En Islande, même la Première ministre fait grève pour dénoncer l’inégalité salariale

Pour la première fois depuis 1975, toutes les femmes islandaises sont invitées à cesser toute activité salariale ou domestique ce mardi, une action coup de poing pour dénoncer les écarts de salaire entre les hommes et les femmes.

La Première ministre Katrín Jakobsdóttir fera elle aussi grève ce mardi. AFP/Gints Ivuskans
La Première ministre Katrín Jakobsdóttir fera elle aussi grève ce mardi. AFP/Gints Ivuskans

    Cheffe d’État en grève. En solidarité avec les femmes islandaises, la Première ministre Katrín Jakobsdóttir va elle aussi cesser de travailler ce mardi, dans le cadre d’une journée nationale de grève des femmes, note The Guardian. « Je ne travaillerai pas et je m’attends à ce que toutes les femmes ici en fassent autant », a-t-elle confirmé au journal local Morgunblaðið.

    Les femmes et personnes non-binaires sont appelées à ne pas travailler dans le cadre du « kvennafrí », la journée nationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Le but est de ne pas effectuer de travail salarié ou domestique pour « démontrer l’importance de leur contribution dans la société ».

    Un mouvement lancé en 1975

    Cette journée puise son origine dans une grève historique des femmes qui avait eu lieu le 24 octobre 1975. Ce jour-là, 90 % des Islandaises avaient refusé de travailler pour souligner « le travail indispensable des femmes dans la société et l’économie islandaise ».

    Le but ? Montrer que sans les femmes, la société ne pouvait pas fonctionner et que leur travail devait être reconnu à sa juste valeur, alors qu’elles ne gagnaient que 60 % du salaire d’un homme à poste équivalent en moyenne. Ce mouvement a été le point de départ d’une vaste réforme sociale et une loi pour garantir l’égalité salariale a été votée l’année suivante.

    Depuis, le mouvement avait été célébré lors d’anniversaires en 1985, 2005, 2010 et 2016. Mais lors de ces journées, les femmes n’avaient pas fait grève toute la journée, elles avaient plutôt arrêté de travailler à une heure précise, qui évoluait en fonction de l’avancée de leurs droits. Exemple : elles avaient cessé leurs activités à 14h05 en 1985 et à 14h38 en 2016, symbole de la lente progression de l’égalité salariale et des droits des femmes.

    Une journée de grève inédite depuis 48 ans

    Cette édition 2023 marque ainsi le retour d’une journée de grève totale des femmes. La fédération islandaise des travailleurs du service public (BSRB) est ardemment mobilisée pour cette journée. Une quarantaine d’organisations différentes ont déjà annoncé qu’elles prendraient part à la grève, qui a pour slogan « Kallarðu þetta jafnrétti ? », « Tu appelles ça l’égalité ? ».

    À l’hôpital national d’Islande, le Landspital, le personnel compte 80 % de femmes. Face à la grève, l’établissement est d’ores et déjà organisé pour permettre à un maximum d’entre elles de participer. « Nous réduirons les activités que nous pourrons réduire. Bien entendu, nous assurerons tous les services d’urgence, tâches urgentes et opérations chirurgicales urgentes », a souligné Runólfur Pálsson, directeur de l’hôpital, auprès de la télévision publique nationale RÚV.

    Même si l’Islande reste l’un des pays les plus avancés en termes d’égalité femmes-hommes, dans certaines professions les femmes islandaises gagnent encore 21 % de moins que leurs homologues masculins, quand plus de 40 % des femmes ont déjà vécu des violences sexistes ou sexuelles.