L’Ocean Viking bloqué en mer, SOS Méditerranée appelle à l’aide France, Espagne et Grèce

L’ONG, qui a recensé 234 migrants à son bord, cherche un port pour débarquer ces personnes secourues. Elle se heurte à un contexte politique difficile sur le Vieux continent.

L'Ocean Viking est coincé depuis 13 jours en mer Méditerranée. AFP/Giovanni ISOLINO
L'Ocean Viking est coincé depuis 13 jours en mer Méditerranée. AFP/Giovanni ISOLINO

    Il y a un député, accusé de racisme, qui se défend en jurant avoir simplement réclamé qu’un bateau de secours renvoie vers l’Afrique les migrants à qui il a porté secours. Et puis il y a la dure réalité de ce même bateau, coincé en mer Méditerranée depuis 13 jours avec 234 migrants à bord, qui redoutent désormais une dégradation des conditions météo et la baisse à venir des températures. L’ONG européenne SOS Méditerranée en a appelé jeudi pour la première fois à la France, l’Espagne et la Grèce pour l’aider à trouver un port sûr pour débarquer les personnes secourues par son navire Ocean Vikin.

    L’ONG de secours en mer redoute donc « un vent fort, de hautes vagues et une baisse de température d’ici la fin de la semaine », ajoutant dans un communiqué publié jeudi que « les provisions commencent à manquer » à bord. Depuis son premier sauvetage le 22 octobre, SOS Méditerranée a sollicité, comme à son habitude et conformément au droit maritime, les autorités de la zone de recherche, en Libye et à Malte, sans obtenir de réponse, indique la directrice et cofondatrice de l’ONG Sophie Beau, par téléphone jeudi.

    Silence de Paris pour le moment

    Elle a ensuite sollicité l’Italie, mais la récente arrivée au pouvoir de l’extrême droite à Rome et les déclarations antimigrants de ses dirigeants ne laissent que peu d’espoir d’y obtenir un feu vert. « Le ministre de l’Intérieur a visé l’Ocean Viking dans ses déclarations », rappelle Sophie Beau. Matteo Piantedosi a en effet annoncé avoir émis une directive avertissant les forces de police et les autorités portuaires que son ministère envisageait une interdiction d’entrée dans les eaux territoriales du navire affrété par SOS Méditerranée et du Geo Barents de Médecins sans Frontières (MSF), qui battent tous deux pavillon norvégien, ainsi que du bateau allemand de l’ONG SOS Humanity.

    Jeudi, les deux navires n’avaient pas reçu de communication officielle sur une telle décision. SOS Méditerranée s’est alors tourné vers les autorités maritimes de la France, de l’Espagne et de la Grèce. « C’est la première fois qu’on les sollicite », explique Sophie Beau, qui précise que la demande a été faite mercredi soir. Jeudi à la mi-journée, SOS Méditerranée n’avait reçu aucune réponse. La directrice insiste: « On ne demande pas à la France de nous ouvrir un port, mais de nous aider à trouver une solution ».

    C’est ce qu’a tenté l’Allemagne en envoyant une note diplomatique à l’Italie : « Au vu de la situation humanitaire à bord du navire « Humanity 1″, il a été demandé au gouvernement italien d’apporter rapidement son aide », indique un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « Les organisations civiles engagées dans le secours aux migrants fournissent une contribution importante à la sauvegarde des vies humaines en Méditerranée », complète un communiqué transmis par l’ambassade à Rome.

    De son côté le ministère norvégien des Affaires étrangères souligne que la Norvège n’avait « aucune responsabilité en vertu des conventions des droits de l’Homme ou du droit maritime envers les personnes embarquées à bord de navires privés battant pavillon norvégien en Méditerranée ».

    « Navire pirate »

    Le nouvel exécutif italien, qui avait fait campagne en promettant de « stopper les débarquements », exige des pays dont les navires humanitaires battent pavillon qu’ils s’engagent à accueillir une partie des migrants arrivés sur leur territoire par la mer.

    « Si vous faites la navette entre les côtes africaines et l’Italie pour transporter des migrants, vous violez ouvertement le droit maritime et les lois internationales. Si ensuite un navire d’ONG bat pavillon, disons, allemand, l’équation est la suivante: soit l’Allemagne le reconnaît et elle le prend en charge, soit il devient un navire pirate », a expliqué la Première ministre Giorgia Meloni dans un livre à paraître vendredi.

    D’après le ministère italien de l’Intérieur, 85 991 personnes sont arrivées par la mer en Italie entre le 1er janvier et le 2 novembre 2022, dont la moitié sont des ressortissants de Tunisie, d’Egypte et du Bangladesh. Ils étaient 53 825 l’an dernier sur la même période, et 28 343 en 2020. Or la Commission européenne a récemment indiqué que seuls 112 migrants sur les quasi 86 000 arrivés depuis le début de l’année seront accueillis par deux autres pays de l’UE (38 en France, 74 en Allemagne), un chiffre très insuffisant aux yeux de Rome.