Yvelines : la lutte contre la réforme du lycée prend de l’ampleur

Occupation du lycée jusqu’à 22 heures, grève ce mercredi et manifestation devant l’inspection académique… à La Queue-lez-Yvelines comme ailleurs, des profs et des élèves sonnent l’alarme.

 La Queue-lez-Yvelines, ce mercredi matin. Profs et élèves alliés contre la réforme Blanquer et les menaces qu’elle fait peser sur les conditions d’enseignement.
La Queue-lez-Yvelines, ce mercredi matin. Profs et élèves alliés contre la réforme Blanquer et les menaces qu’elle fait peser sur les conditions d’enseignement. LP/MAXIME FIESCHI

    Pas de troubles. Pas de manifestation violente. Mais plusieurs dizaines de professeurs du lycée Jean-Monnet de La Queue-lez-Yvelines ont néanmoins voulu marquer les esprits.

    Mardi soir, ils ont participé à la Nuit des lycées, tentant d'occuper leur établissement afin de protester contre la réforme du ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer. Ils en ont été délogés à 22 heures.

    Mais ce mercredi matin, ils étaient de retour devant le lycée. Une quarantaine d'enseignants, rejoints par une délégation d'élèves pour faire valoir leurs revendications. Et dans l'après-midi, ils se sont rendus à Guyancourt pour crier leur colère sous les fenêtres de la Direction départementale des services de l'Education nationale (lire par ailleurs).

    La dotation horaire globale a mis le feu aux poudres

    « Notre mobilisation contre la réforme du lycée et du bac couve depuis le mois d'octobre, attaque Simon Gauthier, professeur d'histoire-géographie. Le 24 janvier, nous étions 50 % de grévistes. » Ce qui a finalement mis le feu aux poudres, c'est la dotation horaire globale tombée il y a quelques semaines.

    « On nous avait supprimé huit postes d'enseignants, s'étrangle Christine Barnel, professeur d'histoire-géographie. Après notre grève, nous avons réussi à en sauver cinq. Mais la situation demeure précaire. Il nous faut davantage de moyens pour avoir plus de postes. Or la réforme engagée vise à faire augmenter le quota d'heures supplémentaires pour supprimer des postes. »

    L'autre inquiétude majeure, et les élèves de terminale venus soutenir les professeurs en conviennent, demeure l'esprit même de la réforme du lycée. « La disparition des filières et l'enseignement des spécialités va conduire à l'individualisation des parcours et va mettre les établissements en concurrence. C'est un recul de l'égalité des chances », s'inquiète Anita Rocaboy, professeur de management.

    Celia, 17 ans : « Il faudrait savoir dès la fin de seconde ce que l'on va faire de notre vie »

    « Et puis il faudrait savoir dès la fin de 2nde ce que l'on va faire de notre vie, s'inquiète Celia, 17 ans. Moi, depuis que je suis en 1re, j'ai déjà changé six ou sept fois de projet, d'historienne à manager ! Si jamais les élèves se retrouvent dans une spécialité qu'ils n'aiment plus ou qu'ils ne maîtrisent pas, est-ce qu'ils pourront changer ? On n'en sait absolument rien ! »

    Les élèves n'envisagent aucune action de blocage pour le moment. « On veut créer l'émulation dans les établissements alentour et tenter de faire grandir la grogne », explique Chloé, 17 ans.

    Les enseignants, eux, comptent se remettre au travail ce jeudi. Mais, en plus de la grève de ce mercredi, ils ont cessé depuis plusieurs jours de mettre les évaluations en ligne sur ProNote.

    « La spécialisation, c'est former des futurs travailleurs calibrés pour l'entreprise, mais nous ne sommes pas là pour ça, concluent-ils. Notre tâche, c'est d'éduquer de futurs citoyens et de leur donner toutes les chances et de leur ouvrir tous les horizons possibles. »

    MOBILISÉS DEVANT LA DIRECTION ACADÉMIQUE

    Guyancourt, ce mercredi après-midi. Plusieurs dizaines d’enseignants et des parents d’élèves ont demandé à être reçus par la direction départementale pour faire valoir leurs revendications. LP/MAXIME FIESCHI
    Guyancourt, ce mercredi après-midi. Plusieurs dizaines d’enseignants et des parents d’élèves ont demandé à être reçus par la direction départementale pour faire valoir leurs revendications. LP/MAXIME FIESCHI LP/MAXIME FIESCHI

    Des délégations d'enseignants et de parents de collégiens et lycéens venues d'un peu partout : Les Essarts-le-Roi, Sartrouville, Trappes, Élancourt, Les Mureaux, Mantes-la-Jolie, Le Mesnil-Saint-Denis… Et à chaque fois, des doléances scandées dans un haut-parleur planté sous les fenêtres de la direction académique ce mercredi après-midi, par la soixantaine de manifestants présents.

    « On aura 32 élèves par classe en 5e ! » ; « Selon les calculs, on perd deux élèves dans les effectifs et du coup, on nous ferme deux classes ! » ; « On est obligé de fermer des options car nous n'avons plus de moyens »…

    Trente postes supprimés dans les collèges et lycées selon le Snes

    La même inquiétude à chaque fois : celle de devoir travailler dans des conditions de plus en plus précaires. Selon les calculs du Snes, le syndicat à l'origine de cette mobilisation, dans les Yvelines, treize postes sont supprimés dans les collèges et dix-sept dans les lycées.

    « Rendez-vous compte, raconte cette prof de Sartrouville, avec 30 élèves par classe, ça veut dire qu'en anglais, chaque élève a au maximum une minute par cours pour faire de l'expression orale ! »

    Après quelques hésitations et négociations, des délégations ont finalement été reçues par des collaborateurs du directeur académique pour prévoir des entrevues dans les prochains jours avec les établissements mobilisés. La direction départementale de l'Education nationale confirme que « chaque dossier sera étudié » et que des réponses seront apportées au cas par cas. Elle précise que selon la teneur des revendications, des entrevues pourront être organisées avec des délégations des établissements concernés.