VIDÉO. «Oui, mais les cyclistes grillent les feux»... vraiment ?

BICLOU, la série vélo du « Parisien ». Accusés de s’asseoir sur les règles les plus basiques du Code de la route, conspués par des automobilistes excédés et des piétons effrayés, les cyclistes parisiens irritent leurs concitoyens sur le bitume. Mais sont-ils vraiment les dangers publics qu’on dépeint ? Reportage vidéo.

    BICLOU, ÉPISODE 21 - Une grappe de promeneurs s’avance timidement sur le passage clouté qui relie le forum des Halles et le Centre Pompidou, sur le boulevard Sébastopol. Soudain, une femme en rose déboule, appuyant sur les pédales de son Vélib’, déterminée à passer coûte que coûte, en criant « pardon ! » pour mieux se faufiler entre les piétons, alors que le feu est rouge. Désignant le signal piéton, un passant, qui manque d’être bousculé, invective la cycliste : « On est au vert c**** ! ». Ambiance.

    Retrouvez chaque semaine un nouvel épisode de notre série Biclou sur la page Facebook du Parisien.

    « Ils nous fatiguent les cyclistes »

    À Paris, ces altercations s'enchaînent chaque jour à l'heure de pointe sur les axes très fréquentés par les cyclistes, comme la rue de Rivoli ou le boulevard Sébastopol, où transitent jusqu'à 18.000 cyclistes par jour. « C'est calamiteux, vu qu'on ne peut pas passer et qu'on peut se faire écraser. Ils ne respectent rien en fait », se désole Eliott, cartable sur le dos.

    Cet élève de CM2 a lui aussi vécu une traversée bousculée sur le boulevard de Sébastopol. « Je viens de la campagne et c'est assez dur ici. Ce n'est pas rassurant de traverser là », renchérit Anita, sa grand-mère.

    Les piétons ne sont pas les seuls à dénoncer ces incartades à vélo : « Ils nous fatiguent les cyclistes. Ils débordent de partout, de droite à gauche. Il faut être dix fois plus vigilant », s'inquiète Tony, chauffeur-livreur, affairé à scanner une pile de cartons, « Ça pourrait finir mal un jour. Vu qu'on roule en camion, on ne voit pas ce qu'il se passe dans les angles morts ». « Renverser un cycliste, j'ai vraiment peur de ça », se désole Jean-Pierre, lui aussi livreur.

    +180 % d'infractions constatées par la police

    Depuis le déconfinement, la pratique du vélo a bondi de 60 %. Les cyclistes sont plus visibles, tout comme quelques-unes de leurs infractions fétiches les plus courantes : feux rouge grillés, détours à pleine vitesse sur le trottoir, passages piétons ignorés ou portable au guidon. Des écarts à la loi passibles d'amendes de 11 à 135 €, sans retrait de points sur le permis de conduire.

    Les opérations de police se multiplient pour sanctionner ces écarts de conduite : « Actuellement c'est une priorité du préfet de police d'intensifier les contrôles sur la capitale », pointe le capitaine Marc, chef de la IIe compagnie de circulation de la préfecture de police de Paris.

    Et les PV fusent sur les pistes cyclables, notamment pour port du casque audio au guidon. « On observe une augmentation assez significative des infractions constatées, qui sont à peu près de l'ordre de 180 % », détaille le policier.

    La Sécurité Routière vient, elle, de lancer une grande campagne de prévention pour tenter d'enrayer des chiffres d'accidentologie en hausse pour les cyclistes.

    À l'échelle de la France, le nombre d'accidentés à vélo a grimpé de 60 % en juillet et en août par rapport à 2019, même si cette augmentation ne peut pas être dé-corrélée de l'arrivée de nombreux nouveaux cyclistes sur le bitume.

    « Les cyclistes ne font pas d'avantage d'infractions que les autres »

    Olivier Schneider, président de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), déplore les conséquences néfastes du comportement de « quelques illuminés » prompts à enchaîner les incivilités « pour gagner quelques secondes » de trajet. « Je leur envoie un message de responsabilité. […] Respectez les piétons et respectez les règles dès que c'est possible ».

    Mais aucune étude récente et menée à grande échelle permet d'évaluer précisément l'ampleur des infractions commises à vélo. « Les cyclistes ne font pas d'avantage d'infractions que les autres. Ils en font des différentes », nuance Olivier Schneider, et il précise « certains comportements sont interprétés comme infractionnaires alors qu'ils sont autorisés par le bon sens et le Code de la route ».

    Un Code de la route déjà adapté aux cyclistes

    Ce fervent promoteur du vélo regrette un manque de pédagogie quant à certaines règles du Code assouplies pour les vélos : « Les rues en sens interdit sont généralement autorisées dans les deux sens pour les cyclistes ». De nombreux feux rouges peuvent aussi être passés comme des cédez-le-passage dès lors qu'un panonceau triangulaire M12 est apposé à l'intersection et qu'il n'y a personne en face.

    D'ailleurs, sans panneau, certaines intersections sont tellement dangereuses que certains cyclistes peuvent être amenés à s'y faufiler sans égard pour les règles de priorité : « Le fait de ne pas regarder stupidement juste la couleur d'un feu, mais de bien observer la circulation, souvent, en effet, c'est salvateur », décrypte Olivier Schneider.

    L'associatif appelle à des rues mieux adaptées aux cyclistes pour en finir avec ces tensions quotidiennes : « Il faut concevoir des infrastructures où il y aura le moins d'attente possible et le moins de détours possible. Et là, je vous garantis que les relations avec les piétons ou les automobilistes, ou même entre cyclistes, vont s'améliorer ».

    Regardez les autres épisodes de la série Biclou