Fontenay : 11 ans de réclusion pour le mari «humilié» qui avait tué sa femme à coups de cutter

Serge D. avait « pété un plomb » le 1er août 2016 après avoir reçu, d’après son récit, une énième récrimination de la part de son épouse. L’avocate générale avait requis 12 ans de prison.

 Fontenay-sous-Bois, le 1er août 2016. Serge D. et son épouse vivaient dans un pavillon de cette impasse. Cet homme de 62 ans a été reconnu coupable de son meurtre jeudi par la cour d’assises de Créteil et condamné à 11 ans de prison.
Fontenay-sous-Bois, le 1er août 2016. Serge D. et son épouse vivaient dans un pavillon de cette impasse. Cet homme de 62 ans a été reconnu coupable de son meurtre jeudi par la cour d’assises de Créteil et condamné à 11 ans de prison. LP/Elsa Marnette

    Quand il prend la parole pour la dernière fois, il ne parle pas de lui mais de son fils à qui il souhaite de « surmonter tout ça ». Donnant apparemment raison à son avocate qui a évoqué un homme ayant « fait partie du mobilier » chez lui pendant 30 ans et à une psychologue dépeignant un sujet bien trop effacé. Ce dont les jurés n'ont visiblement pas été convaincus.

    Serge D., 62 ans, a été condamné jeudi par la cour d'assises du Val-de-Marne à 11 ans de prison pour le meurtre de sa femme, le 1er août 2016 dans leur pavillon de Fontenay-sous-Bois après une énième dispute alors qu'il bricolait. L'avocate générale en avait requis 12 à l'issue de ce procès dans lequel aucune partie civile ne s'est constituée.

    «Trente ans de colère, c'est ça, ces photos»

    Pas même leur fils, la raison pour laquelle cet homme sans antécédents avait d'abord fait croire à un cambriolage qui tourne mal ce jour-là. Pour le « préserver ».

    Très vite, l'enquête révèle que c'est bien lui qui est l'auteur des coups de cutter dans la gorge qui ont mis fin à la vie de son épouse. Très violemment. Des photos de la scène de crime ont été projetées mercredi. « Trente ans de colère, c'est ça, ces photos. Ça n'enlève rien au fait qu'elles sont insoutenables », a plaidé jeudi Me Laure Heinich.

    Cette scène, pour le conseil, a duré « vingt secondes ». « Il a pris le temps ?, ironise-t-elle face aux jurés. Il a pris le temps de rien du tout. Il était complètement débordé par ce qu'il se passait et bien sûr qu'il voulait que ça s'arrête ». « Ça », ce sont les violences physiques et psychologiques dont cet homme a expliqué avoir été victime pendant trois décennies de la part de son épouse. Sans jamais trouver la force, le courage, l'impulsion de porter plainte.

    Un contexte général « déterminant » dans son passage à l'acte, a-t-il été souligné à l'issue de l'instruction. Sans que cela ne puisse constituer un élément à décharge. « Il ne se cherche aucune excuse, a plaidé Me Laure Heinich. Alors c'est vrai, il n'est pas doué pour parler, reconnait-elle au sujet de cet homme qui s'est défendu, à certains moments, bien maladroitement. Si c'était le cas, on n'en serait pas là ».

    «Imaginez si on disait que les femmes battues participent à leur malheur ?»

    Et d'évoquer les « claques quotidiennes » que recevait ce mari privé de chéquier. « C'est écrit dans le dossier », poursuit l'avocate de l'accusé. Elle a invité les jurés à se poser cette question : et si c'était une femme, devant eux ? « Imaginez si on disait que les femmes battues participent à leur malheur ? Ce ne serait pas tolérable. » Mais ils n'ont pas voulu ou pas pu retourner le miroir qu'elle a voulu leur tendre.

    « La maltraitance, a poursuivi Laure Heinich, ça conduit au suicide parfois et ça conduit à ne devenir personne. Pendant trente ans, Serge D. n'a été personne ». Ou tout au plus, toujours d'après elle, un élément « du mobilier, donne l'avocate comme image. Et il faut reconnaître que ce n'est pas pratique quand on est un meuble, de quitter les lieux ».