Journée des droits des femmes : ce qui a changé (ou pas)

Après la déflagration du scandale Weinstein et du mouvement #MeToo, la Journée des droits de la femme, ce jeudi 8 mars, est l’occasion de revenir sur les lignes qui ont bougé ces derniers mois.

 L’égalité salariale, le partage des tâches à la maison, la lutte contre les violences faites aux femmes...  en cette journée  du 8 mars, retour sur les avancées qui ont déjà marqué l’année.
L’égalité salariale, le partage des tâches à la maison, la lutte contre les violences faites aux femmes... en cette journée du 8 mars, retour sur les avancées qui ont déjà marqué l’année. LP / Photomontage/ Olivier Corsan

    L'affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, dénonçant les violences sexuelles et sexistes dont les femmes sont victimes, ont libéré la parole. Et porté au premier plan de nombreuses inégalités vécues au quotidien.

    Retour sur ces débats et avancées grâce auxquels l'égalité femmes-hommes pourra enfin progresser.

    F comme famille et la charge mentale qui va avec…

    Cette année, on a beaucoup parlé de ce principe de sociologie, datant pourtant des années 1980, que l'on résume aussi par le « syndrome des femmes épuisées ». C'est une BD de la dessinatrice Emma, intitulée « Fallait demander », qui l'a remis au goût du jour et largement popularisé en publiant son travail sur Facebook en mai. Il s'est propagé sur les réseaux sociaux d'une façon telle que l'expression de « charge mentale » est désormais entrée dans le langage commun.

    Derrière le concept, se cache un état de vigilance permanent pour la bonne marche du foyer, qui concerne principalement les femmes avec enfants. Un travail de gestion, qui vient en plus de leur activité professionnelle. Le frigo est-il bien rempli pour la semaine ? Ai-je bien pensé à poser une RTT pour accompagner le petit dernier chez l'orthodontiste ? Mince, j'ai oublié de laver les affaires de sport de l'aînée, ce soir je fais une lessive…

    Selon un rapport de l'INSEE de 2017, les mères ayant un emploi à plein temps prennent en charge 64 % des tâches domestiques et 71 % des tâches parentales.

    E comme écriture inclusive

    Le débat a fait rage sur la dite « écriture inclusive » entre les opposants et les partisans de cette graphie qui prône des règles rendant visible le féminin et le masculin grâce au fameux point médian. Il est intervenu après la parution, aux Editions Hatier, d'un manuel scolaire l'utilisant, destiné aux élèves de CE 2 pour la prochaine rentrée. On peut ainsi y lire : « Grâce aux agriculteur·rice·s, aux artisan·e·s et aux commerçant·e·s, la Gaule était un pays riche ». Si l'initiative a notamment été saluée par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), ce ne fut pas le cas, en revanche, de l'Académie Française.

    En octobre, les Immortels ont ainsi publié une « solennelle mise en garde » contre cette « aberration inclusive » menaçant de « péril mortel » la langue française. Un tollé qui a forcé le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, à prendre position sur le sujet en notant que cela ajoutait « une complexité qui n'est pas nécessaire ».

    Les fers de lance de cette graphie : l'universitaire Eliane Viennot, spécialiste de l'histoire de la langue, et le chercheur Raphaël Haddad, auteur d'un manuel d'écriture inclusive, qui plaident pour son application afin que, contrairement à la règle de grammaire imposée au XVIIIe siècle, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin.

    M comme #MeToo

    C'est, à n'en pas douter, l'onde de choc de l'année : le mouvement de libération de la parole des femmes, dénonçant les violences sexuelles et sexistes dont elles ont pu faire l'objet. Un phénomène d'une telle ampleur qu'il a poussé la société à s'interroger sur des comportements qui, pour certains, étaient jusqu'alors assez bien tolérés. En octobre, l'affaire Harvey Weinstein, du nom du producteur américain accusé de harcèlement, agression et viol par une trentaine de femmes évoluant dans le monde du cinéma, éclate.

    Harvey Weinstein. AFP/Robyn Beck
    Harvey Weinstein. AFP/Robyn Beck LP / Photomontage/ Olivier Corsan

    En France, les répercussions sont retentissantes et délient aussi les langues. Une vague de témoignages de femmes enfle à une vitesse vertigineuse, désignant leur propre Harvey Weinstein sur Twitter, à travers les hashtags #BalanceTonPorc et #MeToo (#MoiAussi). Il prend ici la forme d'un chef de service, d'un collègue, d'un proche… mais les noms d'agresseurs sont très rares. Seule Sandra Muller, la journaliste qui a lancé la première #BalanceTonPorc en témoignant de sa propre expérience de harcèlement, a franchi le pas. Son mot-dièse a enflammé la Toile avec plus de 60 000 tweets en deux jours. Des initiatives qui n'ont pas fait l'unanimité, y compris chez la gent féminine.

    Ainsi, en janvier, une tribune parue dans Le Monde et signée par un collectif de 100 femmes, dont l'actrice Catherine Deneuve et l'auteure Catherine Millet, y défend une « liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle ». Initiée par la psychologue et psychanalyste Sarah Chiche, le texte fustige « le puritanisme » et la « campagne de délations » qu'a entraînés, selon ses auteures, l'affaire Weinstein. Un mois après la révélation de ce scandale, il a été constaté que les plaintes pour violences sexuelles avaient augmenté de 30 %, ainsi qu'une recrudescence des appels au 39.19, le numéro d'écoute national destiné aux femmes victimes de violences.

