« Épuisant et énervant » : à Noisy-le-Sec, le calvaire des habitants d’une tour de 18 étages privés d’ascenseurs

Alors qu’une des deux cabines d’une tour du quartier du Londeau est en panne depuis plusieurs mois, la seconde est également hors service depuis fin juillet. Les résidents les plus vulnérables peinent à se déplacer, les autres se débrouillent tant bien que mal.

    « On est passés des vacances et de la bonne humeur à la désillusion totale. » Amin, 18 ans, et son papa Nabil, 61 ans, sont partis le 23 juillet en Tunisie. À leur retour dans leur appartement situé au 16e étage du 6, rue Paul-Verlaine dans le quartier du Londeau à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), ils ont eu la mauvaise surprise de découvrir le second ascenseur de leur tour en panne.

    Le premier ne fonctionnait déjà plus depuis plusieurs mois. Une épreuve physique attend alors Amin et Nabil : celle de monter les seize étages de l’immeuble en portant à bout de bras leurs valises. Quinze minutes plus tard et après des pauses récurrentes pour que le second reprenne son souffle, ils arrivent enfin à destination.



    « C’est épuisant et c’est énervant surtout », fustige Amin tout en enlevant avec son bras la sueur qui dégouline sur son front. Il reprend son souffle. « Mon père est malade, il a des problèmes de cœur alors monter 16 étages, c’est suicidaire, lâche-t-il. Même pour les courses, je ne sais pas comment on va faire. »

    « On n’achète plus de packs de bouteilles, on boit l’eau du robinet »

    Un peu plus haut, au 18e et dernier étage de l’immeuble, vit Khira. Cette maman de deux enfants est enceinte et le terme approche. « Je suis enfermée, je ne peux pas monter et descendre 18 étages, ce n’est pas possible, souffle-t-elle. À tout moment je peux accoucher. Je ne peux pas sortir les enfants non plus, donc ils restent à la maison toute la semaine. C’est insupportable pour eux, surtout quand il fait chaud. Ils ne sortent que le week-end avec leur papa. »

    Dans la cage d’escalier, Leila monte péniblement son sac cabas. Cette femme de 44 ans habite au 14e étage avec son mari et son fils, qui tous les deux travaillent. « Pendant une semaine, on n’a mangé que des pâtes ou du riz, on ne peut pas se permettre de faire des courses tout le temps, témoigne-t-elle. On se restreint, on n’achète plus de packs de bouteilles, on boit l’eau du robinet. Et les boissons sucrées, on a arrêté. Parfois, quand je fais des courses trop lourdes, je les laisse dans la voiture et mon mari les remonte le soir après le travail. »

    Noisy-le-Sec, le 14 août 2024. Les résidents de la tour de 18 étages du 6, rue Paul-Verlaine sont privés d'ascenseur depuis fin juillet.
    Noisy-le-Sec, le 14 août 2024. Les résidents de la tour de 18 étages du 6, rue Paul-Verlaine sont privés d'ascenseur depuis fin juillet.

    Si certains vivent en famille et peuvent s’entraider, d’autres sont livrés à eux-mêmes. C’est le cas d’Érica, 70 ans, qui vit seule au 6e étage : « D’habitude, je fais des courses deux fois par semaine. Là, je descends tous les deux jours et je prends le strict nécessaire. Quand on est seule, c’est difficile, personne n’est là pour nous aider. »

    Marie-Chantal, 66 ans, vit avec sa mère de 96 ans au 9e étage de l’immeuble. « J’ai acheté quelques fruits, du poisson et des médicaments pour ma maman, glisse la retraitée. C’est de quoi tenir trois voire quatre jours. Je ne peux plus faire de grosses courses comme avant. Même comme ça, le sac est lourd. »

    Le bailleur met « tout en œuvre pour régler la problématique dans les meilleurs délais »

    Ce n’est pas la première fois que cette tour de la rue Paul-Verlaine, à l’instar d’autres immeubles du quartier, est confrontée à des pannes d’ascenseur. Plus que ces problèmes, c’est surtout le manque de réponse claire de la part du bailleur LogiRep qui agace les habitants. « J’ai appelé plein de fois sans réponse, témoigne une résidente. D’habitude, il y a des pétitions, des choses qui se mettent en place, mais comme c’est les vacances et les gens sont partis, ils ne sont pas pressés pour arranger les choses. »



    Sollicité depuis plusieurs jours par différents habitants, LogiRep, filiale du groupe immobilier Polylogis qui détient plusieurs bâtiments au Londeau, n’a communiqué qu’à travers une affiche postée devant les deux ascenseurs de la tour. On peut y lire le message suivant : « Pour information, le nécessaire a été fait. Nous mettons tout en œuvre pour régler la problématique dans les meilleurs délais. » Contacté mercredi par Le Parisien, le bailleur n’avait pas répondu à notre sollicitation à l’heure de publier notre article.

    « On limite nos sorties mais il y a bientôt la rentrée scolaire »

    Sur place ce mercredi matin, une personne vêtue d’un gilet jaune à l’effigie du bailleur était installée au rez-de-chaussée. Son rôle : aider les résidents à porter leurs affaires dans les étages. Mais il n’est disponible que quatre heures dans la journée, de 10 heures à midi et de 16 heures à 18 heures.

    « C’est sympa mais on ne va pas se calquer sur ses horaires, s’agace Maïssa, une habitante du 16e étage. Si je dois faire mes courses après le travail, comment je fais ? En plus, il n’est là que depuis trois jours. Nous, ça fait quinze jours qu’on doit se débrouiller. On limite nos sorties mais il y a bientôt la rentrée scolaire. Je ne sais pas comment je vais faire. »