Formule 1 : drame, politique, scandale... les Grand Prix passés au crible

À l’occasion du 1000e Grand Prix de l’histoire disputé ce week-end en Chine, nous nous sommes penchés sur les courses les plus marquantes. Florilège.

 En 2002, Rubens Barrichello laissa passer volontairement Michael Schumacher, de la même écurie, devant lui. Ce qui fit scandale.
En 2002, Rubens Barrichello laissa passer volontairement Michael Schumacher, de la même écurie, devant lui. Ce qui fit scandale. AFP/Toshifumi Kitamura

    Le Grand Prix de Shanghai de Formule 1 aura lieu dimanche et sera le 1000e de l'Histoire. L'occasion de revenir sur plusieurs courses qui ont marqué l'histoire de la catégorie reine du sport automobile.

    Le plus extrême : Grand Prix d'Allemagne

    1er août 1976 – Circuit du Nürburgring

    Il est des rivalités mythiques qui ont marqué les esprits du grand public au XXe siècle. Le film « Rush » de Ron Howard a ailleurs immortalisé ce duel sur grand écran. Celle opposant Niki Lauda et James Hunt en fait clairement partie. La saison 1976 démarre fort pour le pilote autrichien de Ferrari, Niki Lauda, champion du monde l'année précédente. Il s'est octroyé une confortable avance sur ses concurrents directs au classement et en particulier sur James Hunt, un Britannique aux allures de play-boy aux commandes de la McLaren.

    Le 1er août 1976 a lieu le Grand Prix d'Allemagne au Nürburgring, circuit le plus dangereux du monde, qui constitue un véritable tournant dans la saison. Au deuxième tour, sur une piste trempée, le pilote autrichien perd le contrôle, percute une barrière et voit sa monoplace s'embraser totalement. Il restera prisonnier des flammes plus d'une minute avant d'être délivré. Les brûlures au visage et l'inhalation de vapeurs toxiques laissent présager le pire.

    C'est néanmoins dans la stupeur générale qu'on voit, un mois et demi plus tard, l'Autrichien sur la grille de départ du Grand Prix d'Italie, qu'il terminera héroïquement à la quatrième place. Hunt ayant rattrapé son retard pendant la convalescence de son rival, le championnat du monde se joue finalement au Grand Prix du Japon, le dernier de la saison. Le Britannique décroche le titre sur le fil avec un seul point d'avance sur le pilote Ferrari.

    Le plus dramatique : Grand Prix de Saint-Marin

    1er mai 1994 – Circuit Enzo e Dino Ferrari

    C'est une date que les moins de 20 ans ne connaissent peut-être pas, mais qui marque à ce jour l'un des plus grands drames de l'histoire des sports automobiles : le décès du pilote brésilien Ayrton Senna. Le triple champion du monde était âgé de 34 ans. C'est au sixième tour, alors qu'il menait la course, que sa colonne de direction s'est rompue, entraînant une sortie de piste fatale.

    Ce drame eut pour conséquence directe la remise en cause radicale des normes de sécurité pour mieux protéger les pilotes et renforcer les monoplaces. On n'eut à déplorer aucun mort en course pendant vingt ans, jusqu'à la tragique disparition du français Jules Bianchi le 17 juillet 2015, au Japon, des suites d'une sortie de route.

    Le plus court : Grand Prix d'Australie

    3 novembre 1991 – Circuit d'Adélaïde

    Le Grand Prix d'Australie 1991 marque la fin d'une saison mouvementée et d'un championnat remporté par le Brésilien Ayrton Senna, face une Scuderia Ferrari extrêmement décevante. Cette édition reste à ce jour la plus courte de l'histoire de la Formule 1.

    Alors que les qualifications ont eu lieu sous un soleil radieux, c'est bien sous des trombes d'eau et un orage dantesque que les pilotes débutent la course. Tandis que Senna, en pole position, entame parfaitement son Grand Prix, derrière c'est un véritable festival de crashes et d'abandons.

    Devant une telle hécatombe, les commissaires décident d'agiter le drapeau rouge, synonyme de fin de course, au bout de seulement… seize tours. Le classement est alors gelé et Senna remporte donc la course.

    Le plus disputé : Grand Prix d'Espagne

    21 juin 1981 – Circuit de Jamara

    1 seconde et 231 millièmes, c'est le temps qui sépare le 5e et Gilles Villeneuve, vainqueur héroïque du Grand Prix d'Espagne 1981, au terme d'une course haletante. Villeneuve s'est qualifié seulement 7e, mais récupère habilement la tête de la course après une erreur de l'Australien Jones et des dépassements audacieux dans les premiers tours.