    M comme « Manspreading », « manterrupting », « mansplaining »…

    Cette année a vu fleurir une kyrielle de notions pour qualifier des comportements qui relèvent du sexisme ordinaire. Le « manspreading », autrement dit l'étalement masculin, est particulièrement observable dans les transports en commun. C'est l'usager qui s'assoit toutes jambes écartées, occupant bien plus que la taille d'un siège sans égard pour sa voisine. Une occupation de l'espace public qui passe mal, à tel point que certaines femmes ont posté sur les réseaux sociaux des photos d'elles faisant du « womanspreading ». Une initiative pour inciter la RATP à prendre des mesures contre cette posture masculine.

    C'est déjà le cas à l'étranger. Ainsi, après New York, Tokyo et Séoul, Madrid, la capitale espagnole a pris des dispositions, l'été dernier, contre cela. Depuis, un picto s'affiche dans les transports en commun demandant aux hommes de respecter l'espace public. Le manterrupting dénonce, lui, la tendance des hommes à couper la parole aux femmes. Celui-ci est parfois suivi de mansplaining. Concrètement : en réunion, une femme déroule son argumentaire, elle n'est pas dans la difficulté pour expliquer son propos et pourtant, un collègue prend la parole sans attendre la fin de son intervention (manterrupting), ce dernier se croit en devoir d'expliquer à cette femme (et donc aussi aux autres), ce qu'elle sait déjà, généralement de façon paternaliste et/ou condescendante (mansplaining).

    E comme égalité

    Consentement, harcèlement de rue, délai de prescription… Un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles se dessine pour poser un interdit sociétal et judiciaire contre ces agissements. Objectif : une adoption du texte avant l'été. A la manœuvre, la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, mais aussi les ministres Gérard Collomb (Intérieur) et Nicole Belloubet (Justice). « On a sifflé la fin d'une forme de tolérance », jugeait d'ailleurs dans le Parisien, le 17 octobre, Marlène Schiappa.

    Marlène Schiappa./LP/ Arnaud Journois
    Marlène Schiappa./LP/ Arnaud Journois LP / Photomontage/ Olivier Corsan

    Trois volets principaux ont été identifiés : la verbalisation de l'outrage sexiste (terme préféré à celui de harcèlement de rue) qui s'oriente vers une amende de 90 € (pouvant aller jusqu'à 750). Exit les agissements comme suivre une femme dans la rue, bloquer son passage, faire des commentaires sur son physique… l'injure et l'agression sexuelle étant déjà sanctionnées par le Code pénal.

    Vient ensuite l'allongement des délais de prescription des crimes sexuels commis sur mineurs qui pourrait passer de 20 à 30 ans à partir de la majorité, enfin la création d'un âge minimal, d'un seuil de présomption de non-consentement pour les enfants qui devrait s'établir à 15 ans. Du côté de l'égalité salariale, ça bouge aussi. Le Premier ministre a présenté mercredi un plan d'action pour réduire en trois ans l'écart salarial entre hommes et femmes qui oscille entre 9,9 %, 26 % et 30 % selon les indicateurs retenus, en défaveur de ces dames.

    Parmi les mesures présentées : intensifier les contrôles de l'Inspection du travail pour que, enfin, à travail égal, salaire égal.

    S comme Simone

    Il est des prénoms qui sont associés à l'avancée de la cause des femmes en particulier et donc à celle de l'égalité en général. Simone est l'un d'eux. Mais comme une femme ne se résume pas à son prénom, nommons madame Simone Veil dont les cendres seront transférées, avec celles de son époux Antoine, au Panthéon le 1er juillet. Soit, un an après son décès le 30 juin 2017 à l'âge de 89 ans. À ce jour, seules quatre femmes — sur 76 — sont inhumées dans la nécropole du quartier Latin sous la devise, inscrite au fronton « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » : Sophie Berthelot, Marie Curie, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz. « J'ai décidé, en accord avec la famille, que Simone Veil reposerait, avec son époux, au Panthéon », avait déclaré Emmanuel Macron, en juillet dernier, lors de l'hommage national rendu aux Invalides.

    Simone Veil. AFP Archives
    Simone Veil. AFP Archives LP / Photomontage/ Olivier Corsan

    Au lendemain du décès de l'ancienne ministre de la Santé, de nombreuses voix s'étaient en effet élevées pour demander l'entrée au Panthéon de cette Européenne convaincue. L'association Politiqu'elles avait notamment lancé une pétition dans ce but. « Elle a porté courageusement une loi qui a fait sortir des milliers de femmes de la clandestinité de l'IVG. Simone Veil, pour sa vie et son parcours de survivante de la Shoah, d'avocate pour les droits des femmes et d'Européenne mérite le Panthéon », pouvait-on lire dans l'appel aux signatures, qui en a déjà fédéré plus de 140 000.

    Simone Veil était aussi une femme de lettres et auteure d'une autobiographie, intitulée Une Vie. Le 18 mars 2010, elle fait d'ailleurs son entrée à l'Académie Française. En 300 ans d'Histoire, Simone Veil est la 6e femme à siéger dans cette institution littéraire peu encline à l'ouverture aux femmes. Encore une révolution dont elle est à l'initiative.