Les Turcs passaient les Chinois en Angleterre

Les Turcs passaient les Chinois en Angleterre

    La communauté chinoise a perdu hier, le temps d'une audience au tribunal correctionnel de Paris, une des caractéristiques qui lui colle à la peau : son imperméabilité. Trois de ses membres comparaissaient pour « aide directe ou indirecte à l'entrée et au séjour irrégulier d'étrangers en France ». Mais ils n'étaient pas tout seuls : 4 Turcs étaient assis à leurs côtés, détenus ou simplement prévenus. Tous sont accusés d'appartenir à une filière sino-turque, organisée dans la capitale pour transporter des clandestins chinois de la France vers l'Angleterre.

    Les faits jugés hier remontent à avril et juin 2008. Les policiers placent alors sur écoute une jeune Chinoise soupçonnée d'appartenir à une famille de passeurs. Celle-ci se prépare à fuir en Angleterre. Le jour du départ, une filature est mise en place : elle se poursuivra jusqu'à Calais, juste avant que cette jeune femme et 5 autres Chinois ne passent la frontière... à bord de camions conduits par des Turcs. Plusieurs personnes sont alors interpellées. Une deuxième vague sera menée en juin de la même année.

    « Cette alliance entre deux communautés est totalement inédite, commente M e Stéphane Goldenstein, qui défend la communauté chinoise depuis quinze ans mais dont les deux clients, hier, étaient turcs. Elles se rencontrent dans les ateliers de confection, où elles sont très présentes toutes les deux. »

    « Cette alliance entre deux communautés est totalement inédite »

    Dans cette affaire, l'atelier se trouve à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. Ce que confirme l'un des prévenus, un Chinois de 27 ans, qui reconnaît avoir joué le rôle de passeur à trois reprises. « Mais qui vous donnait les ordres ? », questionne le président de la chambre. Le jeune homme évoque un prénom turc, que personne ne porte dans la salle et qui n'a jamais pu être interpellé. Le chauffeur de camion turc n'en dira pas plus, si ce n'est qu'il n'est qu'un passeur occasionnel . »

    Les regards se tournent vers Shi Gui Z., Chinois d'une quarantaine d'années. Dans son appartement du XIII e arrondissement, plus de 10 000 â?¬ et un faux passeport ont été retrouvés. « Etes-vous l'organisateur du réseau ? », questionne le président. Réponse, immuable depuis son interpellation : « Je travaille pour un grand patron en Chine .» « Peut-être n'est-il pas le parrain chinois lui-même, estime la procureur de la République. Mais ce ne sont pas des marchandises dont on parle ici : ce sont des êtres humains, ballottés sur des milliers de kilomètres. Je demande donc cinq ans de prison pour lui. » Après une demi-heure de délibéré, le verdict tombe à 22 heures : trois ans de prison ferme pour le « parrain ». Pour les « passeurs », ce sera entre dix-huit mois et deux ans.