Rentrée 2019 : Blanquer joue la carte de l’apaisement

Après une fin d’année agitée, le ministre, qui fera ce mardi sa troisième rentrée, multiplie les efforts pour ramener le calme dans les rangs de l’Éducation nationale.

 Jean-Michel Blanquer, ici le 21 août dernier, fait sa rentrée ce mardi.
Jean-Michel Blanquer, ici le 21 août dernier, fait sa rentrée ce mardi. LP/Arnaud Journois

    Dans le solennel amphithéâtre de la Sorbonne, ce jeudi, Jean-Michel Blanquer digresse depuis déjà un moment. Aux recteurs d'académie et hauts fonctionnaires de l'Éducation nationale, venus comme chaque fin août prendre leurs consignes avant la rentrée, il parle de petits oiseaux.

    « Ça y est, l'Éducation nationale n'est plus un mammouth, c'est un peuple de colibris », s'enthousiasme-t-il, faisant sienne la parabole chère au philosophe de la décroissance Pierre Rabhi, pour qui la révolution (écologiste) ne viendra pas d'un homme providentiel mais de milliers de bonnes volontés.

    La référence plus qu'inattendue à un héraut de la gauche alternative n'était pas préparée. « L'idée, assure-t-on dans son entourage, c'est qu'avec 12 millions d'élèves et un million de personnels, ce ministère a les moyens de faire bouger réellement la société. »

    Le développement durable à l'école

    La métaphore du colibri vaut pour le développement durable à l'école, l'un des thèmes que le ministre devrait mettre en avant ce mardi, lors de sa conférence de presse de rentrée. Elle dit aussi qu'après deux ans à se forger une réputation de fonceur sourd et sûr de son fait, Blanquer le fan de foot veut donner le sentiment de jouer plus collectif.

    En défense? « Ce qu'il a de mieux à faire maintenant, c'est une pause : à vouloir aller trop loin dans les réformes on se brûle les ailes », estime Jacques Grosperrin, sénateur (LR) du Doubs, qui a ferraillé à ses côtés au printemps pour défendre certaines dispositions de sa loi « École de la confiance ».

    « S'il veut que ses politiques fonctionnent, il va devoir avoir des relations plus proches avec la communauté éducative, relève le même. Les chefs d'établissements se plaignent d'être oubliés, d'être toujours informés les derniers. »

    Rassurer. La consigne passée par l'Élysée pour l'acte 2 du quinquennat a été comprise 5 sur 5. « Il y a un changement de ton évident, constatait ce lundi matin Regis Metzger, co-secrétaire général du principal syndicat des professeurs des écoles, le SnuiPP, au sortir d'une réunion avec le ministre. On a eu deux heures de réunion, on nous a présenté des documents… Il y a une volonté très claire de faire de la pédagogie. »

    À ceux qui défilent dans son bureau, le ministre, de retour de vacances en Bretagne et d'un déplacement à la Réunion, présente l'humeur primesautière d'un plaisancier qui aurait le cap Horn dans le dos.

    Une rentrée à hauts risques

    La tempête, il l'a essuyée en juin et juillet lors du mouvement de rétention des notes du bac mené par une partie des enseignants hostiles à sa réforme du lycée. Le bras de fer, inédit par sa dureté, a laissé des traces. Certains promettent de reprendre le combat dès les emplois du temps distribués, la semaine prochaine.

    Au primaire aussi, « les enseignants sont très déterminés et extrêmement attentifs : les premières paroles du ministre seront décryptées », anticipe la porte-parole du SnuiPP, Francette Popineau, méfiante vis-à-vis d'un ministre « qui pense connaître l'école mieux que les enseignants eux-mêmes ».

    « Cette rentrée est à risques, oui, d'autant plus que sur beaucoup de sujets, on ne sait pas comment vont s'organiser les choses, il y a beaucoup d'incertitudes », affirme Paul Devin, le secrétaire général du syndicat des inspecteurs de l'Éducation nationale (SNPI-FSU), particulièrement inquiet de la mise en œuvre « sans visibilité » de la réforme de la prise en charge des élèves en situation de handicap, autre nouveauté de la rentrée.

    Dans le brouillard, le monde enseignant ? Rue de Grenelle, on préfère regarder les coins de ciel bleu. Les dédoublements de toutes les classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire seront achevés en cette rentrée, à l'exception notable de la Seine-Saint-Denis où la mesure ne sera effective que dans un an.

    Des discussions sur la rémunération des profs

    Sur le front du lycée, promesse a été faite aux syndicats de créer en septembre un comité de suivi de la réforme des enseignements et du bac. « Il sera composé d'une vingtaine de membres, les parents d'élèves et lycéens n'en feront pas partie mais seront auditionnés », a compris une source syndicale enseignante, pas certaine que cet atout suffise à rassurer.

    Blanquer en a d'autres dans sa manche, à commencer par le chantier de la rémunération des professeurs. Les discussions sur le sujet commencent.

    L'idée de fusion d'écoles et de collèges dans des établissements uniques, qui avait jeté parents et enseignants dans la rue au printemps ? Même si deux rapports de l'inspection générale sur le sujet, publiés tout récemment, soulèvent un nuage de craintes, il est « peu probable » que le sujet revienne par la fenêtre, glisse un connaisseur des dossiers scolaires.

    De même, la perspective d'une réforme du brevet des collèges s'évapore. Elle avait pourtant été évoquée par le ministre lui-même, à la surprise générale, au détour d'une audition parlementaire. « Il s'agira plutôt d'ajustements, recadre un conseiller, et pas avant 2021 dans tous les cas. »

    Quant à la refonte de l'éducation prioritaire, sujet hautement sensible en règle général, et plus encore sous les gouvernements apparentés à droite, il n'est pour l'instant question que d'un rapport, prévu pour l'automne. La réserve imposée aux ministères à l'approche des municipales de mars arrivera rapidement ensuite : pas question d'ouvrir à ce moment-là une nouvelle boîte de Pandore.