales (DDT), indique Claude Dulamon, sous-préfète de Senlis. On veut pouvoir aider au cas par cas, mais on ne doit pas avoir que du ressenti. On veut des demandes étayées avec des données techniques. »

    Le temps presse, d’autant que les projections ne sont pas rassurantes. « Les prévisions vont nous faire repartir sur un cycle sec et chaud. Si la sécheresse se prolonge, ça peut devenir dramatique », prédit Claude Souiller, directeur de la DDT.

    Dans les deux bassins du département placés en situation de crise (Divette-Verse et Bresles), les agriculteurs peuvent demander des dérogations en ligne concernant l’arrosage de certaines cultures de plein champ, conformément à l’arrêté préfectoral publié fin juillet.