INTERACTIF. Nos exercices et nos recettes antidéprime

    LE FAIT DU JOUR. Se faire du bien pour aller bien ! Un professeur de psychiatrie, qui nous dévoile tous ses conseils, a mis au point une méthode pour combattre la déprime au quotidien.

    INTERACTIF. Nos exercices et nos recettes antidéprime

      La France a longtemps été le plus gros consommateur d'antidépresseurs au monde. Et si les statistiques s'étaient améliorées ces dernières années, ce n'est pas la séquence épouvantable que le pays vient de vivre qui va nous guérir de notre légendaire sinistrose collective. D'ailleurs, combien d'entre nous vont encore soupirer, stresser et s'énerver en ce jour de grève et de grand bazar prévisible ?

      Et pourtant, c'est un éminent médecin français qui l'affirme : nous confondons trop souvent déprime et dépression, et surtout, considérons à tort cette déprime comme une fatalité nationale contre laquelle l'individu ne peut rien. Le professeur Michel Lejoyeux â?? ça ne s'invente pas, il en rit lui-même â??, professeur de psychiatrie à l'université Denis-Diderot et chef de service à l'AP-HP, le clame : « La moitié de mes patients déprimés repartent de ma consultation sans médicament. Parce que ce qu'il leur faut, c'est juste un changement : apprendre à entretenir leur bonne humeur comme ils entretiennent leur corps. » Dans son livre qui vient de sortir, « Tout déprimé est un bien portant qui s'ignore », il rend à sa manière hommage aux philosophes et aux coachs de la pensée positive qui, en pionniers, se sont faits chantres du « on peut choisir d'aller mieux ».

      Bichonner son moral

      Le psychiatre a compilé des dizaines d'études scientifiques pour en arriver à cette conclusion réjouissante : « Il existe une médecine préventive pour l'esprit », peu coûteuse, pleine de bon sens et accessible à chacun d'entre nous, bref, il faut se faire du bien pour aller bien. Sport, musique, alimentation, altruisme, gratitude... Il est temps de considérer comme vital de bichonner son moral. Et c'est d'autant plus une urgence que les Français, peuple de bons vivants globalement heureux, sont tous aussi globalement inquiets et perméables à la noirceur de l'époque, comme le montre le sondage Odoxa, que nous révélons. « Notre meilleure arme, contre la déprime, c'est notre cerveau, rassure Michel Lejoyeux. Il faut oser le bousculer, l'entraîner, le nourrir. Et accepter cette évidence : il n'y a que les robots qui n'ont pas de coups de blues. »

      On sait tous plus ou moins que manger du chocolat, faire du sport et s'exposer au soleil fait du bien au moral. Et que rester coincé dans un bouchon un jour de grève pluvieux a toutes les chances de nous rendre moroses... Ce qu'on ne sait pas, c'est qu'on a tous la capacité de ne pas se laisser « plomber ». Il n'y a pas des humains qui naissent joyeux et d'autres déprimés. A l'exception de rares défaillances métaboliques, nous sommes tous égaux devant la possibilité d'être bien dans sa tête. « Faites confiance aux neurosciences et la bonne humeur finira par avoir le dessus », nous enjoint Michel Lejoyeux. Il suffit de le choisir, et de faire sien un style de vie qui additionne tous les petits trucs, validés scientifiquement, qui nous font sécréter de la sérotonine, l'hormone de la bonne humeur. Même si certains de ces trucs semblent simples ou farfelus.

