Vote de 100 000 euros pour l’ONG SOS Méditerranée : la justice annule la subvention de la mairie de Paris

Le tribunal a considéré « qu’une collectivité territoriale ne saurait (…) méconnaître les engagements internationaux de la France ni, en attribuant une subvention, prendre parti dans un conflit ou un différend international de nature politique ou interférer dans la conduite de la politique extérieure de la France ».

Anne Hidalgo, maire de Paris, avait évoqué sa "fierté" en novembre dernier quant au nouveau vote de cette subvention. LP Delphine Goldsztejn
Anne Hidalgo, maire de Paris, avait évoqué sa "fierté" en novembre dernier quant au nouveau vote de cette subvention. LP Delphine Goldsztejn

    C’est l’une des subventions qui était au cœur des critiques de l’opposition à Anne Hidalgo. La Cour administrative d’appel de Paris a annulé vendredi une subvention de 100 000 euros octroyée en 2019 par la Ville de Paris à l’ONG SOS Méditerranée, jugeant que la mairie avait interféré avec la politique étrangère de la France. « Extrêmement fière que la majorité municipale vote la subvention de 100 000 euros à cette association indispensable. Il y va de notre dignité et de nos valeurs », tweetait, en novembre, la maire PS.

    En accordant cette aide, « le Conseil de Paris doit être regardé comme ayant entendu prendre parti et interférer dans des matières relevant de la politique étrangère de la France et de la compétence des institutions de l’Union européenne, ainsi que dans des différends, de nature politique, entre États membres », jugent les magistrats. Une subvention pourtant octroyée chaque année depuis 2016 à cette association d’aide aux migrants.

    Depuis 2015, SOS Méditerranée a régulièrement affrété des bateaux en Méditerranée pour sauver des migrants tentant de rejoindre l’Europe par la mer. Ses expéditions, et celles d’autres ONG, ont été la source de brouilles diplomatiques entre États membres de l’UE, qui se sont renvoyé la responsabilité d’accueillir les migrants secourus.

    Une subvention qui irritait l’extrême droite italienne

    En juillet 2019, la mairie de Paris, dirigée par la socialiste Anne Hidalgo, avait décidé d’octroyer une aide de 100 000 euros à SOS Méditerranée et de décorer les capitaines d’un navire humanitaire d’une autre ONG, poursuivies par la justice en Italie pour aide à l’immigration clandestine. Cette décision avait outré l’extrême droite italienne, notamment le ministre de l’Intérieur de l’époque, Matteo Salvini.

    Le tribunal parisien rappelle « qu’une collectivité territoriale ne saurait (…) méconnaître les engagements internationaux de la France ni, en attribuant une subvention, prendre parti dans un conflit ou un différend international de nature politique ou interférer dans la conduite de la politique extérieure de la France ».



    Or, « les responsables de l’association ont, aussi, publiquement critiqué, et déclaré vouloir contrecarrer par leur action les politiques définies et mises en œuvre par l’Union européenne et les États membres en matière d’immigration et d’asile », notent les magistrats. « Le Conseil de Paris a entendu s’approprier les critiques de cette association à l’encontre de ces politiques migratoires », ajoutent-ils, citant la teneur des débats à ce sujet en son sein.

    Dans la série du Parisien sur les comptes de la capitale, au plus de 7 milliards d’euros de dettes, nous rappelions une précédente décision de justice au sujet de « fonds municipaux donné à des causes qui peuvent être jugées très éloignées du quotidien des Parisiens ». En effet, le tribunal administratif avait validé la possibilité pour une collectivité de voter une telle subvention, au nom du droit propre à la « coopération décentralisée ».

    « Les Parisiens, qui ont parfaitement su accueillir les réfugiés ukrainiens, n’ont pas besoin d’un tel vœu pour être sensibilisés au problème des migrants, avait déclaré David Alphand, le vice-président du groupe LR au Conseil de Paris, dans les colonnes du Figaro. S’il y a 100 000 euros de trop à Paris, avait ajouté l’élu du XVIe, qu’on en fasse profiter les crèches de la capitale. »

    Jointe par l’AFP vendredi après-midi, la mairie de Paris n’était pas en mesure de commenter la décision. De son côté, l’ONG a indiqué qu’elle « s’inquiète vivement » de la décision du tribunal et dit étudier « très sérieusement la possibilité d’un recours devant le Conseil d’État ». Elle a rappelé que « le sauvetage en mer n’a rien de politique, c’est une action humanitaire, qui relève d’une obligation morale et légale, garantie par des conventions internationales ».