VIDÉO. Gaga, 14 ans : le surdoué de la bikelife parisienne

BICLOU, ÉPISODE 45. Gaoussou Diakite, alias Gaga, a découvert la bikelife à 12 ans. Depuis, le collégien du Val-d’Oise passe tout son temps libre sur son vélo, multipliant les roues arrière et enchaînements acrobatiques.

    C’est quoi la bikelife? Du cyclisme acrobatique, d’inspiration anglaise et américaine. Entre BMX et trial, mais avec comme principal décor, la ville. Une culture urbaine donc, qui n’est pas sans rappeler celle du skateboard des années 80. D’ailleurs skateurs et adeptes de la bikelife partagent la même aire de jeu à Paris : la place de la République.

    Parmi la grosse cinquantaine d'adolescents perchés sur de larges vélos colorés, Gaoussou Diakite, alias Gaga, 14 ans, un des plus jeunes talents de la discipline en Ile-de-France.

    Retrouvez chaque semaine un nouvel épisode de notre série Biclou sur la page Facebook du Parisien.

    Paris, le point de ralliement de tous les riders

    Gaoussou Diakite vit à Saint-Brice-sous-Forêt (95), il a appris à « lever » (rouler sur la roue arrière), dans un parking sous-terrain de sa ville. Mais son vrai plaisir c'est de venir rouler à Paris. « Saint-Brice c'est notre city stade alors qu'on peut aller sur un terrain de foot. Paris, c'est comme le terrain de foot d'un footballeur » s'amuse l'adolescent. « C'est encore mieux qu'un Parc des Princes », renchérit Ruben Guedj, son acolyte de sorties à vélo.

    Quasiment chaque semaine, l'élève de 4e prend le RER avec son vélo, direction la capitale pour y retrouver un collectif de riders venus de toute l'Ile-de-France. Tous habitent dans un rayon d'une soixantaine de kilomètres et n'hésitent pas à rallier la capitale en train avec leur monture.

    « Ça fait plus de deux ans qu'on vient, on se pose là tous les jours. On se rejoint à Paris, c'est plus simple pour tout le monde, c'est au centre » explique Corentin Duquesnoy, dit Coco, le chef de file de la bikelife dans la région.

    « Il avait un vieux vélo éclaté »

    À 25 ans, Coco a déjà pris plusieurs « petits » sous son aile, ou plutôt dans sa roue. Gaga a montré l'étendue de son talent très vite, et l'aîné a décelé un potentiel rare. Il manquait juste une aide matérielle à ce collégien passionné. « Il avait un vélo de merde, un vieux vélo éclaté. Du coup, on s'est tous cotisés et on lui a payé le vélo. C'est un bon vélo. C'est ce qu'il lui fallait » explique Corentin.

    « Je pense que sans Coco, je serais toujours avec l'ancien vélo et je crois même que j'aurais arrêté, parce que je n'y arrivais plus avec. Je voyais tout le monde rouler avec des super vélos et moi j'étais encore en B'Twin », confie Gaoussou.

    Son nouvel équipement est un SE bikes, une marque américaine historique pour le BMX et les adeptes de la bikelife. Neuf, le vélo coûte un peu moins de 1 000 €. Et un modèle d'occasion restait difficilement accessible pour Gaoussou.

    Le show rue de Rivoli

    Si la place de la République est leur point de ralliement, la place du Trocadéro est aussi l'un de leurs spots de prédilection. Et entre les deux, la nouvelle piste cyclable élargie de la rue de Rivoli est devenue un terrain de jeu où ils ne passent jamais inaperçus. Il n'est ainsi pas rare de voir plusieurs dizaines de riders enchaîner les figures et accélérations entre des cyclistes parisiens interloqués.

    Queue de poisson, passage au feu rouge, non-respect de la priorité aux piétons, certains d'entre eux cumulent les infractions au Code de la route. Si bien que certaines villes comme Quimper (29) ont pris des arrêtés, interdisant la pratique de la bikelife sur la route.

    À Paris, aucune restriction de ce type n'existe pour l'instant. D'ailleurs Coco évoque la brigade de police à vélo de Rivoli qui connaît bien les jeunes du mouvement. « Il y a même un policier qui nous encourage, il nous a même retrouvés sur Instagram. Mais il nous a dit qu'on faisait trop les cons ».

    Souvent, les échanges avec les forces de l'ordre virent « au dialogue de sourds », selon ce jeune de Montataire (60) : « J'essaye de leur expliquer qu'on a un style différent, que c'est notre manière à nous de rouler, qu'on aime ça et qu'on le fait quand il n'y a personne sur la piste cyclable. » Le grand brun bavard rappelle aussi quelques règles basiques à respecter : éviter les zigzags dans la circulation et autour de piétons non consentants à se faire doubler de près.

    Des amendes fréquentes

    Corentin Duquesnoy admet néanmoins quelques comportements peu alignés avec le Code de la route. « Après, oui malheureusement il y en a qui font les cons. On essaye de corriger ça comme on peut mais ce n'est pas souvent facile pour moi. Je ne suis pas l'un de leurs parents ».

    Beaucoup des adeptes de la bikelife écopent ainsi régulièrement d'amendes. « Des fois, les flics nous arrêtent et pour 22 €, parfois il y en a qui pleurent et ils se font défoncer par leurs parents », regrette le Picard.

    « Ça me fait peur en tant que maman »

    Des écarts de conduite qui effraient aussi Ramata Soumano, pourtant très fière des prouesses acrobatiques de son fils Gaoussou. « Ça me fait peur en tant que maman », confie cette aide-soignante très vigilante à l'éducation de son aîné.

    Avec Gaga et ses amis, elle évoque ainsi sans détours leur comportement sur la route : « Quand vous grillez les feux, je n'arrive pas à comprendre, je ne comprendrai jamais, il suffit qu'une voiture arrive et c'est fini. Surtout à Paris, ils roulent comme des fous. ».

    « Ça dépend de l'endroit où on est, on va pas griller des feux sur les Champs, ça c'est sûr, mais un petit trafic comme dans les rues de Saint-Brice, on sait où il y a des voitures, on regarde les angles » tente de la rassurer l'un des ados.

    « Grâce au vélo, je suis heureux »

    La passion du collégien s'est emballée sans que ses parents n'identifient l'ampleur de son potentiel. C'est à 12 ans que Gaga a commencé à s'intéresser à la bikelife, aux détours d'une rencontre dans un parc de sa ville avec un autre adepte du mouvement.

    « Au début, je ne prenais pas trop ça au sérieux, je pensais que ça allait lui passer. Et depuis que j'ai commencé à regarder ce qu'il faisait, ses vidéos, là, je me suis dit « que oui quand même, il a du niveau le petit « » s'amuse la mère.

    « J'espère qu'il va continuer dans ça, qu'il puisse tourner dans des clips, des séries qu'il soit repéré. Parce que ça n'a pas l'air, mais c'est du boulot. Il a beaucoup travaillé pour en arriver là ». Dans le mouvement, les plus aguerris peuvent arrondir les fins de mois avec des tournages et des shootings rémunérés. À l'instar de Tito, égérie pour une marque de chaussures, aperçu aussi dans le clip de Booba.

    En attendant, Gaoussou perfectionne ses tricks après l'école. Ramata sourit en évoquant le rapport fusionnel qu'entretient l'adolescent avec son large vélo argenté, « un prolongement de son corps ». D'ailleurs c'est dans sa chambre, sous son lit que Gaga range sa précieuse monture.

    Une passion dévorante qui a permis au collégien de gagner en assurance et de s'ouvrir : « il y a deux ans, je n'étais pas comme je suis aujourd'hui. Grâce au vélo, je suis tout le temps souriant, je suis heureux. Je suis plus sociable ». Ce n'est pas son immense sourire qui le démentira.

    Retrouvez tous les épisodes Biclou