Procès du « violeur de Tinder » : comment se protéger sur les applications de rencontre

Le procès pour viols et agressions sexuelles de Salim Berrada, accusé par 17 femmes principalement rencontrées sur des applications de rencontre, s’est ouvert ce lundi dans la capitale. Le Parisien a demandé à différents experts comment utiliser ces outils numériques le plus sereinement possible.

Les spécialistes recommandent par exemple de créer un compte avec une adresse e-mail qui ne renseigne pas son nom de famille, ou encore de ne pas divulguer sa date de naissance exacte. (Illustration) AFP/Aamir QURESHI
Les spécialistes recommandent par exemple de créer un compte avec une adresse e-mail qui ne renseigne pas son nom de famille, ou encore de ne pas divulguer sa date de naissance exacte. (Illustration) AFP/Aamir QURESHI

    Un procès particulièrement scruté par les utilisatrices des applications de rencontre. Un ancien photographe de mode comparaît devant la cour criminelle de Paris depuis ce lundi, et jusqu’au 29 mars. Salim Berrada, 38 ans, est accusé par 17 femmes, principalement rencontrées sur ces applications destinées à trouver un ou une partenaire, de viols et d’agressions sexuelles. Surnommé « le violeur de Tinder », le mis en cause évoque quant à lui des relations consenties.



    Cette affaire, bien que hors-norme par la sérialité et la gravité des faits rapportés, ne surprend que peu la sociologue du numérique Jessica Pidoux. Cette enseignante à l’Université de Neuchâtel, en Suisse, a travaillé sur l’algorithme de l’application de rencontre la plus téléchargée au monde et a constaté qu’il existait des victimes de violences sexuelles ou sexistes. « Si ça se produit, c’est parce que Tinder n’arrive pas à mettre en place des mesures de protection efficaces pour ses usagers », avance-t-elle.

    Un e-mail sans nom de famille

    « Il est facile de créer faux profils », déplore ainsi la sociologue, qui appelle à l’instauration d’un système de vérification hybride, à la fois systématisé mais avec une validation humaine, pour davantage d’efficacité. Dans le dossier Salim Berrada, le photographe avait ainsi supprimé à plusieurs reprises son compte sur Tinder avant d’en créer de nouveaux sous de fausses identités. Contactée par Le Parisien, l’application affirme avoir « agi rapidement » dans cette affaire, avec un bannissement « à chaque fois [qu’elle a été] informée de l’existence d’un compte associé » au mis en cause.

    En attendant l’amélioration des outils de rencontre en ligne, le spécialiste de la cybersécurité Benoît Grunenwald chez Eset (logiciels de protection), recommande aux femmes présentes sur les applications de s’interroger « sur le bon moment pour donner ses véritables informations personnelles » à la personne rencontrée virtuellement. Il recommande ainsi de créer un compte avec une adresse e-mail qui ne renseigne pas son nom de famille, ou encore de ne pas divulguer sa date de naissance exacte. Benoît Grunenwald préconise par ailleurs d’utiliser le plus longtemps possible les outils conversationnels propres aux applications pour pouvoir, en cas de problème, signaler l’utilisateur. Une recommandation complétée par Jessica Pidoux, qui conseille de tout de même prendre contact avec son interlocuteur sur un second canal de communication, pour garder une trace de son existence si celui-ci décide de supprimer son compte sur l’application de rencontre.

    Se retrouver dans des lieux publics

    Une fois les premiers messages envoyés, la vigilance ne doit pas s’éroder au moment de rencontrer la personne dans la vraie vie. Match Group, la société mère de Tinder, a publié son Guide des rencontres saines, réalisé en partenariat avec une organisation de lutte contre les violences sexuelles. Il y est recommandé de toujours tenir au courant des détails du rendez-vous fixé à ses proches, et de privilégier les rencontres dans des lieux publics.

    Ynaée Benaben est la cofondatrice de l’association féministe En avant toute(s). Elle rappelle que l’espace numérique est avant tout une prolongation de ce qui se passe dans l’espace physique, et n’est donc pas neutre. « Les femmes ne s’y sentent pas en sécurité et les applications sont contraintes d’avoir recours au marketing pour les faire venir », détaille-t-elle. Au quotidien, les jeunes filles avec qui Ynaée Benaben échange et celles qui témoignent de manière anonyme sur le tchat national d’aide aux victimes de violences sexistes et sexuelles Commentonsaime.fr, rapportent y subir des propos injurieux, des propos à caractère sexuel, ou encore recevoir des images sexuelles non sollicitées sur certains canaux.

    Pas de sentiment de « dette »

    La militante féministe appelle les jeunes femmes à la prudence, notamment « si la personne fait douter de soi ou encore fait se sentir mal à l’aise ». Au quotidien, elle conseille aux femmes d’avoir conscience de leur désir et de se détacher du sentiment de dette qui leur a été inculqué : « Elles ne doivent rien à personne et ne sont pas là pour faire plaisir. »

    En attendant ce changement profond de paradigme, le procès, très médiatique, de Salim Berrada, mis en cause par 17 femmes, va-t-il permettre un changement législatif ? C’est ce que dessine Tinder, qui annonce au Parisien avoir « entamé un dialogue avec le ministère de la Justice et des parlementaires sur les leviers d’amélioration de la législation ». Le but des discussions en cours est notamment de « doter le système judiciaire de meilleurs outils pour lutter contre le recours par des auteurs présumés de violences sexuelles répétées aux plateformes en ligne », déroute l’entreprise. « La sécurité de nos utilisateurs est une priorité absolue, et nous ne tolérons ni les abus et ni les acteurs malveillants sur notre plateforme », martèle l’application, qui espère ne plus connaître de « violeurs de Tinder ».