Agressions de pompiers : dans le Val-d’Oise, «on part un peu avec la boule au ventre»

Christophe Castaner a lancé l’expérimentation des caméras piéton des pompiers, qui débutera dans le Val-d’Oise en novembre pour lutter contre les agressions. Six pompiers témoignent des violences subies en intervention.

 Neuville, ce jeudi. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a incité les soldats du feu à porter plainte systématiquement en cas d’agression.
Neuville, ce jeudi. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a incité les soldats du feu à porter plainte systématiquement en cas d’agression. LP/Frédéric Naizot

    Un outil pour prévenir les agressions de pompiers qui se multiplient et traduire en justice les auteurs : les caméras piétons seront opérationnelles dans le Val-d'Oise au début du mois de novembre, peut-être même dès la fin octobre, dans 9 centres de secours. Le dossier vient d'être transmis en préfecture.

    Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur, est venu ce jeudi matin, démonstration à l'appui, lancer cette expérimentation dans un département où les pompiers confient être de plus en plus souvent la cible d'insultes, de menaces et de violences (56 agressions en 2018, 43 depuis janvier). Notamment de la part des personnes qu'ils prennent en charge ou de leurs proches, et pas seulement en milieu urbain.

    Attaqués par un agriculteur et son tracteur

    Ce que six d'entre eux ont confié au ministre lors d'une rencontre organisée dans les locaux du Service départemental d'incendie et de secours (Sdis 95), à Neuville. En poste à Magny-en-Vexin, pompier volontaire depuis vingt-six ans, l'adjudant-chef Gaël Le Tranouez intervient sur un feu de récolte en juillet, à Saint-Gervais, en plein Vexin.

    « J'arrive le premier sur les lieux, confie-t-il au ministre. Je privilégie de préserver le matériel de l'agriculteur et je suis pris à partie. Il me traite de bon à rien, m'insulte. Le face-à-face est très tendu. Un tracteur avec sa herse est alors arrivé, passant à 50 cm de mon personnel. Deux collègues pouvaient être écrasés. Je n'ai jamais connu cela. C'est la première fois que je portais plainte. »

    « On ne sait pas sur quoi on va tomber »

    Pompier volontaire depuis vingt ans, le caporal Lionel Contentin s'y est également résolu après une intervention à Cormeilles-en-Parisis. « J'ai expliqué à l'homme qu'il ne verra pas de médecin comme il l'exigeait. Il est sorti de ses gonds dans l'ambulance, puis a porté des coups… »

    A Herblay-sur-Seine, en début d'année, André Buvat arrive pour secourir un homme. « On s'est aperçu lors de l'intervention qu'il frappait sa femme. Il est alors devenu très agressif », confie le sergent-chef de nouveau confronté à la violence en août. « C'est devenu récurrent. On part un peu avec la boule au ventre. On ne sait pas sur quoi on va tomber. Ce n'est pas notre travail. »

    Des interventions tendues à Villiers-le-Bel

    Même inquiétude pour le sergent-chef James Herkat, à Villiers-le-Bel. « La victime s'en prend à l'équipage dans l'ambulance, donne des coups de poing. Elle a essayé ensuite de me donner un coup de tête avant que les gendarmes n'interviennent. Lorsque nous avons expliqué qu'il y aurait une plainte, cela a envenimé la situation. A Villiers-le-bel, il y a un phénomène de stress qui s'est installé. Lorsque la situation est tendue, que nous attendons en retrait dans le véhicule l'arrivée des forces de l'ordre, cela amplifie l'agressivité. » Un secteur où des guets-apens ont été tendus aux pompiers.

    « Le dépôt de plainte doit être systématique » insiste Christophe Castaner, qui ne veut pas faire de distinction entre les insultes et les agressions physiques. « Il y a eu 1 200 agressions, 312 pompiers blessés en France depuis le début de l'année en sachant qu'il y a 10 000 interventions par jour. Nous constatons une banalisation de la violence aujourd'hui. Qu'elle soit verbale ou physique, une menace ou un passage à l'acte, elle doit être dénoncée. Votre engagement, c'est d'affronter le feu, sauver les personnes, pas d'être blessés. »

    La caméra pourra recueillir les preuves

    « La plainte est indispensable, prolonge le procureur de Pontoise, Eric Corbaux. La caméra sera très efficace pour réunir les preuves, comme les constatations médico-légales, les témoignages. Un magistrat référent va suivre ces dossiers, améliorer la réponse pénale. »

    Le ministre évoque le cas des patients à risque relevant de la psychiatrie qu'il serait nécessaire d'identifier en amont de l'intervention. Un cas à l'origine de la mort d'un pompier il y a un an à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). « C'est un chantier lié au secret médical qu'il faut ouvrir. »