Affaire abbé Pierre : des évêques savaient « dès 1955-57 », affirme le président des Évêques de France

L’abbé Pierre, décédé en 2007, est visé par des accusations de violences sexuelles commises entre les années 1950 et 2000.

De nouveaux témoignages ont été rendus publics, début septembre, sur des faits gravissimes pouvant pour certains s’apparenter à des viols ou concernant des mineures. Mychele DANIAU
De nouveaux témoignages ont été rendus publics, début septembre, sur des faits gravissimes pouvant pour certains s’apparenter à des viols ou concernant des mineures. Mychele DANIAU

    Petit à petit, les langues se délient. « Il est désormais établi que, dès 1955-1957, quelques évêques au moins ont su que l’abbé Pierre avait un comportement grave à l’égard des femmes », a reconnu Éric de Moulins-Beaufort, le président de la conférence des Évêques de France (CEF) dans un entretien accordé au Monde, ce lundi 16 septembre.

    Depuis juillet dernier, l’abbé Pierre, décédé en 2007, est visé par des accusations de violences sexuelles commises entre les années 1950 et 2000. De nouveaux témoignages ont été rendus public, début septembre, sur des faits gravissimes pouvant pour certains s’apparenter à des viols ou concernant des mineures.

    Un comportement connu du Vatican

    Un comportement visiblement connu dès 1955 par plusieurs évêques. À l’époque, « des mesures ont été prises, dont une cure psychiatrique » et la désignation d’un adjoint (dit « socius ») dont le fondateur d’Emmaüs s’est visiblement « ingénié à tromper » la « surveillance », a précisé Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort. Ces mesures représentent « une réaction forte au regard des manières de faire de ce temps », souligne Mgr de Moulins-Beaufort.

    Par ailleurs, dans ce texte, il « réaffirme le travail de l’Église en France pour que la vérité soit faite sur les faits d’agressions et de violences sexuelles, comme aussi sur les faits d’emprise spirituelle, et pour revoir ses fonctionnements ». Emmaüs a, depuis ces révélations, lancé une commission d’enquête et l’Église a ouvert ses archives.

    Dans sa tribune, Éric de Moulins-Beaufort « forme aussi respectueusement le vœu que le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su », après des propos du pape vendredi affirmant que le Vatican était au courant des accusations de violences sexuelles visant l’abbé Pierre, au moins depuis sa mort en 2007.

    « Personnalité préférée des Français » dans les années 1990

    L’archevêque de Reims souligne aussi que « l’on savait, au moins dans certains cercles d’Emmaüs, l’abbé Pierre étant encore vivant, qu’il devait être surveillé parce qu’il était dangereux pour les femmes qui s’approchaient de lui ».

    Notant que de nombreux films et ouvrages ont été consacrés à l’abbé Pierre, qu’il a même été consacré « personnalité préférée des Français » dans les années 1990, Monseigneur de Moulins-Beaufort souligne qu’aucune victime n’avait souhaité parler à l’époque. « Désormais, elles le font » à travers plusieurs cellules d’écoute ou instances de réparation mises en place par l’Église. « C’est un immense progrès social », assure l’ecclésiastique qui promet aux victimes de l’abbé Pierre sa « détermination à ce que leur parole produise un effet ».

    Dans sa tribune, Mgr de Moulins-Beaufort note aussi que « par choix personnel, l’abbé Pierre a presque toujours vécu à distance de tout cadre proprement ecclésial » et que « mettre en cause l’Église et le célibat sacerdotal n’est pas à la hauteur » de l’enjeu de société que représentent les violences sexuelles.