Civitas et «remontada» : qui sont les avocats des parents de Vincent Lambert ?

Jérôme Triomphe et Jean Paillot, qui exultaient lundi soir à Paris, se battent pour le maintien en vie de Vincent Lambert. Tous deux sont connus pour leur proximité avec les milieux traditionnels catholiques.

 Jerome Triomphe (à gauche) et Jean Paillot (à droite) ont exulté lundi soir à l’annonce de la reprise des soins de Vincent Lambert.
Jerome Triomphe (à gauche) et Jean Paillot (à droite) ont exulté lundi soir à l’annonce de la reprise des soins de Vincent Lambert. AFP/Kenzo Tribouillard

    Les images des deux avocats exultant lundi comme lors d'un soir de victoire de Coupe du monde, à l'annonce de la reprise des soins de Vincent Lambert, ont fait le tour du Web et des chaînes d'infos. Il faut dire que la scène, une foule en délire autour des défenseurs des parents de l'ancien infirmier tétraplégique, Mes Jérôme Triomphe et Jean Paillot, après une décision de justice qui leur est favorable, et les mots prononcés par l'un d'eux (« c'est une grande victoire, c'est la remontada ») ont de quoi surprendre.

    « C'est la remontada. » La réaction de l'avocat des parents de Vincent Lambert fait polémique

    Pour comprendre ces images, il faut évidemment remonter le fil de l'affaire Vincent Lambert, mais il faut également s'intéresser au profil de ces deux hommes, proches des milieux catholiques traditionalistes, qui défendent depuis mai 2013 les parents de Vincent Lambert et de deux de ses frères et sœurs. Qui sont-ils? Éléments de réponses.

    Jérôme Triomphe, le politique

    « Viviane ! Les pleurs de Vincent n'auront pas été vains ». Lundi soir, les images de Jérôme Triomphe hurlant au téléphone à l'attention de la mère de Vincent Lambert, puis celles de la foule le portant tel un footballeur un soir de victoire ont interpellé les Français.

    L'avocat inscrit au barreau de Paris est bien connu de certains milieux traditionalistes. En 2011, il avait ainsi défendu avec succès un brigadier-chef de la brigade anti-criminalité (Bac) d'Amiens (Somme), accusé d'avoir trinqué aux cris de « Sieg Heil » et d'avoir tenu des propos violemment antisémites et racistes.

    C'est lui aussi qui avait assuré la défense d' Anne-Sophie Leclère, ancienne candidate du Front national aux municipales de 2013 dans les Ardennes. La candidate était jugée pour avoir comparé Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, à un singe. Selon franceinfo, l'avocat a aussi défendu la revue d'extrême droite « Rivarol ».

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    Mais Jérôme Triomphe s'est surtout fait remarquer en défendant des militants de la Manif pour tous dans leur combat contre le mariage homosexuel. En mai 2013, il a fait parler de lui en filmant son altercation devant le palais de justice de Paris avec des policiers qui avaient arrêté des étudiantes aux tee-shirts « anti-mariage pour tous ». Il défend également Civitas, une organisation intégriste qui avait reçu des menaces d'attentat à la bombe.

    L'avocat est également proche de l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne ( Agrif ), une organisation d'extrême droite, dont il est un invité régulier des conférences. En 2013, l'une de ses interventions s'intitulait : « Face à la persécution du totalitarisme socialiste et à la répression policière, le combat de l'Agrif pour les libertés ».

    Jean Paillot, le technicien

    C'est lui qui a eu les mots les plus rudes au moment de prendre le micro devant les foules. « Nous ne nous résignons pas à admettre que Vincent soit assassiné froidement », a-t-il ainsi déclaré lundi soir à la veille de la reprise du traitement de Vincent Lambert. Avant d'asséner : « Nous n'acceptons pas le crime d'Etat que la France est en train de commettre. »

    Spécialiste du droit de la santé, inscrit au barreau de Strasbourg depuis 1992, Jean Paillot a pourtant toujours évité de verser dans l'émotionnel. Ces interviews sont généralement techniques et fondées sur le droit. Mais l'on devine ses inclinations en parcourant les médias où l'avocat a ses habitudes.

    En 2009, bien avant ce que la presse a fini par appeler l'affaire Vincent Lambert, on retrouve Jean Paillot sur le plateau d'une web-télé. Invité de l'émission de « Ze Mag », « le plateau TV où les invités peuvent parler ouvertement de leur expérience avec Dieu », il intervient sur une question de société déjà chérie par les milieux traditionnels : « homosexualité et parentalité ».

    Durant cette émission, l'avocat apporte un éclairage juridique au débat, face à Béatrice Bourges, qui deviendra quatre ans plus tard la fondatrice du Printemps français, l'un des mouvements d'opposition au mariage pour tous. Plus tard, on retrouvera l'avocat dans une conférence argumentant avec calme et sagesse contre la gestation pour autrui ( GPA ).

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    /AFP AFP/Kenzo Tribouillard

    Mais il semblerait que ce soit le débat sur la fin de vie et notamment la loi Leonetti II qui capte particulièrement l'attention de l'avocat ces dernières années. Dans un article publié sous son nom par un site d'actualité catholique, Jean Paillot se positionne ainsi sur l'affaire Bonnemaison, du nom de cet urgentiste acquitté pour avoir abrégé la vie de sept malades en phase terminale. L'acquittement de ce médecin revenait à une « reconnaissance sociale du permis de tuer », écrivait ce professeur de droit de la santé au sein d'un centre d'enseignement universitaire lié à la fondation Jérôme-Lejeune, un organisme de recherche sur la trisomie 21, ouvertement anti-avortement et anti-euthanasie.

    L'avocat n'est pourtant pas seulement animé par la bioéthique. Son autre marotte : l'histoire. Pas étonnant pour un descendant d'un général de Waterloo et d'un soldat de la 1ere guerre mondiale. En 2014, il signait le scénario de « L'Alsace à tout prix », une bande dessinée qui retrace la vie de sa région entre 1914 et 1915.

    En 2017, alors que le camp des parents Lambert pouvait se féliciter d'une nouvelle victoire judiciaire, c'est d'ailleurs avec une référence à un triste épisode de notre histoire que l'avocat s'épanchait auprès de Famille chrétienne : « Pour moi, cette affaire relève de l'affaire Dreyfus ».