Cancer du sein : des soins en horaires décalés pour travailler malgré la maladie

En Seine-et-Marne, un Institut propose des soins à 8 heures à 20 heures pour soigner celles qui, comme Emmanuelle, veulent continuer à travailler malgré le cancer.

 Emmanuelle arrive à 8h du matin à l’hopital pour subir une séance de radiothérapie et pouvoir aller travailler à un horaire presque « normal ».
Emmanuelle arrive à 8h du matin à l’hopital pour subir une séance de radiothérapie et pouvoir aller travailler à un horaire presque « normal ». LP/Olivier Corsan

    Le soleil dort encore lorsque Emmanuelle, volumineuse écharpe autour du cou, entre par les immenses portes vitrées du Grand hôpital de l'Est francilien à Jossigny (Seine-et-Marne). La quadragénaire en ressort 40 minutes plus tard, à 8h40, pour se rendre à son travail de programmatrice d'automates. Elle y arrive ainsi à l'heure « presque » normale, mais contrairement aux habitudes, elle n'a pas emmené ses deux ados au collège afin de recevoir la dose de rayons qui vont mettre KO le cancer logé dans son sein gauche.

    « Faire ma radiothérapie tôt me permet d'aller au boulot, de ne pas cogiter sur la maladie et peut être aussi de la dédramatiser. A mon âge, on n'a ni le temps ni la place pour avoir un cancer, mais il a bien fallu faire avec », lance-t-elle, voix énergique, yeux verts déterminés sous ses lunettes noires.

    Si l'Institut de cancérologie de Seine-et-Marne (ICSM) où Emmanuelle est suivie propose des horaires décalés - de 8 heures à 20 heures, voire plus tard - pour permettre aux femmes jeunes qui ont un cancer de ne pas (trop) perturber leurs vies familiale et professionnelle, cela est loin d'être la norme. Alors, nous le révélons, en ce mois Octobre rose, des associations voient rouge et dénoncent « l'offre de soin inadaptée » à ces patientes de 30, 35, 40 ans, de plus en plus nombreuses à être victimes de la maladie. Aujourd'hui, un sixième des 59 000 nouveaux cas de cancers du sein concernent les moins de 50 ans, nous confirme-t-on à l'Inca.

    « Je ne sais pas si c'est parce que moi aussi je vieillis, mais mes patientes me paraissent de plus en plus jeunes, constate le docteur Jessica Selz, 37 ans à peine. Nous en recevons beaucoup entre 35 et 45 ans, avec des enfants en bas âge, une carrière, des activités. Le médical est une chose, mais il y a aussi la réalité de leur vie. Nous faisons en sorte que l'organisation des soins puisse concilier ces deux aspects, c'est aussi de notre responsabilité », reprend la cancérologue.

    Récemment, elle a rédigé et édité un émouvant livret permettant aux petits de mieux comprendre la radiothérapie de leur maman. Dans les couloirs de l'hôpital, des rubans roses, des dessins de soutien-gorge, une affiche vantant « les super héroïnes » parcourent les murs.

    «Ne pas arrêter le travail m'a aidé à garder le moral»

    En 10 minutes à peine, derrière une série d'écrans, Francine et Yoan ont terminé de dispenser ses rayons à Emmanuelle. Ce vendredi matin là, ce n'est « que » sa troisième séance. Ils la verront ainsi, pendant deux mois, quatre fois par semaine.

    Pour poursuivre son travail d'architecte, Morgane, 31 ans aujourd'hui, avait, elle, choisi une radiothérapie en horaires tardifs, à 20 heures. En 2015, elle a soigné ici même le cancer diagnostiqué sur son sein droit. « J'avais 27 ans, un projet de grossesse que j'ai dû reporter et qui est encore aujourd'hui suspendu jusqu'à la fin de mon traitement dans deux ans. Le coup a été vraiment dur à encaisser, mais ne pas être obligée d'arrêter tout de suite le travail (NDLR : elle l'a fait plus tard) à cause de radiothérapies programmées au milieu de la journée m'a aidé à garder le moral. »

    La jeune femme a ensuite eu du mal à faire accepter le télétravail à son entreprise « un peu vieille école ». Alors Morgane joint sa voix à celles qui demandent une réelle adaptation sociétale, médicale et de l'entreprise aux jeunes patientes pour « ne pas avoir collé au front, dit-elle, un statut de femme malade dont on se passerait bien ».