Paris : le réservoir de Grenelle toujours entre deux eaux

La ferme aquaponique qui doit voir le jour sur le réservoir d’eau non potable suscite toujours la colère des riverains et du maire du XVe. Eau de Paris a reporté la signature de sa convention d’exploitation.

 Réservoir de Grenelle, rue de l’Abbe Groult (XV). Sauvé d’un projet immobilier il y a 3 ans, le réservoir de Grenelle est toujours au cœur d’une bataille contre un projet d’aquaponie qui doit le transformer.
Réservoir de Grenelle, rue de l’Abbe Groult (XV). Sauvé d’un projet immobilier il y a 3 ans, le réservoir de Grenelle est toujours au cœur d’une bataille contre un projet d’aquaponie qui doit le transformer. LP/E.S.

    Un permis accordé en février, des travaux initialement prévus entre septembre et décembre, pour un lancement d'exploitation « début 2019 »…. Sur le papier, la création d'une ferme aquaponique dans les bassins à ciel ouvert du réservoir de Grenelle (XV e ), un projet lauréat du premier concours Parisculteurs de la Ville de Paris, aurait pu couler de source, et cela malgré 2 ans d'opposition massive des habitants réunis au sein de l'association Respiration Paris 15, du maire du XV e et de France Nature Environnement (FNE).

    Les bassins à truites toujours vides

    Sauf que non, décidément non, les bassins de truites et les légumes hors sol ne semblent pas si près de démarrer, sur ce réservoir de 6 000 m2 classé « zone urbaine verte » dans la dernière mouture du plan local d'urbanisme. La convention d'exploitation — qui devait être validée ce vendredi entre Eau de Paris (propriétaire du réservoir) et la société Green'elle, porteuse du projet d'aquaponie — a été retirée de l'ordre du jour du conseil d'administration de l'entreprise publique. C'est la 2e fois, et les opposants de la première heure espèrent transformer le sursis en victoire radicale contre un projet qui détruira, selon eux, une réserve de biodiversité et une « poche de fraîcheur » dont la capitale ne peut se priver.

    Le sujet abordé en février au Conseil de Paris

    Ce report de la convention d'exploitation, prévue pour 20 ans, est-elle le premier pas vers « l'abandon pur et simple » de la ferme aquaponique réclamé également par le maire (LR) du XVe, Philippe Goujon ? Loin s'en faut puisque Eau de Paris, que préside l'adjointe à l'environnement de la maire de Paris Célia Blauel, invoque un simple « report technique » et des « informations manquantes », mais prévoit de traiter le sujet « lors du conseil d'administration de février ». Or il y a peu de chance que Célia Blauel y fasse une place aux arguments que vient de lui adresser Respiration Paris 15, dont le recours contentieux contre le projet d'aquaponie n'est toujours pas tranché non plus.

    Riverains et maire d'arrondissement contre

    « Son implantation sur le réservoir de Grenelle est un non-sens, insiste Gérard Der Agobian, vice-président de l'association. Il est contraire au plan climat et viole les principes fondamentaux du schéma directeur voté à l'unanimité par le Conseil de Paris en 2015 : la réversibilité des aménagements, afin de pouvoir à terme réexploiter si nécessaire le réservoir d'eau, et la concertation. Les riverains et le maire du XVe ont été mis devant le fait accompli, c'est un projet imposé, mené sans aucune étude d'impact, qui transforme un îlot de fraîcheur en îlot de chaleur… ».

    Des températures plus chaudes dans les appartements

    Les riverains l'ont mesuré dès cet été, puisque les deux bassins à ciel ouvert ont été vidés, en prévision des aménagements de Green'elle : leurs appartements affichaient 4 °C de plus en moyenne, en comparaison avec une précédente vague de chaleur lorsque les bassins étaient remplis. Le vidage des bassins a également fait fuir oiseaux et pipistrelles, « Ce projet ruine la biodiversité au lieu d'être un projet bonifiant », s'alarme Christine Nedelec, présidente de FNE Paris. « Il est anti-écologique et économiquement non viable » complète Philippe Goujon. Tous demandent « le retrait ou le rejet de la signature de convention ».

    UN RÉFÉRÉ POUR STOPPER LE PROJET DU RÉSERVOIR DE CHARONNE

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    DR LP/E.S.

    Un autre réservoir « menacé » par un projet Pariculteurs mobilise les défenseurs de l'environnement de France Nature Environnement Paris : celui de Charonne, rue Stendhal (XXe), enterré sous une vaste prairie de 6 000 m2 dont les foins profitent d'ailleurs… aux animaux de la Ménagerie du Jardin des plantes (Ve).

    « Un bel exemple de circuit court ! », plaisante avec amertume Christine Nedelec, présidente de FNE Paris, qui porte la fronde contre le projet de ferme urbaine et pédagogique porté par la start-up Le Paysan urbain. Or « cet endroit est un corridor écologique et patrimonial, une prairie rarissime que l'on veut recouvrir de bâches plastiques ! »

    Après l'échec d'un recours grâcieux fin 2017, FNE a lancé un recours contentieux au début de l'année, dont l'issue n'est toujours pas tranchée. FNE Paris a fait faire un constat d'huissier lundi dernier, dont les photos et arguments déboucheront la semaine prochaine sur un référé suspension.