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Voisin immédiat de Saint-Emilion, le territoire est également dominé par un plateau calcaire comparable où le merlot, flanqué des deux cabernets (franc et sauvignon) donne des raisins exemplaires
Voisin immédiat de Saint-Emilion, le territoire est également dominé par un plateau calcaire comparable où le merlot, flanqué des deux cabernets (franc et sauvignon) donne des raisins exemplaires
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Castillon, un bordeaux qui a la cote !

Le goût de la France

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Divine surprise aux pays des Côtes de Bordeaux ! Entre Libourne et Sainte-Foy-la-Grande, ce vignoble historique ne se contente pas d’offrir ses courbes sensuelles au nomade buveur. Un antidote aux prix hystériques pratiqués par ses voisins de Pomerol et Saint-Émilion.

Le vrai problème des grands vins de Bordeaux, c’est qu’on passe (beaucoup) plus de temps à parler d’argent que d’émotion en les évoquant. Le millésime 1995 d’une bouteille de Petrus – icône de Pomerol – acheté en primeur moins de 100 euros à l’époque (en incluant l’inflation) vaut plus de 2 500 euros soit +2 500 %. Le prix d’une bouteille de Petrus 2015 frôle actuellement 4 800 euros, autant que 48 bouteilles du Petrus 1995 évoqué à l’instant. Ne changez pas de lunettes, vous avez bien lu.

Il ne faut pas s’étonner dès lors que l’image des vins de Bordeaux se soit dégradée à ce point aux yeux des pauvres que nous sommes, incapables d’être millionnaires à 50 ans. L’arbre ne doit pas pour autant cacher la forêt : entre 2000 et 2021, le cours du tonneau de l’AOC générique Bordeaux rouge en vrac est tombé de 1 400 à 1 200 euros environ (source ministère de l'Agriculture), cherchez l’erreur…

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La génération Z (née en 2000) qui, pourtant, ne rechigne pas aux plaisirs du bien boire, ne connaît rien, hélas, des joies bordelaises. De trop nombreux sommeliers, par faiblesse morale, s’évertuent à jouer la carte du « tout sauf Bordeaux » au cœur même de la capitale girondine. Un signe des temps d’autant plus affligeant que les Bordeaux satellites des crus classés n’ont jamais été aussi délicieux à des prix très affûtés. Pour s’en convaincre – que l’on soit buveur chevronné ou néophyte – il suffit de choisir avec un peu de soin une bouteille de Castillon et de faire sauter le bouchon.

Saveurs calcaires

Vendu sous la houlette des Côtes de Bordeaux, le vignoble de Castillon est ce secret qu’il faut partager. Voisin immédiat de l’AOC archi-célèbre Saint-Émilion, le territoire est également dominé par un plateau calcaire comparable où le merlot, flanqué des deux cabernets (franc et sauvignon) donne des raisins exemplaires. La composition calcaire, assez poreuse, permet au sous-sol d’emmagasiner une quantité phénoménale d’eau de pluie et à la vigne de capter cette eau en cas de sécheresse.

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C’est ici précisément, sur ce plateau, que se situa en 1453 la fameuse bataille qui nous opposa une fois de plus aux Anglais. Depuis le mariage d’Aliénor en 1152, l’Aquitaine était aux mains de la perfide Albion. En boutant les Anglais hors de Guyenne, la victoire à Castillon rattacha définitivement la région à la France. De Castillon-la-Bataille jusqu’à Saint-Philippe d’Aiguilhe, ce calcaire – dit à astéries – servit de pierre de construction à de nombreux bâtiments girondins. Il peut donner de grands vins rouges de garde, parfois un peu austères dans leur jeunesse mais salivants, purs, droits. Ils n’ont rien à envier à nombre de grands crus saint-émilionnais.