      1. Jouez de votre cortex et de votre grelot

      On a tous deux cerveaux : l'un profond, le grelot, qui produit des émotions. l'autre, son écorce, le cortex, qui produit la réflexion. « Il faut savoir qu'ils ne s'activent jamais simultanément, explique le psychiatre. On ne peut pas être submergé d'émotions et raisonner en même temps. » Autant il faut s'autoriser à n'être qu'émotions dans un moment délicieux, autant, quand l'émotion est trop douloureuse, il faut réfléchir, relativiser, pour en stopper net le flot. « La neuro-imagerie le prouve très bien : si l'on montre à quelqu'un une image triste, il active son grelot. Si on lui demande en même temps de compter les personnes sur la photo, il active son cortex. Cela signifie qu'on peut tous basculer de l'un à l'autre et reprendre le contrôle quand on est trop bousculé. »

      2. Souriez, vous êtes déjà mieux

      Un vrai bon sourire spontané, il n'y a rien de tel. Mais quand tout va de travers... il faut se forcer. Adopter un sourire un peu mécanique au début, faire de la gym faciale devant sa glace. « Parlez en souriant, vous verrez : votre voix va être plus claire, plus posée... ça vaut le coup car le feed-back est extraordinaire », assure le professeur Lejoyeux. Les autres changent d'attitude à votre égard, mais votre propre moral s'en trouve amélioré. « C'est tellement vrai qu'on a découvert que les femmes botoxées, dont le rictus est figé dans un sourire factice, sécrètent plus de sérotonines que les autres ! »

      3. Les cornichons plutôt que le paracétamol

      Avaler un comprimé de Doliprane quand on a mal à la tête, c'est un bon réflexe. Gober tous les jours du paracétamol, « c'est très mauvais pour le foie, mais ça l'est aussi pour la bonne humeur, met en garde le professeur Lejoyeux. A long terme et haute dose, le paracétamol insensibilise, gomme les émotions positives, devient un anti-antidépresseur ! » Mieux vaut manger des oeufs ou des bananes, riches en tryptophane (booster de sérotonine), ou se faire une petite cure de... cornichons. « C'est une découverte très sérieuse, assure le psychiatre. Le cornichon est un psychobiotique, un aliment fermenté qui fait fabriquer de la sérotonine et de la dopamine au... tube digestif ! » Sept cents étudiants américains qui en mangeaient régulièrement se sont révélés avoir des scores au stress plus bas que les autres. Choucroute, yaourts changeraient ainsi notre moral en passant par l'intestin, notre « deuxième cerveau ».

      4. En avant la musique

      Qu'importe laquelle, du moment que vous vibrez : le heavy métal est aussi bon pour le moral qu'une symphonie de Beethoven. « C'est un antidote à la déprime, simple et bluffant, et qui n'a rien d'un placebo, insiste le médecin. Cela a été scientifiquement prouvé : la sonate pour deux pianos K.448 de Mozart a même fait repousser des nerfs abîmés ! » Le temps d'exposition idéal est de cinquante minutes par jour -- un album. Et le professeur Lejoyeux y ajoute un autre dopeur de bien-être tout simple : la verdure. L'herbe, les arbres... « Courir en musique, sans stresser, sans forcer, ça fait du bien. Mais si en plus vous êtes en forêt, alors vous décuplez l'effet. » Un simple yucca sur le bureau fait déjà beaucoup de bien. Et, dans la série « retour aux choses simples », dormez dans l'obscurité complète. Une équipe japonaise vient de montrer que l'on a meilleur moral quand on dort dans le noir.

      5. Fuyez les grincheux

      La France, où le pessimisme collectif est un sport national, compte un certain nombre de mauvais coucheurs. « Il vaut mieux se tourner vers les gens souriants, exprimer notre gratitude à ceux qu'on aime pour s'obliger à verbaliser le positif et ne pas être dans le reproche perpétuel, et surtout faire la différence entre ses propres pensées et une déprime imaginaire collective », insiste le psychiatre. Il est ainsi salutaire de limiter son temps d'exposition aux nouvelles déprimantes. Et de ne jamais oublier qu'il faut entretenir son moral comme une composante de sa santé. « Est-ce qu'on renonce à une mammographie parce qu'on est catastrophé par les résultats des élections ? Non... Donc aucune conjoncture désagréable ne doit nous empêcher de faire les petits exercices qui maintiennent notre bonne humeur à flot. »

      «Tout déprimé est un bien portant qui s'ignore», du professeur Michel Lejoyeux, Ed. Jean- Claude Lattès, 300 pages, 19 â?¬.