Face au Loing, le petit coin de paradis, victime de son succès, est fermé au public

A La Genevraye, un site digne d’une carte postale est envahi par des centaines de visiteurs, dont certains ont une attitude peu respectueuse des riverains. Dépassés par la situation, les élus ont repris la main en fermant l’endroit au public.

 La Genevraye, ce vendredi. Havre de paix, cette prairie est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé, ce qui n’a pas empêché certains de se glisser sous les barrières pour pouvoir aller se détendre.
La Genevraye, ce vendredi. Havre de paix, cette prairie est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé, ce qui n’a pas empêché certains de se glisser sous les barrières pour pouvoir aller se détendre. LP/Faustine Léo

    Des barrières hautes de deux mètres, attachées par des chaînes à des rochers, sur lesquelles est inscrit en grand sur un panneau jaune que les bords du Loing sont provisoirement fermés. Impossible, depuis ce jeudi, d'aller se prélasser sur la vaste pelouse de La Genevraye qui fait face au plan d'eau du Loing et aux belles maisons à colombages de Montigny-sur-Loing. Ce week-end, des vigiles seront présents pour empêcher d'escalader ou de détériorer les barrières.

    Les élus de Montigny-sur-Loing et La Genevraye en venaient à espérer qu'il pleuve le week-end... et dissuader ainsi les quelque 450 visiteurs séduits par leur petit coin magique de venir. Car en résultent stationnement sauvage, prairie jonchée de déchets, risques d'incendie à cause de barbecues pourtant interdits et à même le sol, musique à fond en pleine nuit et tapage nocturne de personnes alcoolisés. Sans oublier le risque de noyade dans cet endroit où la baignade est interdite. Un homme de 67 ans est décédé ce samedi d'une crise cardiaque alors qu'il se trouvait dans la rivière.

    Havre de paix, cette plage est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé. Des panneaux sont installés dès la gare pour prévenir les visiteurs. LP/Faustine Léo
    Havre de paix, cette plage est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé. Des panneaux sont installés dès la gare pour prévenir les visiteurs. LP/Faustine Léo LP/Faustine Léo

    De quoi, comme à Moret-sur-Loing, transformer le paradis en cauchemar pour les riverains, qui à bout, ont envoyé une pétition aux maires des deux communes. Si bien, qu'après avoir recruté quatre vigiles le week-end dernier pour faire de la médiation et de la prévention, les élus ont décidé de fermer le site au public.

    Barbecues à risques et nuits d'ivresse bruyantes

    « Le problème de la baignade est presque devenu anecdotique, tant les nuisances sont nombreuses, précise Jean-Yves Corbel, maire-adjoint de Montigny-sur-Loing. Même si ça se passe bien dans l'ensemble, ceux qui ne savent pas bien se comporter rendent la vie de tout le monde impossible ».

    « Avec ce stationnement anarchique le long de la D58, je crains un accident, ajoute Marie-Claire Périni, l'édile (SE) de La Genevraye. On a mis des plots mais rien n'y fait. Les habitants saturent. Nous avons rencontré le sous-préfet, mais il est dur de trouver une solution miracle ».

    Ce coin secret, connus des gens de la région, a fait les frais des réseaux sociaux, notamment depuis le déconfinement. « Nous nous sommes retrouvés sur des sites indiquant où aller dans la nature dans un rayon de 100 km autour de Paris, déplore Jean-Yves Corbel. Mais nous ne sommes pas une base de loisirs. C'est un site naturel où rien n'est aménagé pour la baignade. Plus de 80% des gens viennent par le train, de toute l'Ile-de-France, avec les glacières, les matelas gonflables. Il y a tous les milieux sociaux, des amis, des familles ».

    Et parmi eux, certains, qui se permettent de mettre leur musique fort et de faire des barbecue malgré la sécheresse, ou vivent des nuits d'ivresse en oubliant que les voisins ont envie de dormir paisiblement.

    Havre de paix, cette plage est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé. Des panneaux sont installés dès la gare pour prévenir les visiteurs. LP/Faustine Léo
    Havre de paix, cette plage est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé. Des panneaux sont installés dès la gare pour prévenir les visiteurs. LP/Faustine Léo LP/Faustine Léo

    Ils se sont faufilés sous les barrières dans le site interdit

    « C'est une minorité, je dirais 20%, qui ne se comporte pas bien. Et à cause d'eux, on est aussi privé de ce lieu, soupire Claudia, une riveraine. On n'en peut plus de vivre ça. Il y a des gens qui se garent partout, jusque devant chez nous, alors que c'est un chemin étroit. Que faire quand on est réveillé à 4 heures du matin par des gens qui ont des baffles qui crachent de la musique ? Si on proteste, on nous insulte. Hier, il y en a qui voulaient démonter la barrière ».

    Car après avoir souvent fait plus d'une heure de trajet, les visiteurs ne veulent pas renoncer à leur moment de plaisir. « Je travaille en intérim six jours sur sept. J'ai besoin de ce moment d'évasion », plaide un jeune homme venu du Val-de-Marne avec ses amis. Pique-nique, jeux de plage, serviettes : tout est prévu pour une après-midi sympathique. Sauf que cette fois, ils se sont faufilés sous les barrières, alors que le site est désormais interdit d'accès.

    Havre de paix, cette plage est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé. Des panneaux sont installés dès la gare pour prévenir les visiteurs. LP/Faustine Léo
    Havre de paix, cette plage est désormais prisée par de nombreux franciliens, ce qui engendre des troubles à l'ordre public. Le site est désormais fermé. Des panneaux sont installés dès la gare pour prévenir les visiteurs. LP/Faustine Léo LP/Faustine Léo

    « On a fait une heure de route, on ne va pas repartir comme ça », insiste un trentenaire. « On vient là depuis longtemps, nous repartons avec nos poubelles, précise un jeune agent immobilier. Nous avons besoin de ce moment de tranquillité et de détente. On travaille tellement. Ce n'est pas sympa de nous interdire ça. Et puis, tout l'été, tout le monde a respecté les distances de sécurité par rapport au Covid-19 ».

    Une solution pérenne et durable à ce problème saisonnier ?

    Un couple qui a fait 40 minutes de trajet depuis Melun pour venir déjeuner sur l'herbe rebrousse chemin. « On connaît le site car on vient y faire du paddle, expliquent-ils. C'est vrai que cet été il y a bien plus de monde ». Deux marcheuses butent aussi sur les barrières. « Ce n'est pas normal d'interdire l'espace public. On doit pouvoir accéder aux rives pestent-elles. Pourquoi ne pas mettre des amendes à ceux qui sèment le trouble ? ».

    « Une partie de ce site est privée, comme la cascade et les chemins d'accès. C'est donc difficile d'intervenir, précise Jean-Yves Corbel. Là, on est dans l'urgence pour retrouver le calme. La priorité c'est le bien-être et la sécurité des habitants de notre village et des habitants. Cette interdiction est provisoire. On espère qu'on va retrouver la sérénité le plus tôt possible pour rouvrir ».

    Il reste aux élus plusieurs mois pour se concerter et tenter de trouver une solution pérenne et durable à ce problème qui risque de réapparaître dès les prochaines chaleurs du printemps. « Avec le réchauffement climatique, tout ça ne risque pas de s'arranger facilement », soupire d'ailleurs Jean-Yves Corbel.