En contrebas du plateau, les coteaux riches en molasses (plus argileuses) donnent lieu à des vins davantage ronds et affables – ils raviront les amoureux des merlots moelleux en bouche – pour un plaisir plus immédiat dès la mise en bouteille. Au musée des Beaux-Arts de Bordeaux se trouve un tableau assez étonnant, Charles Quint ramassant le pinceau de Titien, peint par Bergeret. En le découvrant, on se dit qu’au fond, il en est du vin comme de l’art : artistes et vignerons se doivent d’être reconnus non pour ce qu’ils sont (par le prestige de leur nom) mais par ce qu’ils font (par leur attention quotidienne). Gloire à Castillon, non moins qu’à Saint-Émilion !

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Bouteilles indispensables

> Castillon-Côtes de Bordeaux 2018

Château Robin, 5 route de Laclaverie à Saint-Cibard, Tél. 05 57 56 05 45. 18 euros.

Ce terroir ancien était une belle endormie jusqu’à sa reprise en mains en 2018. Ce premier millésime de cette nouvelle histoire instaure un rouge franc, droit, marqué par l’expression des cabernets et du malbec. Un cru à suivre de près.

> Castillon-Côtes de Bordeaux 2019

Château Les rochers de Joanin, au Château Grand-Corbin-Despagne, à Saint-Emilion, Tél. 05 57 51 08 38. 10 euros.

Une expression fidèle à son terroir calcaire à Saint-Philippe d’Aiguilhe, les tanins sont encore un peu fermes mais pas durs pour autant, deux ans de patience seront nécessaires pour un plaisir intense. Beau vin à prix démocratique.

> Castillon-Côtes de Bordeaux cuvée La Folie 2017

Maison Kavaklidère, 321 route de Lartigue à Belèves-de-Castillon, Tél. 05 57 49 48 23. 8 euros.

Encore une petite merveille à prix d’ami ! On se régale de ce fruit juteux, d’une franchise et d’une simplicité proverbiales. Bravo.

> Castillon-Côtes de Bordeaux 2019

Château Alcée, à Saint-Cibard, Tél. 05 57 46 07 57. 19 euros.

C’est l’une des étoiles montantes de l’appellation, notre dégustation l’a confirmé dans ce millésime ensoleillé et séducteur.

> Castillon-Côtes de Bordeaux 2014

Clos Puy Arnaud, 7 Puy Arnaud à Belvès-de-Castillon, Tél. 05 57 47 90 33. 27 euros.

Thierry Valette nous offre un 2014 irrésistible, sans concession au terroir. Bouche svelte et intensément parfumée de notes de fleurs.

> Castillon-Côtes de Bordeaux cuvée les Argileuses 2021

Château Le Rey, lieu-dit Cassevert à Saint-Christophe-des-Bardes, Tél. 05 57 24 77 15. 14 euros.

Un domaine à suivre de très près pour la race évidente de ses jus (la cuvée Les Rocheuses 2020, vendue 24 euros, est l’autre pépite du domaine et offre l’autre facette des deux terroirs de l’AOC). Un vrai coup de cœur, bravo à Jean-Christophe Meyrou et son équipe.

> Castillon-Côtes de Bordeaux 2016

Domaine de l’A, 11 lieu-dit Fillol à Sainte-Colombe, Tél. 05 57 24 92 43.

Peu comme Stéphane Derenoncourt ont cette capacité à sortir des vins jubilatoires, pleins d’esprit, qui rendent heureux sans chercher à forcer le destin. Très parfumé, aiguisé, ce 2016 ne fait pas exception à la règle. On passe un excellent moment en sa compagnie.

> Castillon-Côtes de Bordeaux cuvée le Chevalier 2018

Château de l’Anglais, à Puisseguin, Tél. 05 57 74 58 94. 8 euros.

Un rouge gracile et facile d’accès, typé et rassembleur. Du bel ouvrage.

> Castillon-Côtes de Bordeaux 2019

Clos Louie, 1 Terres blanches à Saint-Genès-de-Castillon, Tél. 05 57 74 46 63. 30 euros.

Une impression minérale qui intrigue, un fruit qui offre sa générosité dans un corps plein, bref Sophie et Pascal Lucin-Douteau signent un Castillon de très haut niveau.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne