Paris : les mal-logés ont «libéré» l’ex-commissariat du IIe

Visées par un jugement d’expulsion, les familles de mal-logés ont quitté, ce jeudi, l’ex-commissariat du IIe squatté depuis 8 mois. Elles devraient toutes obtenir une solution de relogement.

 18, rue du Croissant (IIe). Les 30 familles de mal-logés qui occupaient l’ancien commissariat d’arrondissement depuis 8 mois ont quitté les lieux ce jeudi.
18, rue du Croissant (IIe). Les 30 familles de mal-logés qui occupaient l’ancien commissariat d’arrondissement depuis 8 mois ont quitté les lieux ce jeudi. LP/Benoit Hasse

    Les forces de l'ordre étaient présentes en nombre aux abords de la rue du Croissant (IIe). Mais elles n'ont pas eu à intervenir pour faire appliquer le jugement d'expulsion.

    Les quelque 70 mal-logés qui squattaient l'ancien commissariat du IIe arrondissement depuis janvier dernier ont libéré les lieux « volontairement », ce jeudi matin… après l'obtention d'un engagement de relogement pour toutes les personnes concernées.

    «Les sans-logis ont obtenu gain de cause »

    Dès le début de matinée, les « squatteurs » – une trentaine de familles avec enfants, bénéficiant du statut de prioritaires Dalo (droit au logement opposable) pour les deux tiers d'entre elles — ont été pris en charge par les services de la préfecture de région. Ils ont été conduits, en bus, vers des hébergements hôteliers dépendant du Samu social… où ils resteront au maximum un an avant d'obtenir un relogement pérenne.

    La direction du logement de la préfecture de Région, qui a examiné « au cas par cas » les dossiers des occupants de l'ex-commissariat, se chargera du relogement des « prioritaires Dalo ». Mais pas des 11 ménages qui ne bénéficient pas de ce statut. Eux devraient être pris en charge par la Ville de Paris à l'issue de leur hébergement en hôtel.

    « Nous allons avoir pas mal de réunions de suivi pour s'assurer que ces engagements sont tenus. Mais globalement, les sans-logis ont obtenu gain de cause », se félicite Jean-Baptiste Eyraud, l'emblématique responsable de l'association DAL (Droit au logement) qui a « organisé » la réquisition de l'ex-commissariat du IIe, en décembre dernier.

    Le bâtiment, appartenant à la société immobilière Primonial, avait été libéré par le commissariat quatre mois plus tôt, dans le cadre de la réorganisation des services de police du nouvel arrondissement de Paris-Centre. Mais au moment où les squatteurs s'étaient installés, la Préfecture de police, en conflit avec son bailleur, n'avait pas encore rendu les clés… et était toujours juridiquement responsable du site!

    « Techniquement, il s'agit bien d'une expulsion »

    « Tout le monde a mis du sien pour sortir de cette situation. Nous avons pu éviter l'expulsion et obtenir des relogements pour tous », salue Jean-Baptiste Eyraud qui a supervisé, ce jeudi, le départ des occupants du 18, rue du Croissant vers des hôtels sociaux de la capitale. « Techniquement, il s'agit bien d'une expulsion », nuance-t-on à la Préfecture de police, qui rappelle qu'elle disposait d'un délai légal de deux mois à compter de l'ordonnance d'expulsion obtenue par le propriétaire de l'immeuble le 2 juillet dernier pour accorder son concours au départ des squatteurs.

    Un hôtel de luxe ou... des logements sociaux

    Du point de vue de la société foncière Primonial, il y avait en tout cas urgence à obtenir la libération du site. Le vaste immeuble de bureau, situé au cœur d'un des arrondissements les plus touristiques de la capitale, a en effet été revendu (sous la forme d'un bail à construction) au groupe hôtelier néerlandais Citizen M qui prévoit de le transformer en 4 étoiles de luxe. Le permis de construire, délivré en 2016, sera caduc en octobre prochain si les travaux n'ont pas démarré d'ici là.

    Mais selon des sources proches du dossier, le groupe hôtelier chercherait désormais à revendre ce bail à construction en raison de la crise sanitaire… et touristique. De quoi intéresser la mairie de Paris qui préférerait de nouveaux logements sociaux à un nouvel hôtel dans la rue du Croissant?

    « Nous allons mettre le paquet pour régler ce dossier symbolique de la transformation des immeubles de bureaux vides en logements », avait assuré Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, en venant apporter son soutien aux squatteurs au lendemain des municipales.