    Le Canadien compense la tenue de route calamiteuse de sa voiture par une maîtrise des courbes épatante et par la puissance de son moteur turbo, lui permettant ainsi de s'offrir une sixième victoire dans sa carrière. À noter qu'il s'agit là de la dernière du père de Jacques avant sa mort tragique aux qualifications du Grand Prix de Belgique en 1982.

    Le plus scandaleux : Grand Prix de Singapour

    28 septembre 2008 – Circuit urbain de Singapour

    C'est la première fois, ce dimanche 28 septembre 2008, qu'un Grand Prix de Formule 1 a lieu à Singapour. Au 14e tour de piste, Nelson Piquet Jr vient percuter un mur, obligeant la safety car à sortir pour permettre de dégager la piste des nombreux débris. La conséquence : Fernando Alonso, coéquipier de « Nelsinho » chez Renault, profite de la situation et remporte la course.

    Dix mois plus tard, le scandale est révélé au grand jour. Le pilote brésilien assure avoir reçu l'ordre de son écurie de provoquer son propre accident et ainsi mettre des vies en danger pour permettre au double champion du monde de gagner le Grand Prix. Le directeur de l'écurie Flavio Briatore fut radié à vie du monde de la Formule 1.

    Le plus controversé : Grand Prix d'Autriche

    12 mai 2002 – Circuit de Spielberg

    Quand certains Grand Prix mythiques ont permis de sublimer la Formule 1 à travers les âges, d'autres en revanche l'ont salie lamentablement. C'est le cas du Grand Prix d'Autriche 2002 qui voit s'imposer les deux pilotes Ferrari, Michael Schumacher (1er) devant Rubens Barrichello (2e).

    Alors que ce dernier menait la course de bout en bout, il reçoit l'ordre par radio de son team manager Jean Todt de céder sa place à son coéquipier allemand, mieux placé au championnat des pilotes. Le Brésilien s'exécuta et ralentit juste avant le drapeau à damiers pour permettre à « Schumi » de le dépasser.

    Le plus novateur : Grand Prix de France

    1er juillet 1979 – Circuit de Dijon-Prenois

    En 1977, le constructeur français Renault débarque en Formule 1 avec une monoplace jaune et noire, la RS01, un pilote, Jean-Pierre Jabouille, mais surtout un nouveau moteur révolutionnaire : le V6 Turbo. C'est la première fois qu'un moteur turbocompressé est utilisé en F1. Il n'est pas fiable, mais a l'avantage de consommer beaucoup moins que les autres moteurs.

    La monoplace est très vite rebaptisée par les Britanniques The Yellow Teapot (la théière jaune), en référence à ses panaches de fumée blanche laissés derrière elle, dus à la non-fiabilité de son moteur. Ses débuts sont poussifs, mais en 1979, à l'occasion du Grand Prix de France, Jabouille décroche la première victoire d'une Renault après avoir obtenu la pole position la veille. Son coéquipier René Arnoux finit la course à la troisième place.

    Le plus rocambolesque : Grand Prix de Cuba

    24 février 1958

    En plus d'être le théâtre de la mort tragique de sept spectateurs percutés par une Ferrari, le Grand Prix de Cuba 1958 fut marqué par un événement aussi malheureux qu'inédit : l'enlèvement par des partisans de Fidel Castro de l'illustre Juan Manuel Fangio, champion du monde et véritable égérie de la Formule 1 dans le monde entier.

    L'objectif de la manœuvre était d'attirer l'attention du public sur leur lutte contre le régime du général Batista et de faire annuler le Grand Prix. Ce dernier eut lieu néanmoins et Maurice Trintignant remplaça l'argentin au volant de sa Maserati. Fangio fut relâché dans la foulée et reçut même les excuses de Castro en personne.

    Le plus politique : Grand Prix de Hongrie

    10 août 1986 – Circuit de l'Hungaroring

    Dans les années 80, dans un monde bipolaire où les blocs de l'est et de l'ouest se font encore face, le sport automobile va parvenir à percer le Rideau de Fer. Perçus comme le fruit du capitalisme, les Grands Prix de Formule 1 sont en totale inadéquation avec le modèle prôné dans les pays alignés.

    C'est Bernie Ecclestone, « grand argentier » et véritable patron de la F1 pendant des décennies, qui parvient à organiser le premier Grand Prix de l'histoire à Budapest en Hongrie.

    Nous sommes en 1986 et même si Mikhaïl Gorbatchev a déjà entamé en URSS sa politique de réforme baptisée Perestroïka, le Mur de Berlin ne tombera que trois ans plus tard. L'événement est un véritable succès, Nelson Piquet remporta la course et Ecclestone endosse le costume de pacificateur recevant même l'ordre du mérite hongrois.