VIDÉO. Le boom du vélo électrique est-il une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la planète ?

BICLOU, EPISODE 47. Avec sa batterie au lithium et ses besoins de recharge, le vélo électrique n’est pas neutre pour l’environnement. Même s’il pollue beaucoup moins qu’un véhicule électrique et près de 100 fois mois qu’une voiture thermique.

    Il a le pouvoir de dégoûter les autres cyclistes à chaque montée. On parle bien sûr du vélo électrique et de sa batterie, un petit bolide efficace qui permet d’atteindre les 25 km/h sans trop pousser sur les pédales.

    En 2020, la vente de ces vélos à assistance électrique a explosé en France, avec près de 515 000 de ces deux roues écoulés, soit 30% de plus qu’en 2019. Moins fatiguant que le vélo mécanique, accessible aux moins sportifs et aux plus âgés, est-il vraiment une solution si écologique pour les transports en ville ?

    Quand on questionne les pilotes de ces engins rutilants, nombreux sont ceux qui n’y voient pas vraiment d’inconvénient environnemental. « Ça ne pollue pas du tout, c’est zéro pollution » se réjouit un père de famille perché sur un large vélo cargo électrique orange, place de la Bastille. « Oui c’est polluant car on ne sait pas recycler les batteries » tempère un autre, rencontré un peu plus loin sur la piste cyclable.

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    Pour mieux évaluer comment et pourquoi un vélo électrique pollue, il faut étudier l’intégralité de son cycle de vie. Premièrement sa fabrication, avec l’extraction des matières premières et l’étape de manufacture à l’usine. Deuxièmement, son utilisation par le cycliste. Et enfin sa fin de vie, une fois que le vélo est jeté.

    Des batteries au lithium

    L’étape de fabrication est, de loin, la plus polluante. « Environ 95% de l’empreinte carbone du vélo à assistance électrique est liée à la manufacture du vélo lui-même » synthétise Anne de Bortoli, chercheuse en transport et environnement à l’Ecole des Ponts Paris-Tech. Elle est l’une des rares spécialistes à avoir pu quantifier l’impact carbone de nos vélos.

    Si cet indicateur permet de chiffrer la part de responsabilité de nos VAE dans le réchauffement climatique, il ne permet pas d’évaluer à lui seul toute la pollution engendrée par la production de nos vélos, qui renferment des composants électroniques lourds de conséquences pour les écosystèmes et la biodiversité. Une batterie de vélo électrique contient plusieurs métaux plus ou moins rares. Une grande part de cuivre et d’aluminium, mais aussi du lithium, du manganèse, du cobalt et du nickel. Dans une batterie de 500 watts, on retrouve ainsi environ 40 grammes de lithium, selon des chiffres livrés par Bosch, l’un des géants du secteur.

    Son extraction à partir de piscines géantes, principalement en Bolivie, au Chili ou en Argentine, nécessite d’énormes quantités d’eau et pourrait mettre en péril des écosystèmes fragiles. Au Chili, les activités minières sont responsables de 65% de la consommation d’eau de la région. Des activités gourmandes qui poussent déjà les fermiers locaux à s’approvisionner plus loin.

    Le cobalt, lui, est extrait dans des conditions extrêmement difficiles par des mineurs sous-payés en République Démocratique du Congo. Dépourvus de protection, ils creusent souvent à mains nues, au contact de matériaux dangereux.

    Une batterie de Tesla pour 140 batteries de VAE

    Ces impacts environnementaux peuvent néanmoins être relativisés si on les compare à ceux de la voiture électrique, dont la technologie dépend aussi de batteries lithium-ion. Une batterie de vélo électrique pèse en moyenne 3 kilos, c’est de l’ordre de 100 fois moins que celle d’une voiture électrique. Interrogée, la marque Bosch rappelle qu’environ 5000 à 8000 cellules cylindriques de lithium sont utilisées pour une batterie automobile, contre seulement 40 à 60 pour un vélo électrique récent. Pour dresser une comparaison rapide, une batterie de Tesla modèle S consomme donc la même quantité de cellules de lithium que 140 batteries de vélo électrique.

    La deuxième étape du cycle de vie d’un vélo électrique est heureusement beaucoup moins polluante : « En France, la consommation d’électricité pour charger la batterie de son vélo a des impacts très faibles en termes de changement climatique », résume Anne de Bortoli. La France dépend en effet à 70% de l’énergie nucléaire, qui rejette peu de CO2. Si cette énergie est en grande partie décarbonée, elle pose néanmoins d’autres problèmes environnementaux majeurs.

    Recycler son vélo ?

    Troisième étape pour notre VAE : sa fin de vie. Avec un parc de vélos électriques français encore relativement récent, la question de la gestion des batteries usagées s’esquisse timidement. Mais depuis trois ans, des filières spécialisées prennent en charge le recyclage de ces déchets un peu particuliers. 25.000 pièces ont ainsi pu être recyclées par la filière en 2020.

    Grâce à ce processus, 70% des composants plastiques et métalliques peuvent ainsi retrouver un second souffle. « Les métaux recyclés peuvent être réutilisés dans d’autres applications, en temps que matières premières secondaires, pas forcément pour fabriquer des batteries mais, par exemple, certains aciers », détaille Gilles Garin, directeur de la SNAM de Saint-Quentin-Fallavier (38).

    Dans ce site de recyclage, des batteries collectées partout en France, par la société Corepile, sont démantelées chaque semaine. « Ce sont ces éco-organismes qui nous envoient des palettes complètes », précise Gilles Garin, en déballant un large carton rempli de batteries à bout de souffle.

    Une fois déballées, ces batteries sont ensuite minutieusement démantelées. À l’intérieur de la coque rigide, une kyrielle de cylindres colorés : les cellules. « Une batterie c’est une succession de petites piles mises bout à bout » détaille le directeur. L’enveloppe plastique est isolée, tout comme les circuits imprimés et composants électroniques.

    Les cellules, elles, vont passer plusieurs heures au four. Pour leur recyclage, elles sont chauffées à plusieurs centaines de degrés dans un four de thermolyse. Une fois carbonisés, les cylindres sont broyés et séparés. Le fer, le cuivre, l’aluminium, le carbonate de lithium vivront ensuite une seconde vie.

    Malgré les efforts des industriels du cycle, le taux de recyclage des batteries usagées n’atteint pour l’heure que 8%. De nombreuses batteries usées somnolent encore trop souvent dans nos tiroirs au lieu d’être collectées et traitées. D’autres sont reconditionnées et ne rejoindront la filière que plus tard.

    Pour réduire l’impact environnemental de son vélo électrique, la solution est justement de l’utiliser le plus longtemps possible. Une manière d’amortir son empreinte, en le répartissant sur un grand nombre de kilomètres. « Si on achète un vélo à assistance électrique sur un coup de tête et que finalement on ne l’utilise que 1000 km, l’empreinte carbone au kilomètre parcouru est finalement aussi forte que celle de l’utilisation d’une voiture. », alerte Anne de Bortoli.

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