Seine-et-Marne : tension à Dammarie avec l’arrivée de Roms et de Moldaves

Deux campements de 800 Roms et Moldaves se sont formés au fil des mois à Dammarie. Malgré les arrêtés municipaux et les demandes d’expulsion autorisées par la justice, rien ne bouge. Au grand dam des habitants et des commerçants.

 Dammarie-les- Lys, septembre. 400 Roms occupent les anciens terrains de la Cooper et celui du Port autonome de Paris en bords de Seine.
Dammarie-les- Lys, septembre. 400 Roms occupent les anciens terrains de la Cooper et celui du Port autonome de Paris en bords de Seine. DR

    Habituée des arrivées régulières de Roms sur son territoire, Dammarie-les-Lys n'avait encore jamais vécu cela : deux grands campements de plus de 400 personnes chacun sont installés en toute illégalité sur des terrains privés dans la ville depuis plusieurs mois.

    L'un situé dans un bâtiment appartenant à la société Eiffage, avenue Montaigne, abrite 432 Moldaves selon le dernier comptage de la police municipale. L'autre improvisé sur des terrains en friches appartenant à la Cooper et au Port Autonome de Paris (Haropa), en bords de Seine, compte plus de 400 Roms. Soit plus de 800 personnes que les Dammariens croisent dans la ville. Depuis, le standard de la mairie reçoit beaucoup d'appels.

    « On a des plaintes tous les jours », déplore-t-on en mairie

    « On a des plaintes tous les jours », affirme-t-on au cabinet du maire. Outre la mendicité, l'éventration de poubelles chez des particuliers, de nombreux appels évoquent des vols dans les commerces. Au supermarché Aldi, le constat est alarmant : « C'est tous les jours depuis l'été. Ils arrivent à vingt dans le magasin, par petits groupes de deux. Ils consomment sur place ou volent. La police est venue plusieurs fois. Cela cause du désagrément à notre clientèle », commente la directrice.

    Dammarie-les-Lys, septembre 2019. Le magasin a subi de nombreux vols à l’étalage avec consommation sur place. LP/Sophie Bordier
    Dammarie-les-Lys, septembre 2019. Le magasin a subi de nombreux vols à l’étalage avec consommation sur place. LP/Sophie Bordier DR

    Face au malaise croissant ressenti par de nombreux commerçants et administrés, le maire Gilles Battail (LR) s'est fendu d'un communiqué sur le site Internet de la commune (à lire aussi dans le magazine municipal d'octobre). Il tente de calmer les esprits et explique la situation.

    « La ville met en œuvre tout ce qu'elle est autorisée à faire dans le cadre de ses compétences : prise d'arrêtés municipaux de mise en demeure de quitter les lieux, interventions des services municipaux », commence-t-il. Allusion au nettoyage du secteur quand les poubelles débordent notamment…

    Début juin, la justice a validé sa demande d'expulsion du campement de Roms des bords de Seine. « Aujourd'hui, c'est à la préfecture d'organiser avec les forces de police l'opération d'évacuation. Plusieurs échanges ont eu lieu avec elle à ce sujet et des réunions regroupant le propriétaire du terrain, la Cooper, la ville, plusieurs services de l'Etat et la police a eu lieu le 9 septembre et le 23 septembre », précise-t-il.

    Rien n'est simple. Selon le cabinet du maire, la commune a l'obligation de mettre à disposition des Roms un lieu pour que l'Etat travaille à leur hébergement avec le Samu social. De leur côté, les propriétaires sont incités à « sécuriser » les terrains en friches. Objectif : les rendre inaccessibles. « Haropa avait aménagé des fossés et des merlons, mais le terrain a tout de même été occupé », précise-t-on en mairie.

    « Nous sommes prêts, mais il y a des étapes à respecter, préparer l'après-expulsion avec les associations. Ce sont des êtres humains avec des femmes et des enfants. On y travaille tous les jours avec la préfecture », insiste Philippe Justo, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP).

    A la direction générale de la Cooper, on ne souhaite faire aucun commentaire. Chez Haropa, mitoyen de la Cooper, il n'y a pas eu de dépôt de plainte, mais juste un constat d'huissier.

    Les Moldaves ont un mois et demi pour quitter les lieux

    Pour l'autre campement illégal de Moldaves dans les locaux d'Eiffage, qui a déposé plainte, le juge a ordonné fin septembre l'expulsion des occupants. Il a rejeté l'application de la trêve hivernale et fixe à un mois et demi le délai pour quitter les lieux.

    Leur cas est complexe. N'étant pas membres de l'Union européenne, ils bénéficient d'un accord spécifique qui les autorise à venir sur le territoire français sans visa dans le cadre d'une demande d'asile. Les procédures sont plus longues. L'OFII (office français de l'immigration et de l'intégration) intervient pour faire une enquête sociale et assurer leur suivi.

    Eiffage n'a pas souhaité s'exprimer, estimant que les retombées concernent essentiellement la commune et les Dammariens. En préfecture, on indique simplement que « les procédures sont en cours » et « qu'aucune expulsion n'est encore prévue ».

    « Ils sont capables de s'adapter » assure un bénévole de Romeurope

    Bénévole à l'association Romeurope, Yves Douchin comprend la lenteur des procédures. « On n'expulse personne tant qu'une solution adaptée n'a pas été trouvée. Ces gens demandent un logement. Mais c'est un ordinateur central à Paris qui dit le nombre de chambres disponibles dans chaque département d'Ile-de-France. On met des milliers d'euros pour rendre un terrain inaccessible, on ferait mieux de mettre ces sommes pour mettre aux normes les terrains et accueillir les gens dignement. »

    Toujours indigné, Yves Douchin s'interroge : « Que fait l'Etat? On n'aura jamais fini tant qu'on n'aura pas traité cela de façon correcte au niveau européen. » Le bénévole croit à leur intégration. « En 2007, 40 familles ont été sédentarisées à Sénart sur proposition du directeur de cabinet du préfet. Ils ont un logement, du travail. Ils sont capables de s'adapter. Mais tout le monde le nie », déplore-t-il.