Mayotte : les députés approuvent la limitation du droit du sol

Cette mesure, qui vise à faire face à l’importante immigration clandestine en provenance des Comores, a suscité un vif débat à l’Assemblée nationale.

 Pour qu’un enfant né à Mayotte soit français, il fait que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois. (Illustration).
Pour qu’un enfant né à Mayotte soit français, il fait que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois. (Illustration). AFP/Ornella LAMBERTI.

    Cette possibilité avait déjà été évoquée en 2005. Ce jeudi, au terme d'un débat nourri y compris au sein de la majorité, l'Assemblée nationale a voté jeudi l'adaptation du droit du sol à Mayotte. La proposition avait été soutenue par l'exécutif pour faire face à la très forte immigration clandestine en provenance des Comores.

    En nouvelle lecture du projet de loi asile-immigration, les députés ont donné leur aval par 47 voix contre 19 à un article introduit au Sénat qui exige pour les enfants nés à Mayotte que l'un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois.

    Fin juin, lors d'un discours consacré aux Outre-mer, Emmanuel Macron avait soutenu cette démarche qui permet « de préserver le droit du sol qui est l'un de nos principes fondamentaux, en adaptant ses conditions d'exercice à la réalité de ce territoire ». Dans l'hémicycle, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a défendu à son tour une évolution « nécessaire et équilibrée ».

    L'aval des deux députés de l'île

    Il a eu l'appui des deux députés de Mayotte, Ramlati Ali (LREM) et Mansour Kamardine (LR), la première invoquant une réponse à une situation « exceptionnelle », le second estimant que le principe d'une République « une et indivisible n'interdit pas la prise en compte de spécificités », alors que l'île a été secouée par un grand mouvement de contestation populaire en mars.

    Dans les rangs de la majorité, où 9 LREM et 2 MoDem ont voté contre l'article, des voix se sont élevées contre une disposition « mal préparée », notamment Saïd Ahamada (LREM) ou Nadia Essayan (MoDem).

    « Est-ce qu'on va résoudre le problème ? La réponse est non », a aussi lancé Sonia Krimi, parmi les élus LREM abstentionnistes en première lecture. La députée, née en Tunisie, a déploré que cela rouvre les débats « sur les horribles étrangers dont je faisais partie » qui « viennent pour profiter ».

    Lui répondant « amicalement mais fermement », Florent Boudié (LREM) a affirmé que « rien n'interdit de ne pas se voiler la face », récusant toute volonté « d'attaquer le droit du sol ».

    La gauche défend « l'unicité de la République »

    La gauche a aussi fustigé un article qui « va à l'encontre de l'Histoire » pour Muriel Ressiguier, LFI. Danièle Obono, députée de Paris FLI, a plaidé pour « l'égalité républicaine ».

    Cet article vient « casser encore un peu plus l'unicité de la République », a estimé Pierre Dharréville (PCF) ou « ouvre une boîte de Pandore », selon Marietta Karamanli (PS). « Nous ouvrons un biais dangereux en droit », a également estimé Olivier Becht (UDI-Agir), magistrat de profession.

    Le défenseur des droits Jacques Toubon s'est lui aussi inquiété de l'instauration d'un régime dérogatoire.

    Marine Le Pen : le droit du sol « n'est pas un totem »

    Côté LR, Fabien Di Filippo a notamment déploré le « temps perdu », tandis qu'Eric Ciotti. Il a estimé que « ceux qui sont entrés illégalement ne peuvent pas prétendre à ce que leurs enfants naissent automatiquement français ». Il a proposé vainement de « généraliser ce principe à l'ensemble du territoire national ».

    Estimant que le droit du sol « n'est pas un totem », Marine Le Pen (RN) a proposé de le « supprimer purement et simplement » à Mayotte, qui vit, selon elle, « sous couvre-feu », avec des pouvoirs publics « noyés sous le nombre de clandestins ».