Migrants à Paris : «La bulle était une expérience unique»

Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarité, dresse le bilan du centre humanitaire de la Chapelle (XVIIIe) qui doit fermer ses portes d’ici la fin de la semaine.

 Bruno Morel est le directeur général d’Emmaüs Solidarité, qui continuera à gérer le centre d’accueil pour les familles d’Ivry (94), ainsi qu’un autre centre d’accueil, boulevard Henri-IV (IVe).
Bruno Morel est le directeur général d’Emmaüs Solidarité, qui continuera à gérer le centre d’accueil pour les familles d’Ivry (94), ainsi qu’un autre centre d’accueil, boulevard Henri-IV (IVe). Ville de Paris

    Pour Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarité, chargé de la gestion du centre humanitaire de la Chapelle depuis novembre 2016, cette structure d'accueil, qui fermera ses portes à la fin de la semaine, a permis d'éviter de nombreux campements de rue.

    A quelques jours de la fermeture du centre de la Chapelle, « la bulle », quel regard portez-vous sur ces 17 derniers mois ?

    BRUNO MOREL. C'est tout d'abord une grande fierté pour Emmaüs Solidarité et ses 800 salariés, d'avoir pu coconstruire cette expérience unique, inédite, proposée par la Ville, et animée par un immense élan collectif. Il faudrait écrire un livre sur la Chapelle… Et nous le ferons! La fierté, aussi, d'avoir permis à 25 305 migrants d'être mis à l'abri sans conditions, conformément à nos valeurs. Mais aussi pris en charge médicalement, administrativement, psychologiquement. Il était prévu que la bulle serait démontée pour laisser place aux travaux du campus Condorcet, l'heure est aujourd'hui venue, mais le bilan est très positif, avec 66 600 passages en 17 mois.

    Avec seulement 450 places, le centre était parfois à saturation…

    C'est vrai, et c'était inévitable. Mais combien de campements de rue a-t-il permis d'éviter, alors que 80 personnes continuent d'arriver chaque jour dans la capitale ? Certains pensaient que la bulle créerait un appel d'air, or aucune évolution notable n'a été observée. On disait que le centre deviendrait une zone de non-droit, mais il s'est plutôt bien intégré au quartier, grâce au travail réalisé par tous les intervenants, les explications données, les visites organisées. On nous promettait également de gigantesques campements dans le nord de Paris : il y a eu trente démantèlements au total depuis 2015, mais seulement trois depuis que la bulle existe !

    L'Etat vient d'annoncer l'ouverture de cinq CAES, centres d'accueil et d'examen de situation, de 750 places au total *. Est-ce suffisant ?

    L'enjeu principal doit rester le même : éviter que les campements se reconstituent. Et l'on sait qu'à Paris, environ 1 800 migrants campent aujourd'hui au Millénaire (XIX e ) et sur les rives du canal Saint-Martin (X e ). Tandis que plus de 550 personnes arrivent chaque semaine : il faudra donc être très vigilant sur la régulation des flux dans les centres. Tout en respectant, je l'espère, l'inconditionnalité de l'accueil…

    Emmaüs Solidarité tiendra-t-il un rôle dans le nouveau dispositif ?

    Nous continuerons à gérer le centre d'accueil pour les familles d'Ivry (94), qui offre 350 places d'hébergement pour 6 à 8 semaines, une école intégrée, un pôle santé, des pédiatres… 2 291 femmes seules ou avec enfants ont pu y être accueillies depuis son ouverture en janvier 2017. Et puis, outre nos diverses activités, nous prendrons également en charge le centre d'accueil de jour pour les familles, qui devrait ouvrir incessamment boulevard Henri-IV (IVe).

    * A Paris, boulevard Ney (XVIIIe), Nanterre (92), Cergy (95) Ris-Orangis (91) et Vaux-le-Pénil (77).